Il ertenef elle #6

© Louise Bourgeois

vue imprenable sur tout Paris en plan dans la chambre d’un mourant homme encore jeune qui sait qu’il sait en sapiens sapiens qu’il ne passera pas l’été cet été ce qui passe c’est le temps à la vitesse supersonique des avions de chasse qui passent et repassent à l’entraînement des festivités du 14 Juillet  Patrouille de France mais trouille personnelle qui prend le ventre à deux mains de ceux et celles qui resteront comme les reliefs d’ortolans de la fable des Rats des Villes et des Champs une fois qu’il aura tiré sa révérence le personnage principal de la vue bleu blanc rouge la trouille de toutes les couleurs dès qu’il ou elle s’éloigne de l’oeil du cyclone de la mort au travail en direct de l’ami de l’aimé du bien-aimé en direct de son corps jaune et sec comme un citron gardé précieusement en souvenir d’un Bel Été d’Italie jaune sec doux et odorant cependant du parfum ancien de l’odeur de sainteté qui l’emporte sur la chimie la chimio les produits ménagers ou la déliquescence redoutée avec horreur mais toujours avec tact avec talc pour éviter aux verticaux qui demeureront avant qu’il soit long seuls comme des rats des villes ou des champs comme si la connaissance de l’homme qui meurt avec une vue pouvait se mesurer en kilomètres pour les provinciaux de longues dates et les parisiens plus récents sang neuf qui l’irriguera bien après sa mort sang puissant de la ville qui éloigne les mauvais souvenirs qui l’assaillent et lui mordent le cul comme un troll à Gynt quand la morphine déçoit devant la douleur la ville elle tient sa promesse de répulsif  à vieilleries médiocres maladie honteuse de la honte secret de Pulcinella trop longtemps non-dits non-tus et jamais tués dans le tiroir à secrets où un coquillage ramassé dans un avril à Pompéi renfermait tous les chemins non ça s’exagère en élégie : à peine quelques chemins déjà tant le terrain avait été miné à la base ce qui n’empêchait pas les roses de pousser le latin de latiner la musique de chanter mais pesait bien lourd dans le sac il l’a posé voilà quelques jours quand la bagarre a cessé elle assise dans l’embrasure voudrait des hirondelles qui passent et repassent sous l’égide bénigne de Saint Antoine l’égyptien au lieu de commémorations enflées militaires et politiciennes elle une des rates des champs toujours trop tôt ou trop tard se défilant de leur défilés en prenant les fenêtres en enfilades  la grande vitre du café SINPAS SEL contre laquelle court un long radiateur en fonte effaçant le tableau de la Capitale pour écrire en minuscules bien soignées une lettre d’amour si bien déguisée qu’il n’y avait vu que du feu  ou plutôt le contraire une carte postale  panoramique de tout l’hiver qui tombait dans la rue déserte et dont elle comptait l’infinité assise sur le coffrage en bois aubergine qui domestiquait la bête en fonte en chaleur de chat glougloutant l’autre le ronronnant lui partageant cette place de choix sous le voilage du grand rideau blanc ajouré de milliers de petits carrés où chaque flocon trouvait son cadre sa fenêtre pour souffler le peu qu’il avait à dire : la vie est brève vous me faites fondre nous sommes légions blanc sur blanc les vacances de Noël ne passeront pas l’hiver et la gêne conjuguée de l’expéditrice et du réceptionner du brûlot pâlichon de maladresses ne fera pas une love story ni un teen spirit mais une fois bue une solide amitié en bois de chauffe sans diminuer jusqu’au jour où ça sentira le sapin sans forêt le sapin singulier qu’elle choisira épaulée épaulant d’autres petit rats d’opéra médusés assommés par la canicule hagards promeneurs et promeneuses d’un triste chien et aussi perdus que lui en dépit du collier qui dit qu’ils ne vivent pas là qu’ils ont loin de chez eux dans cette vue imprenable minable dernier verre du condamné cliché à l’ironie acide Paris est une fête il n’a pas touché à sa compote ? Que peut-on dire on ne sait pas quoi dire on échange des vues une fenêtre sur le château dans la chambre d’un mourant homme âgé très âgé on aurait dit ça autrefois et  qui sait qu’il sait en sapiens sapiens qu’il ne passera pas l’été cet été ce qui passe c’est le temps à la vitesse des paroles qui compte-gouttent en perfusion générale pour le fils visiteur de l’homme alité pour de bon celui qui voudrait dire mais manque d’air de temps de vie le gisant comment faire autrement quand ça ne veut plus marcher s’il suffisait d’avoir une vue de château à l’hôpital de la Rochefoucauld pour faire des Maximes Contentons-nous pour faire bonne mine de ne nous pas dire à nous-mêmes tout ce que nous en pensons, et espérons plus de notre tempérament que de ces faibles raisonnements qui nous font croire que nous pouvons approcher de la mort avec indifférence fenêtre verre de loupe impair et manque sur les mauvaises augures oubli cruel de s’entendre demander chaleureusement des nouvelles d’un fantôme traçant dans la poussière invisible du couloir un seuil infranchissable et tout proche  l’ouverture de petites fenêtres de ciels, d’eau et de montagnes  sur le téléphone du veilleur de jour comme de nuit du départ  rapporte comme la marée le souvenir d’un enregistrement de la voix du vieux monsieur réalisé par un troisième du même nom le fils du fils  et inscrit leur patience à tous dans la lignée des hommes 

A propos de Emmanuelle Cordoliani

Joue, écrit, enseigne, met en scène et raconte des histoires. Elle a été décorée par Beaumarchais ( c'est un raccourci mais pas une usurpation ) et elle travaille avec la même équipe artistique depuis des lustres ( le Café Europa ) ce qui fait sa fierté et sa joie. Voir et explorer son site emmanuellecordoliani.com

8 commentaires à propos de “Il ertenef elle #6”

  1. N’arrive pas à trouver des mots appropriés pour dire … la justesse, la pudeur, la beauté…. C’est Un hommage bouleversant. Merci

  2. C’est une réussite votre texte, bravo. Il faudrait que j’y retourne pour m’imprégner de sa force.

  3. La vue imprenable dans la chambre de l’homme qui meurt – quelle importance ? L’homme est pris- , le seuil infranchissable tout proche et l’ouverture de petites fenêtres de ciels : tout est juste surtout les petites fenêtres qui s’ouvrent

    • La proposition de François Bon m’a immédiatement menée sur la piste vertigineuse de la mise en abyme camembert. Ce texte est une partie de la réponse à une de mes interrogations de l’été : écrire au moment de la mort, de la perte, du deuil… Finalement, ces questions portent beaucoup plus sur le Comment que sur le Pourquoi. Merci de votre coup d’oeil si précis à travers ces fenêtres en enfilades.