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New York 9/13 | bâtisseurs de musée

Le Whitney ce n’est pas un musée comme les autres, c’est l’art des Américains, dont Hopper, Rothko et quelques autres seraient juste des exemples de la partie émergée. J’aime le Whitney parce que ce ne sont pas les grands modèles du monde de l’art, ce qui n’empêche pas de leur rendre respectueuse et admirative et travailleuse visite au MoMA (découvert hier l’immense Brooklyn Museum, belles collections aussi), mais tout leur propre continent qu’eux-mêmes, les Américains, n’ont pas pris au sérieux, trop occupés par la valeur marchande des artistes d’Europe. Pourtant, ces artistes d’entre les deux guerres ou des années cinquante, ils comptent au moins pour deux bases : la notion de paysage urbain, et pas de hiérarchie entre un bâtiment à vocation industrielle et un paysage naturel, l’élan noble d’une ville et une suite d’entrepôts. Plus la notion de peuple, que nous on a beaucoup trop laissée s’éloigner : peuple au travail, peuple passant des villes, peuple loin des préoccupations d’art – mais qui est le territoire obligé de ceux qui doivent peindre, sculpter, photographier (mais les photographes sont plus connus) leur morceau de réalité, là où ils sont et tel qu’il se présente. Ce qui fait du bien, au Whitney, c’est comment ça vous débarrasse de la plaie de ces questions sur littérature et monde du travail, écriture et engagement et toutes ces merdes à sous-thèses. La rançon du petit bâtiment blanc du Whitney, c’est que les oeuvres exposées c’est une toute petite partie des réserves, vous y trouverez toujours trois Hopper magnifiques et surprenants, jamais les mêmes, mais pas les 400 de leur fonds. Et même si chaque fois on note consciencieusement le nom des artistes qu’on découvre, et dont on se promet exploration supplémentaire, quand on revient c’en est d’autres. La bonne surprise donc, greffé sur le bout de la high line, d’un Whitney tout neuf en construction, et bien grand comme huit fois l’actuel. Alors, à rester un moment avec les gars qui construisent, les questions qu’on aurait envie de leur poser : c’est pareil, de construire un musée que construire une tour de bureaux ou d’apparts pour promoteur ? Sans doute, que pour eux c’est pareil, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’ils étaient eux, dans le chantier, exactement les mêmes constructeurs (le titre de Fernand Léger), que tant de toiles qu’on va enfin pouvoir regarder toutes ensemble, et qu’il en fait besoin. Ils sont, bien avant l’ouverture du nouveau Whitney, les personnages des toiles construisant eumêmes leur maison à venir.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 18 mai 2013
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