< Tiers Livre, le journal images : solitude de la dinde au lendemain

solitude de la dinde au lendemain

Après 2 jours fériés, il fallait bien aller au ravitaillement, au moins de quoi constituer une soupe de légumes, il me fallait aussi des enveloppes. Le supermarché semble un lendemain de guerre : rayons vides, ambiance jaune des néons – même pas l’impression (enfin) qu’ils aient mis la musique d’ambiance. Ça m’impressionne de ce vieux pays : dans les quartiers populaires, on sait que la proportion de chômage chez les hommes de 40 ans dépasse les 40%. On se serre à 64 millions dans ce coin de vieille terre, et là où ils ont de nouveaux espaces, quoi qu’en puisse grogner souterrainement Gaston Miron, on se dit que la langue française n’en a plus bien pour longtemps à faire semblant. Pourtant, le sacrifice à la consommation fut encore à échelle de la population. Ils n’ont certes pas tout bu, mais c’est parce que les rayons vodka et ouisqui correspondaient mieux aux prescriptions de la consommation organisée, que la production locale. On a fait marcher à plein rendement les abattoirs industriels à poulets, dindes, chapons, pintades. Dans ces usines, ils sont vraiment agressifs à qui tente de prendre des images du dedans. Ce matin, il reste deux dindes, à jamais sous cellophane, au bout de leur trottoir vide comme vide la ville à gueule de bois. Ils en feront quoi, dans quel crématoire de surplus pour denrées périssables elles finiront, les dindes enturbannées, passée la date limite de consommation ?


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 3 janvier 2011
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