Table à repasser

1/ Table. Table à repasser. Linge. Linge à repasser.

2/ Jours. Jours à défroisser.

3/ A quelques pas du lit il y a la table à repasser. Du lit on voit les pieds. On voit le linge qui est posé. Pas le dessus de molleton cramé. — Tu laisses ton linge sur la table, pour repasser tu fais comment ?

4/ C’est une table ancienne d’ossature délicate des pieds d’aluminium semble-t-il. ( — C’est léger, non, l’aluminium ?) De longues pattes comme celle d’une sauterelle. Là, elle est à sa hauteur maximale. On peut régler les hauteurs. Au moins trois. Pour des repasseurs en trois catégories de tailles. — Des repasseurs ou des repasseuses ? Les hommes se glissent parfois dans les vapeurs de linges. Le monde change vois-tu. Les repasseuses de Degas ( la rousse au bras droit long comme les jours sans nuits il pèse sur le fer quand le regard s’enfuit par une fenêtre qu’on ne voit pas ) ou celle de Reverdy ( Autrefois ses mains faisaient des taches roses sur le linge éclatant qu’elle repassait. Mais dans la boutique où le poêle est trop rouge son sang s’est peu à peu évaporé. Elle devient de plus en plus blanche et dans la vapeur qui monte on la distingue à peine au milieu des vagues luisantes des dentelles ). — Vous aviez cherché repasseur ?

5/ Approchez, soulevez le linge qui est posé. Ce linge qu’il faudra déplacer pour le repasser. Voyez le molleton marqué au fer. La douce couche ouatée celle qu’on a blessée et qui a recueilli les brûlures. Un enfant avait crié, le lait avait peut-être débordé, le téléphone sonné? — J’ai connu une femme, une poétesse elle avait mis le feu au molleton. Pour la strophe d’un poème. Pour un mot, un seul mot, la chambre brûla (le poème n’enflamma personne).

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

6 commentaires à propos de “Table à repasser”

  1. Heureuse de te lire à nouveau, par hasard, à reception quand tu as posté. Très beau, très doux, recueillir les brûlures… pour un lait qui déborde. J’aime. Et si tu finissais par une question, plutôt que par ce jugement qui me chiffonne. Repasseurs, repasseuses… Mais je comprends ton désir de chute qui casse. Lol. Merci, c’est très beau.

    • Merci Anne. Très précieux retour. Ta remarque sur la chute . Ce truc récurrent : vouloir casser – faire chute- Je mets le jugement entre parenthèses pour voir et je laisse reposer .

  2. j’en aime la grammaire mobile des tu et des vous surgie après les deux très courtes entrées sans sujet, les effets de zoom et de décalage mêlés, quelque chose reste suspendu après la lecture comme la vapeur du fer éteint. merci.