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journal | j’eus mon luxe (with some name dropping)

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Fini les 12 semaines avec chaque vendredi les 2 fois 2 heures avec 2 groupes de 16 Sciences Po. Je ne sais pas pourquoi, avoir toujours eu le sentiment que ça se passait bien : peut-être pour avoir à côté l’expérience Cergy, avec des profils quasiment opposés mais parallèles (plusieurs fois proposé le même thème à creuser). Je suis bon ou pas bon, ça ne prend jamais la même direction avec un groupe ou l’autre, mais toujours cette sorte de justification au-dedans à entrer dans des domaines où on pousse la porte avec eux, chez Artaud ou Sarraute (ah non, au fait, pas été avec eux chez Sarraute cette année). L’idée aussi de ne pas se forcer à choisir un thème (l’écriture-web, la ville comme écriture), j’avais intitulé ça l’invention du récit et du coup on ne questionnait que la littérature. En même temps un siphonnage d’énergie qui vous laisse vidé le soir. La rançon du monde Sciences Po : pas de cahier des charges commun alors qu’on est une bonne centaine d’intervenants artistiques, aucun moyen de savoir ce qui se passe dans les autres ateliers, sauf exception (Pierre Ménard a mis son atelier en ligne, encore a-t-il eu à s’en expliquer administrativement), ou par tel étudiant qui vient de faire le semestre précédent avec Tanguy Viel, Hervé Le Tellier ou Claude Ber... Constaté qu’il se passait des trucs rudement bien côté documentaire cinéma (4 ateliers pas moins), peut-être l’an prochain je proposerai un atelier film, tiens... Mon luxe : j’aime bien arriver d’avance, alors le matin je me pose dans ce bistrot du quartier. Je peux pas dire que le patron ni les garçons soient spécialement avenants, et la façon dont ils harponnent les touristes, ou les prix qu’ils pratiquent, c’est pas glorieux. Mais il y a ce décor qui est celui de ces bistrots où, il y a 30 ans, on pouvait entrer et s’installer avec son cahier ou son bloc à lettres, et remplacé par tant de Class’Croûte et autres merdouilleries avec écran de télé, ici, pas de musique de fond. Et puis le grand corps de Bruno Latour qui sait jamais où mettre ses abattis dans un volume réduit, ou des copains comme Jean-Michel Frodon ou Robert Cantarella, on pourrait presque se croire dans un bout du web devenu bistrot. Qu’est-ce que je faisais, dans cette heure ? Pas de wifi, et on ne se lance pas dans un boulot perso quand on a atelier derrière. Ce quartier est devenu plutôt sinistre, en 5 ou 6 ans, départ de Fayard pour Montparnasse, du Seuil pour la porte d’Orléans, la Hune murée par Louis Vuitton, c’est juste une coquille vide avec quelques bulles d’épate, et les étuis iPad en cuir à 2200 € dans les vitrines. Le midi, revu quelques copains, pas systématiquement, Pierre Martot, Alain Pierrot, Philippe Aigrain, Marc Jahjah, Xavier Cazin – ou des fois juste en finissant, puisqu’il y a eu aussi Fabrice Cazeneuve, Dominique Pifarély, envoyé des petits Instagram Diderot à son copain de l’Oreille tendue, tout ça aide à faire le point. Alors c’était quoi, le luxe : un café le matin dans un bistrot moleskine rouge où on peut se poser et gribouiller, ou les 2 heures à suivre et parler d’un auteur, ou l’idée que la ville c’est encore vaguement l’illusion qu’on peut se retrouver comme ça, même si le web est tellement plus précis pour ce qu’on a à se dire ou à faire ? J’ai eu bistrot une fois par semaine, comme d’autres ont piscine.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 avril 2014
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