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fossiles de nous

Pas osé sortir l’appareil photo hier dans ces pièces où Paul Coulet accumule près de 50 ans d’arpentage des montagnes d’ici, fossiles dont certaines variétés portent désormais son nom, la façon dont il raconte que la libellule n’a pas évolué depuis le primaire et le prouve par une pierre, ou de la différenciation sexuelle dans les ammonites dites déroulées. Ce qui est passionnant dans ces pièces, et le plaisir à y revenir, c’est comment toutes ses différentes collections s’imbriquent dans la même passion de savoir, celle que les instituteurs par exemples constituaient et transmettaient. Les séries ici s’entremêlent, les inventaires se chevauchent dans les mêmes caisses, sur les mêmes tables étroites – cabinet de curiosité de l’amateur, mais avec le même ancrage du regard qui scrute, ou bien de l’histoire à raconter, et des personnages qu’on y associe, dont chaque objet est la trace et l’accès. C’est le film, qu’il faudrait. On retient la voix, le regard, la beauté levée sous la lampe, autant que l’histoire terrestre devenue soudain verticale, presque monstrueuse, qui vous happerait vif à ces dizaines de milliers d’années de distance. Dans le couloir, entassés, les dernières acquisitions, par échange ou brocante (les amateurs de fossiles sont une sorte de confrérie internationale, s’expédiant leurs échantillons d’Australie à la Sibérie). Je me saisis d’outils agricoles étranges. Je n’y reconnais pas, tout d’abord, le repli perpendiculaire qui signe la provenance : lames de faux reconverties, en hachoirs, en planes, en simples couteaux. Paul Coulet le confirme : ce qui l’a intéressé, dans cette série (parmi dizaines d’autres séries montant au plafond dans les trois pièces), c’est comment on se réapproprie l’outil inutilisable, la lame de faux brisée ou trop usée. On les regarde longtemps – et ce qu’il faut d’artisanat domestique pour cette reconversion. Ce n’est pas le problème de Paul, mais sur la route du retour longtemps pensé à ce qu’on pourra reconvertir de nos outils, ceux-ci, ceux du numérique.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 juillet 2011
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