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fuckin’ beat

Étrangeté montréalaise type ? Vendredi 23, 17h40, festival Métropolis Bleu, avec Alex Dulude, le technicien en chef, on a raccordé l’ordi au vidéo-projo et à la console son pour ma lecture Led Zep à 20h. Je lance un bout de QuickTime, répétition de John Bonham filmée au Kremlin-Bicêtre pour la télé française en 1969. A ce moment, une équipe de technicos rejoint Alex et son assistante, ils sont 4 gars grand gabarit comme ici, d’ailleurs tout à fait indifférents à ce qu’on prépare. Et bien sûr, tous Québécois, c’est en français qu’on échange, et qu’ils échangent entre eux. Mais quand j’envoie Bonham, instantanément, dans leur surprise (ah non, ils n’étaient pas nés quand Bonham jouait, s’en fallait d’un bout), ils passent tous à l’anglais, du moins l’américain backstage : pour eux, qu’on appellerait ici des intermittents du spectacle, la langue de la musique c’est uniquement l’américain – et tous à égalité de maîtrise. Cela fait déjà longtemps que, si j’aime autant Montréal, c’est pour ce risque pris de la langue française superposée à la langue américaine. Il y a en ce moment une campagne d’affichage : Quand je commerce en français, j’aime ou un truc comme ça, ça sent vraiment la bataille gagnée. Pour mes étudiants, c’est acquis : la revendication des deux langues, non pas un bilinguisme au sens où on l’attend, parler soit dans une, soit dans l’autre, revendication que la ville soit ces deux langues dans leur égalité. Je n’arrive pas à ne pas penser que pour l’espace total de notre langue, ce soit une chance incroyable : disposer, nous tous pour qui l’enjeu est dans la langue française, d’une métropole internationale qui soit laboratoire parfait des deux langues dans leur superposition instantanée, comme elle l’est déjà dans nos têtes quand on arpente New York ou Londres. Mais à la fac on a toujours l’impression de dire des énormités un peu tabou quand on aborde la question : le Montréal populaire a tranché. (Montréal, avril 2010, photo Joachim Bon.)


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 avril 2010
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