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2014.03.27 | Police, RATP & bêtise humaine

une autre date au hasard :
2022.01.31 | Aurillac, musée des mystères

Je croyais faire mon devoir de citoyen. Résumons : jeudi il y a 8 jours, je me fais braquer mon portefeuille à Montparnasse. Ce sont des professionnels, ils m’ont épié faire mon code lors de l’achat de mon billet RER, puis suivi jusqu’au métro ligne 6, et là ouvert mon sac et pris mon portefeuille en une bousculade de grand art, avant d’effectuer, moins de 8 minutes plus tard, 2 retraits de 1000 et 940 euros (pas de pleurs, la BNP assure). Depuis, refaire les papiers un par un, galère mais bof. N’empêche, je voulais comprendre. Quand je compose mon code, je fais gaffe et je ne suis pas spécialement transparent. Et je suis sûr que je n’avais personne à proximité. Donc 3 fois depuis j’ai zoné et tiré mes conclusions : des 10 bornes de vente, une seule est placée de telle façon qu’on peut se placer en oblique, à trois mètres cinquante, contre un poteau métallique, et que l’angle de vue vous permet d’observer à votre aise (je suis mirô, mais en 2 fois 10 minutes j’arrivais à recomposer le code d’1 personne sur 2), légèrement à l’oblique, le mouvement précis des doigts, et pourtant les gens, comme la jeune femme qu’on aperçoit sur la photo, se croient parfaitement à l’abri. J’en suis venu à la conclusion que je n’ai pas été épié par hasard, et que les gars qui m’ont braqué savent parfaitement ce point faible, alors qu’il suffirait dd’un petit cache en tôle à trois balles pour éliminer le problème, qui ne concerne aucune des 10 autres bornes. Alors ce soir j’ai voulu faire mon devoir. C’est l’heure avec l’équipe de 5 RATP planqués pour attraper les resquilleurs. J’aborde poliment le monsieur le plus vieux et lui demande : « Monsieur, accepteriez-vous de m’accompagner 30 secondes de l’autre côté du portillon, je voudrais vous signaler un problème de sécurité. » Réponse textuelle : « Ah non, ça concerne la police, adressez-vous à la police. » Voyant mon air de doute, il me dit : « Là-bas. » Et comme je ne vois rien : « Ils sont en civil. » Il m’accompagne jusqu’à une jeune dame, qui effectivement porte discrètement un brassard. Je répète textuellement ma demande : « Madame, accepteriez-vous de m’accompagner 30 secondes de l’autre côté du portillon, je voudrais signaler un problème de sécurité. » Et là elle me répond textuellement : « Il y a un problème de sécurité ? C’est bon, je ferai remonter l’information. » Je suis quelque peu abasourdi. Je suggère patiemment (j’ai fait de la pédagogie 2 jours durant à Cergy, je suis poli et avec un discours très contrôlé) : « Mais pour transmettre l’information, il faut que je vous montre de quoi il s’agit, il y en a pour 30 secondes, c’est juste de l’autre côté du portillon ? » Elle m’a regardé de face, et m’a répondu à nouveau : « C’est de l’autre côté du portillon ? C’est bon, je ferai remonter l’information. » Le gars de la RATP a cru bon de rajouter un sourire en coin, peut-être c’était pour plaire à la policière. C’est là que j’ai compris qu’ils se fichaient volontairement de ma gueule, ça les amusait à petit prix. Alors j’ai dit : « Tant pis. » Et je suis parti. Combien de problèmes de ce pauvre pays usé, dans l’arrogance de ces petits pouvoirs minuscules, tiennent seulement à l’incommensurable connerie humaine ? Je ne généralise pas, j’ai été très bien reçu à l’hôtel de Police de Cergy, et pourtant ils n’ont pas affaire à la vie tendre. Qu’à la RATP ils s’en foutent de ce que j’avais à leur dire, c’est leur problème. Qu’ils rajoutent le mépris, non. Que demain matin, à cette même borne, un autre type oeuvrera pour piquer un code et un sac, non. En attendant, si vous perdez votre code de carte bancaire dites-le moi, on va ensemble à Montparnasse et je vous le retrouve.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 27 mars 2014
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