contribution auteur | Felismina Soarès

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proposition n° 7

proposition n° 8

F est morte ; les proches ignorent le jour exacte de sa mort, entre le vendredi soir et le dimanche après midi ; son amie, comme elles en avaient convenu le vendredi soir au téléphone, est venue chez elle le dimanche ; elle a sonné, frappé à la porte ; pas de réponse ; inquiète elle a appelé les pompiers ; ils ont cassé la vitre d’une fenêtre pour entrer dans l’appartement, F était étendue sur le sol – morte – emportant avec elle son mystère, une vie s’achevait ainsi sur un carrelage de cuisine, de salle de bain – on ne sait – aucun des moins proches n’a demandé ce détail à l’amie ; plus tard… c’était pas le moment – ça changerait quoi ? elle est morte – curiosité saugrenue – énigmatique F – à la fin de cette vie, tous admettent qu’ils ne savaient rien de F – l’un a dit … un autre a dit … « elle ne se laissait pas approcher au delà d’une ligne… invisible » en fait personne n’en sait rien, n’en saura jamais rien ; des bribes à raconter – terrasses à Bastille – bières Left, affligem – casquette sur la tête – décharnée jusqu’aux os – déambulations la nuit – sac à dos boite à outils, petit coussin pour s’asseoir – Virginia Wolf, Marguerite Yourcenar, Fellini – la Grèce – les mêmes sujets, thèmes, ressassés comme si F avait été stoppée net sur sa route un jour, il y a longtemps, comme si F s’était acharnée à poursuivre le même chemin, à ne pas en dévier, faisant fi des voies de dégagement – qu’est ce qui a retenu – chacun – à ne pas les signaler – chacun à sa réponse…

Qui sait ce qu’est devenu Y, on n’en parle pas, personne, il hante les consciences ; enfant désiré, l’enfant de l’amour disait sa maman enceinte ; un joli petit, vif comme tous les enfants, malin, sa famille s’extasiait à le regarder jouer au ballon, un mouvement de jambe digne d’un véritable joueur de foot ; et puis la vie, Y un moment porteur d’espoir, s’est vite transformé en charge impossible à porter ; il y a ce souvenir, plus tard, de son sourire sur le pas de la porte de sa grand mère – quels mots pour le décrire – arrogant oui certainement, sourire d’un ado dans l’éclatante beauté de la jeunesse, pas encore vaincu ; si ce n’était l’imperceptible raidissement du muscle de la commissure des lèvres – Y déjà n’y croyait plus vraiment.

Ph, premier garçon à la suite d’une longue lignée de filles, accueilli comme un miracle dans sa famille, le père, particulièrement, était heureux ; enfin un fils ; son honneur, sa légitimité d’homme, de père, d’époux ; certains l’ont dit, la charge était trop lourde à porter – y échapper comment – Ph a commencé sa vie de jeune adulte en faisant tout comme attendu, travail, mariage, enfant ; très vite ; sans perdre de temps – quelques années plus tard il a commencé à emprunter le chemin des crêtes, de l’ivresse, boisson, vitesse en moto ; les deux ensemble ; un jour à 130 kms/h sur une petite route départementale après un repas bien arrosé, comme il s’est dit, l’accident. Enfant, une fois, Ph avait fugué…

proposition n° 7

… tu as une obsession en te levant le matin, écrire – à quelle heure je me lève ? –- ça dépend, trois, quatre, cinq, six, sept heures, jamais au-delà, c’est le corps qui commande, tu n’as pas le choix, t’es obligée de lui obéir, tu aimerais faire des grasses matinées comme des années en arrière, du coup quand tu te lèves le matin c’est souvent avec la sensation de ne pas avoir dormi tout ton compte – je suis de mauvaise humeur ? –- souvent –- ça se manifeste comment ? -– tu ne parles pas, bougonne à peine un bonjour, ton visage est fermé, te déplaces comme une somnambule – comment je fais ? -– tu te diriges vers la salle à manger, ton regard est vide, tu allumes l’ordi placé du coté gauche de la table, de l’autre côté à droite il y a un autre ordi, tu ne le touches pas il n’est pas à toi –- je le regarde ? -– oui tu jettes un regard résigné sur la table complètement encombrée de part et d’autre, il y a comme une ligne invisible qui la partage en son milieu, à peine un interstice visible pourtant, tes affaires occupent la moitié gauche de la table, empilement de cahiers, livres, papiers administratifs, trousses, marques pages, post-its, téléphone, agenda orange, tout un fatras qui t’agace, contre le pied de la table un sac à dos contenant des livres, un sac de commerce en papier gris clair avec des poignées en ficelle contenant aussi des livres -– je regarde combien de temps ? -– c’est rapide quelques secondes, un regard circulaire, tu survoles, tu soupires intérieurement, tu sens malgré tout une légère crispation de tout ton corps, tu essayes de ne pas le montrer -– je reste impassible à l’extérieur -– c’est ça, tu fais comme si rien n’étais, tu aimerais aussi rester impassible à l’intérieur, tu n’y arrives pas, tu laisses alors ton regard dériver au delà de la porte fenêtre, c’est encore la nuit, tu distingues quelques barreaux blancs de la balustrade, la masse noire inégale de l’arbre (c’est étrange le nom de l’arbre t’échappe chaque fois que tu veux l’attraper, tu dis alors « du Liban », et le mot « cèdre » cède), la lumière des lampadaires s’éparpille à travers ses branches, tu te dis j’aimerais l’écrire -– j’écris ? -– non, tout ce que tu viens de faire ne dure pas plus d’une ou deux minutes –- j’ai envie d’écrire et je n’écris pas –- oui… ça suffit sans doute que ça soit là, tu vas dans la cuisine, la porte à droite de la table, préparer le café -– toujours comme une somnambule ? je ne parle toujours pas ? –- la plupart du temps tu es seule à l’heure où tu te lèves, mais oui les gestes sont en mode automatique, tu prends un filtre dans le tiroir du petit meuble à droite de la cafetière, le café dans un pot blanc à gauche, tu mets une mesure de café par tasse, tu aimes le café fort, tu allumes la radio en attendant que s’écoule le café –- j’écoute la radio, je reste debout, je m’assieds ? ça dépend, l’un ou l’autre, tu t’assieds pour bien entendre les infos, connaître le nom de l’invité de la matinale, sinon tu bouges en te demandant comment tu vas réunir les conditions propices pour écrire –- j’ai besoin de conditions propices pour écrire ? -– jusqu’à présent oui, alors pendant que tu tournes autour de la table de la cuisine tu rêves de disposer d’un espace à toi, à défaut de tout l’appartement pour toi toute seule un jour ou deux par semaine, le remplir de ton souffre, tu veux dire souffle, pouvoir circuler dans toutes les pièces, laisser ouvert ce livre sur un meuble, ce cahier sur le canapé, te planter devant la fenêtre observer l’extérieur, écrire le mot qui surgit dans le cahier ouvert, dans le fichier ouvert, tout avoir à disposition et te laisser dériver comme à la piscine, tu ne sais pas utiliser les interstices –- comment je fais pour disposer de l’espace ? -– en fait il y a plusieurs espaces que tu vas chercher à libérer, ton espace intérieur, l’espace de l’appartement, ce sont tes deux pré-occupations…

proposition n° 6

Il regarde dans la direction du plafond c’est tout ce qu’on peut dire, on ne sait rien de ce qu’il voit –- je suis son regard, je vois une surface horizontale, inerte, placide, composée de dalles encastrée gris très clair, des spots encastrés dans les dalles, disposés à première vue de façon aléatoire, il y a quelque chose d’énigmatique dans cette surface horizontale au dessus des têtes si souvent regardée et en même temps parent pauvre des souvenirs, des histoires, tellement regardée si peu racontée comme protagoniste agissant – je regarde le plafond, je dis rien, c’est comme si j’avais tout dit -– l’exemple même de ce qui ne se remarque que lorsque cela vient à manquer – dans les métiers, les femmes de ménage, pardon « techniciens de surface », en font partie, si le travail est réalisé il est invisible, en revanche… -– s’il n’y avait pas de plafond… non, comparaison n’est pas raison, s’il n’y avait pas de toit, alors là oui, il y aurait vraiment un problème dans les intérieurs… c’est peut-être ça la cause de leur invisibilité, leur entre deux, présents mais finalement au pire on pourrait s’en passer, et pourtant, le mot semble propice pour moi aux citations « car si l’habit ne fait pas le moine, la plume pare l’oiseau » -– le plafond agrémente discrètement notre quotidien -– le plafond dans les salles d’attente accueille tous les regards, sans distinction, du plus désespéré au plus indifférent et les patients patientent, parfois longtemps – ça rassure un plafond, il suffit qu’il soit là, en réceptacle à nos rêveries, à nos tourments… les suspendent… -– Il regarde le plafond, il regarde ses pieds, je ne dis toujours rien...

proposition n° 5

Le numéro vingt est inscrit sur son ticket, le numéro dix clignote à l’écran fixé en hauteur sur le mur, il va falloir prendre son mal en patience, l’attente sera longue, la salle d’attente est pleine à craquer, les corps dans un mouvement d’espoir ou de résignation bruissent à son entrée, soulignent le dérisoire, le presque saugrenu du vert tendre des chaises en bois dans cette atmosphère saturée, elle s’assied sur le premier siège qui se libère, regarde à nouveau l’écran, trois lignes s’affichent, hospitalisation, visite externe, règlement… Il a vidé mon appartement… excusez… vous vous rendez compte ?... c’est à moi… je n’ai plus rien… ah… elle triture le livre sorti de son sac, regarde son ticket, regarde l’écran, numéro quinze… je ne sais pas ce que je vais devenir… elle se tourne vers lui, son teint est d’une pâleur crayeuse, il ne semble pas s’adresser à elle en particulier, sa tête est tournée vers le plafond, elle suit la direction de son regard… ah bon… tout vidé… ? silence… il fixe ses pieds à présent… comment… je ne sais pas ce qu’il a décidé… qui ?... c’est toujours lui qui décide…

proposition n° 4

Le local des poubelles est au sous)sol, on y accède depuis l’entrée de l’immeuble par un escalier en béton imprégné d’odeurs de matières pourrissantes, de fin de cycle, de fin de vie ; On descend à pas comptés, l’éclairage est blafard et l’atmosphère semble toujours humide, poisseuse comme si la ventilation était défaillante ou inexistante, j’avoue n’avoir jamais cherché à savoir ; la part d’ombre de l’immeuble en quelque sorte. Je rentre dans le local, la poubelle jaune déborde, certaines personnes dans un collectif, on le constate souvent, sont moins soigneuses que pour elles-mêmes, ça m’agace souvent. Ce jour là un morceau de carnet déchiré jeté avec d’autres détritus est tombé sur le sol humide, je le ramasse, aucun nom n’est inscrit, je feuillette, des mots, des lignes écrites, des paragraphes se répartissent inégalement, d’autres pages sont tachées et illisibles ; j’ai l’idée qu’il pourrait appartenir au voisin du deuxième étage parti en institution spécialisée suite à un AVC. Depuis quelques jours on voit son fils venir régulièrement dans l’appartement de son père pour préparer le déménagement sans doute, il trie, jette ce qui semble sans importance à ses yeux.

Je suis émue, je ne saurais dire de quoi précisément, de ces mots, ces lignes écrites jetés aux ordures. J’hésite et puis l’emporte avec moi comme pour retarder l’échéance de fin, et puis je lis quelques passages, j’en retranscris quelques-uns :
— Une femme, jeune encore, moins de 40 ans, est assise sur le trottoir devant la boulangerie. La température est douce, heureusement il ne pleut pas, la femme tient un gobelet dans une main, le tend vers les passants en disant « j’ai un renseignement à vous demander », personne ne s’arrête, — l’odeur de bois brûlé refroidi du poêle en entrant dans la maison, conserver son manteau encore un peu le temps de réactiver le feu. J’aimerais échapper à cette promiscuité avec la vie, cette vie palpitante qui se fait sentir à chaque instant, à ce corps à corps avec les éléments ; ce trop incarné alourdit, pèse...
— J’ai peur de m’enfermer, m’enliser… j’aime bien ma vie actuelle… mais… la question de l’utilité me taraude…
— Elle m’a dit tu as eu une belle vie… t’as fais des voyages… elle pensait me soutenir en disant ça, mais je veux vivre moi...
— Le serveur a oublié une consommation sur l’addition je voulais le signaler, les autres non, j’ai suivi la majorité. Dans ce restaurant, quelques minutes encore avant, plaisant, agréable, avec son éclairage tamisé, discret, ses dossiers de sièges aux housses en lanières multicolores, soudain je me suis senti mal...

Et ainsi de suite ; quelquefois des dates sont indiquées ; J’ai eu la sensation d’avoir en main, devant les yeux, une partie du rythme respiratoire de ce monsieur : phrases inachevées, mots isolés, fragments, pages blanches, ratures… ce monsieur, s’il est bien celui auquel je pense, vivait seul, veuf ou séparé, on se disait bonjour en se croisant dans l’escalier, on échangeait quelques mots sur le temps, sur l’immeuble, ça respectait les limites minimales d’un bon voisinage. Je l’apercevais quelquefois attendre, le sac sous le bras, que lidl ouvre ses portes ou sortant du bus navette de la ville ou discutant sur le trottoir avec un autre voisin ou simplement marchant dans la rue le visage toujours un peu rouge levé vers le ciel, il ne me reconnaissait pas toujours ou faisait semblant de ne pas me reconnaitre ; « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »(Aragon) ; souvent j’ai pensé à cette phrase en le croisant.

Écrire pour respirer comme semble l’avoir fait ce monsieur, oui… c’est déjà ça ; et puis à la fin avoir le temps d’effacer tous ses fichiers, de brûler tous ses carnets, ne pas finir nu à son insu dans une poubelle.

proposition n° 3

Un homme d’une trentaine d’année a été abattu dans sa voiture, ce jeudi vers 18 h 15, alors qu’il circulait boulevard des Valendons près du feu tricolore, par l’un des trois jeunes occupants d’une vingtaine d’année de la voiture qui le suivait.

Selon une première version, La victime réputée honnête et sans histoire se serait trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, trois jeunes garçons sont sortis de leur voiture au feu rouge, l’un d’eux muni d’une arme abat le conducteur de la voiture qui les précédait ;

Selon une deuxième, il y a eu provocation, la victime bien connue des services de police, semble t-il défavorablement, est sorti de sa voiture au feu rouge muni d’une batte de baseball et frappe violement le capot de la voiture qui le suivait, c’est alors que l’un des trois occupants pointe son arme sur lui et tire trois coups de feu ;

Selon une troisième, le drame serait dû à une rivalité de jalousie ordinaire entre jeunes d’un quartier, ils se connaissaient, la deuxième voiture a percuté violemment, la trace de pneus sur l’asphalte en atteste, la première voiture arrêtée au feu rouge ; comptant sur l’effet de surprise causé par le choc les trois jeunes garçons sortent de la deuxième voiture précipitamment, l’un d’eux muni d’une arme à feu tire trois fois sur le conducteur de la première voiture ;

Selon une quatrième, l’affaire se résumerait à un banal règlement de compte, la première voiture a freiné brutalement obligeant la voiture qui le suivait à la percuter, ou l’inverse, la seconde voiture percute la première, la trace des pneus sur l’asphalte atteste d’un freinage intense, la victime en premier ou les agresseurs, on ne sait, sortent de leur voiture armés, l’un d’une batte de baseball, les autres d’une arme à feu ;
Quelle goutte d’eau aura fait déborder quel vase ce jour là à 18h15 précises au croisement de la rue des Valendons ? Une fraction de seconde et un homme n’a plus eu de mots à dire.

proposition n° 2

Le groupe l’attend pour l’ascension du Petit Dru, il n’est pas inquiet, chaque été depuis de nombreuses années il gravit cette paroi au moins une fois avec un groupe, quelquefois à deux avec un autre guide. Il aime ces escapades avec un pair autant aguerri que lui, ensemble ils cherchent de nouveaux passages, des nouvelles voies, il se souvient… mais non ce n’est pas le moment, il est temps de partir, il s’avance vers la porte d’entrée prend ses clés de voiture sur le guéridon, attrape son sac à dos, n’arrive pas à le soulever, il est bien trop lourd. Il ne comprend pas, il avait pris soin de préparer tout son équipement la veille, il a l’habitude depuis le temps. Il se sent un peu bête devant la porte d’entrée, les clés dans une main, l’autre main posée sur le sac à dos, à se demander si c’est le sac qui est trop lourd, lui trop faible ou si c’est la course de trop. Soudain le vertige le saisit, la montagne gronde, renvoie en écho ses obsessions, ces trois mots encore et toujours agélaste, bêtise, kitsch… il pensait bien avoir réduit à néant ce qu’il nommait « ennemi tricéphale ».

Il décide de vérifier une fois encore son équipement, veste, pantalon, chaussettes, gants, trousse de secours, bonnet, lunettes de soleil, guêtres, gourde, vivres, thermos… cordes, sangles, mousquetons, harnais… juste le nécessaire, rien de trop.
A nouveau le grondement de la montagne, les mots en échos, les mêmes, plus forts. A cet instant précis la perspective de gravir une fois encore la montagne lui semble au dessus de ses forces. L’instant d’après, il ne sait comment, il retrouve le groupe au début du sentier, lieu de rendez vous, les deux Pics des Drus sont perceptibles, trois personnes, un homme, deux femmes, déjà en tenue, il les salue et revient vers sa voiture à pas lents pour s’équiper, lève la tête, quelques traces lumineuses subsistent dans le ciel, le jour ne va pas tarder à prendre ses aises, ils devraient arriver à la bonne heure au pied de la paroi.

A nouveau le grondement de la montagne, les mots en échos, les mêmes. Il est fatigué de tourner autour, de les démystifier, malgré les mots écrits, ses tentatives de créer avec ses romans des histoires ou aucun personnage n’est détenteur de la vérité n’ont-elles servies à rien ? Le monde continue à tourner, les agélastes, le kitsch, le non pensé des idées reçues y ont toujours la part belle, il doit l’admettre. L’idée d’abandonner lui traverse l’esprit, tout a été écrit, il a gravi ces pics de montagne combien de fois. Soudain tout lui semble absurde. C’est décidé il abandonne. Il s’avance vers le groupe en pyjama, les cheveux en bataille sans que cela paraisse étrange, les mots ont du mal à se former dans sa bouche, sortent comme des échos répétés de la montagne, agélaste, bêtise, kitsch… il se sent un peu honteux, fait le geste de partir mais ses pieds restent soudés au sol. L’homme du groupe dit alors « Il faut imaginer Sisyphe heureux »…

Kundera se réveille, un peu étourdi, un peu perdu, attrape son carnet sur la table de nuit, écrit vertige, se retourne dans son lit, se rendort.

proposition n° 1

Petit triangle de verdure en contrebas de l’immeuble de l’autre côté de la route — Allée cimentée ondule, pare et sépare -– arbres de petite taille, essences diverses, réfugiés à une pointe du triangle – banc de ciment grisâtre parfois utile -– massif fleuri au gré des saisons – les lampadaires diffusent une lumière blafarde à la tombée de la nuit, habillent le lieu d’un mystère jaunâtre –- le métamorphose –- un puzzle en trois dimensions incongru, énigmatique constitué de pièces éclairés ou invisibles par intermittence au fil de la nuit, des caprices de la lune –- évanescences –- C’est émouvant.

On m’écoute, parle doucement -– on est obligées de chuchoter ? Oui, les voisins écoutent tout ce qui se passe chez moi –- comment le sais-tu ? Je le sais –- et toi, tu entends ce qui se passe chez les voisins ? Non, je n’entends rien –- tu n’entends rien de ce qui se passent chez les voisins et eux entendent tout chez toi, comment c’est possible ? Eux m’écoutent alors que moi je ne m’occupe pas de ce qui se passe chez les autres, je ne suis pas comme ça.

Assise à même le sol d’un chemin quelconque, traçant des lignes, des routes de terre, de graviers avec une pierre, la petite entend soudain ce cri qui déchire tout sur son passage et vient en ligne droite se loger dans son corps, comme une balle, elle vibre, lève la tête, sent la brise sur son visage, elle sait à qui appartient ce cri, se fige un instant pétrifiée, puis reprend ses tracés mécaniquement, frénétiquement.



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1ère mise en ligne 18 décembre 2018 et dernière modification le 4 mars 2019.
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