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2010.03.15 | en français fesses

Année de prise d’écart, on suit à distance ce qui se passe là-bas, et c’est Jean-Joseph Sanfourche qui meurt ou la digue qui rompt, l’écart n’est pas un dos qu’on tourne et c’est curieux à observer sur soi-même. Peut-être ce serait différent à rester ici plus longtemps (et la question qu’on s’en pose), et différent aussi probablement si c’était habiter Londres ou Berlin ou Bruxelles. Travailler en permanence, et le travail s’en densifie même, sur ce qui change ici par l’espace, et le rapport à la langue. Encore plus là tout de suite, le groupe 16/19 qui s’escrime sur la Presqu’île de Gracq, et qui n’avaient jamais entendu parler de Hopper (« Dennis ? »). Dans cette passion ici aux villes, aux paysages, la lente appropriation de l’histoire, octobre 1970, ou les proses politiques de Miron. Mais la semaine dernière, démarché au téléphone savoir si je souhaitais qu’on me livre chaque matin le Journal de Québec à titre promotionnel, j’ai failli éclater de rire : non merci, mon information je me la fais, et je n’ai pas encore franchi ce pas, les affaires locales ne me regardent pas. Dans le métro, à Montréal, je ne prends pas plus que je ne le fais à Paris ces journaux gratuits, appareils à simplifier le présent, et faire qu’on s’intéresse tous à ce qui est censé intéresser tout le monde. J’aime aussi Montréal parce qu’elle est bilingue. Montréal est pour moi d’autant plus une grande ville de langue française qu’elle se superpose à l’autre – même si c’est vrai que dans le centre-ville c’est d’abord en anglais qu’on vous parle. Cet espace de langue est passionnant, et je ne suis pas tout seul à avoir l’oreille tendue. Mais dans ce drôle d’instant, où le métro s’arrêtait à la station Sherbrooke ou Mont-Royal, cette annonce défilante Faites voir vos fesses, se dire que dans le métro à Paris ça ne passerait pas. Même au nom du dépistage du cancer colorectal. C’est comme ça que j’ai eu les yeux sur le 24 heures que lisait mon voisin (dans le métro de Montréal, on s’assoit à la perpendiculaire les uns des autres) : L’heure est au réveil en gros titre –- ce qui ne me disait pas le réveil de quoi, mais le côté Marseillaise de la phrase a fait que j’ai lu le sous-titre : déclin du français, ah oui ça sent les batailles gagnées, ô Gaston l’absent. L’article partageait sa demi-page avec le titre suivant : Pas de niqab au cégep. Conclusion ? Non, rien, je raconte, juste.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 15 mars 2010
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