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2017.06.26 | horreur sur quoi indifférent on roule

À 2 lundis de distance, je me retrouve sur le quai de Saint-Pierre des Corps pour le train de 6h28, il y a 2 semaines c’était pour Massy et Roissy, ce matin pour aller à Montpellier rencontrer l’équipe de Pages&Images (notre Chant Acier est toujours en ligne, malheureusement toujours uniquement pour notre maigre hexagone), et là : train supprimé.

Aujourd’hui c’est plutôt joyeux, même si j’arriverai à Montpellier à 13h et non 11h, alors qu’on a monté ce RV en équipe. Dans le Corail d’Austerlitz qui remplace, le jeune chef de train me fait bien rire, quand je lui demande si je pourrai monter sans autre formalité dans le 9h25 : « Je téléphone à ma soeur » répondit-il sérieusement.

On était 250 concernés, consternés ou cernés tout court par le train bloqué à Saumur, donc une petite poignée à devoir transiter vers Montpellier. En montant dans le TGV gare de Lyon, je dis à la jeune dame sur le quai : « Vous avez un frère contrôleur ? » Eh bien c’était vrai…

Avec son frangin, on est revenu sur l’interruption de circulation d’il y a 2 semaines, qui m’a privé de mon voyage à Berlin, alors que c’était un rendez-vous important. Et tout était déjà payé, avion, hôtel… La SNCF a merdé : « On n’a plus le droit de dire retard indéterminé, nous avait-on expliqué ensuite, on a la consigne de dire retard 40 minutes et rallonger à mesure ». Eux, ils savaient que c’était mal barré, et s’ils nous avaient enfourné dans l’Austerlitz que j’ai pris ce matin, j’aurais eu le temps de rejoindre Roissy à temps…

En même temps, c’est seulement maintenant que je peux remonter la piste. Non pas un suicide sur voie comme on en subit tant, mais un meurtre abject, doublé de suicide. Je comprends que la SNCF, comme la maréchaussée (non, pardon, la police scientifique) d’Eure-et-Loir aient été déboussolés. On vous dit ça tout crûment : corps coupé en morceaux alors que les suicides sous TGV, nous tous pratiquants de la ligne on sait à quoi ça ressemble [1], suffit de les avoir vu faire une fois, même à distance, avec leurs pinces et leurs sacs poubelles noirs. Le TGV d’ailleurs a mis 3 km à s’arrêter.

Devant une telle abjection, même rétrospectivement on reste comme paralysé. Autrefois, dans les villes, les lieux d’un crime en portaient longtemps la marque, on contournait. La ville se refaisait ailleurs. L’auberge rouge restait pour toujours l’auberge rouge. Au bord des routes, dans les virages où s’était tué un motard, on trouvait souvent un bouquet de fleurs. Avec la double mort sous TGV, pas possible : on repassera sur le lieu même, au millimètre près, et à toute vitesse, dès que la circulation aura repris, pareillement le nez dans son ordi et sans rien savoir de Courtalain dans l’Eure-et-Loir.


[1Combien de traces ici dans mon site ? voir celle-ci ou bien celle-ci parmi d’autres ...

François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 juin 2017
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