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journal | midis turcs et valet de personne

une autre date au hasard :
2014.03.22 | accès folie zone V2

Il s’en passe des choses dans ta tête au sous-sol du turc de la dalle de Cergy le jeudi midi devant ton assiette à 6 euros mais y a le sourire compris quand ils t’apportent le café après, et la télé qui continue impavidement de passer ces musiques de rap avec iconographie réglée. Tu refais tes calculs, la paye à 1600 balles structurellement incompatible avec les 2 jours de full time plus frais mais les 2 jours pleins qu’il faut rajouter en préparation et suivie, les petits bouts de commande qu’on est tellement contents d’avoir parce qu’elles témoignent de confiance et d’amitiés souvent anciennes mais qui ne suffiront pas à faire rattrapage salaire, et puis la fatigue au retour des trains et RER et la pile de papier qui attend en désordre là aussi parce qu’équation impossible et en même temps tu le sais bien, cette inertie qui te garde là où tu t’accroches, les notes compactes pour le Jimi Hendrix hors blog avec l’impression qu’il faudrait 1200 pages (mais justement, le Led Zep en numérique tu le voudrais tellement plus mastoc qu’il l’avait été), ou le chantier Lovecraft qui ne marche qu’au temps libre ou ce que tu écris sous ton nom de Malt Olbren parce qu’au moins tu auras eu ce plaisir dans ta vie d’être un auteur amerloque au lieu de toute cette condescendance côté monde qui s’effondre et ce qu’il y a de vif dans le jeu du blog, travailler avec l’image comme on sculpte au couteau, plus les livres papier achetés mais finalement tu ne liras pas, les yeux même réticents maintenant à lecture autrement que numérique et pourtant les envies de voyage pourtant les nécessités là malgré tous tes efforts pour ne pas voir justement parce que même pas possible financièrement d’assurer le minimum et te sentir pourtant privilégié : la précarité dans ce pays en raison inverse des grands-messes d’État à 500 000 euros, tout ce Chaillot de prestige uniquement pour montrer que le numérique c’est dangereux, qu’il faut surtout le réguler, qu’on est un danger public si on cherche un pacte auteur/lecteur à côté de l’industrie du droit d’auteur de toute façon impuissant à te rémunérer au bout de 30 ans de boulot et l’abêtissement des écrans disent-ils, mieux vaut la routine des morts debout, pas se salir les mains au web, ceux qui dans les maisons d’édition disent la peau terne que ça durera bien encore dix ans et ceux-là tu voudrais bien les voir dans ton amphi ou ta salle d’atelier d’écriture, et ceux qui disent chaîne du livre et mettant le double de temps sur chaque mot comme bouffer de la farine parce que c’est eux qui ont les millions et leur poste en ligne de mire et ainsi de suite, finalement le sous-sol du turc le jeudi midi pour bouffer à 6 euros entre les cours c’est ça que tu viens chercher peut-être : le doigt levé du rap, ce qu’ils bougent de l’image même avec leurs clichés convenus et s’en remettre à ce seul support de la vidéo qui circule vers les sous-sols comme toi ton blog au moins te sert à ça : valet de personne.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 avril 2014
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