contribution auteur | Delphine Arras

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D’abord la danse, depuis toute petite, puis la scène quelque fois pour chanter ou jouer la comédie et puis l’écriture. Deux projets qui me tiennent à coeur : une sorte de journal poétique, objet non identifié, intitulé Mes nuits avec Marguerite (Duras, oui), et puis un récit. Tous deux achevés mais non publiés. Des textes, des chansons, des envies de mise en scène, de mise en lecture. Je suis professeur de yoga et autres méthodes proches.

Son blog Mediapart et son site.

Propositions 1 _ 2 _ 3 _ 4 _ 5 _ 6 _ 7 _ 8 _ 9 _ 10

proposition n° 6

« Nos disputes, tu aimes ça ? » dit Eva. Simon lâcha avec humeur la souris de son ordinateur. Il pressa sa tête entre ses mains et sa vision se flouta. La souris avait atterri loin sur le bureau, bien au-delà de sa patinoire, une feuille blanche pliée en deux. Cette feuille accueillait jour après jour les gribouillages que Simon faisait quand il téléphonait ou réfléchissait. Il eut l’impression que le fond blanc de la feuille s’éloignait tandis que ses tracés, ratures, croquis et autres jambages commencèrent à se soulever, à se gondoler. Ses yeux découvrirent alors une cosmogonie baroque, une sorte de Basquiat de son inconscient. Quand l’image en relief se redéposa sur le papier, Simon tendit le bras pour y replacer la souris. Gardienne de ses trésors enfouis.

proposition n° 5

Vous repartez quand ? Je ne sais pas. Je ne vous fous pas dehors mais savoir j’aime bien. A vrai dire je pensais rester encore quelques jours mmhh j’ai...je. J’avais espéré que vous pourriez me montrer vous savez le. Non. Vous ne. Non. Ecoutez ça fait deux ans oui deux ans que je me lève je travaille je me couche en me disant que je n’ai pas assez travaillé pas assez récolté d’argent pour le faire. Deux ans que je cherche le sommeil et que le matin, lui, me trouve. Trop vite. Mais je me lève et je. Et vous travaillez. Exactement et pour venir ici ça m’a coûté un fric fou vous n’imaginez pas. Deux ans de boulot de cauchemars de pentes raides de tunnels de doutes de ressaisissement et vous en un claquement de langue vous me plantez ? Vous repartez quand ?

proposition n° 4

Un peintre, patient, passionné, ce peintre a bâti de ses mains, de ses jours, un havre fait de petites alvéoles par-ci, de monumentales par-là, pour le repos, les repas, la joie des amis, les soirées en pente douce, les journées saturées d’odeurs âcres, de migraines naissantes, de tracés gommés, raturés, troués. Les portes n’existent pas. Mais l’intimité est possible. Derrière un voile rapporté d’un pays lointain, adoré, une banquette en velours recouverte de tissus colorés attend qui voudra, qui viendra, une muse, qui sait. Réfugié dans le sas de décompression des parisiens presque sevrés de la capitale, l’atelier fourmille d’artistes, d’amis d’enfance ou d’hier. Une curieuse impression plane : à tout moment, pourrait surgir une geisha du neuf trois.

Ana a posé pour ce peintre il y a une dizaine d’années. Il est devenu célèbre et elle sait qu’un de ses portraits pourrait être vendu à un très bon prix, si seulement il acceptait de s’en séparer. Ana veut ce tableau.

Un peintre a fait plusieurs peintures de moi dont une qui m’a impressionnée. Connaissant le prix de ses tableaux, je m’étais amusée, à l’époque, à imaginer comment je pourrais m’y prendre pour le lui dérober.

Lors d’une séance avec ce peintre, je suis venue avec mon carnet et mon stylo. J’ai écrit ce que je voyais, vivais pendant qu’il me peignait. Ce texte m’a inspiré une idée de documentaire "Portraits croisés" : trois artistes (un peintre, un dessinateur et un modeleur) se prêteraient au jeu d’une performance qui consisterait à faire mon portrait pendant que j’écris le leur. Projet resté au stade d’idée

proposition n° 2

« Je suis fatiguée » miaula Eva. Elle terminait de tracer un cercle au sol, fruit d’un frottement consciencieux de pieds sur la moquette, quand Simon arriva. Il était passé d’un pas alerte devant le salon. « Fatiguée, tu entends ? » hurla-t-elle. Simon revint sur ses pas. Il devina ses boucles blondes. Emmitouflée jusqu’aux yeux, elle s’était assise en boule sur son fauteuil en velours rouge, son « Garance » disait-elle.
Simon se sentit soudain à l’étroit, les quatre murs comme à portée de main. Debout, face à Eva, il se mit à compter, en silence. Il savait. Il suffisait de compter. Mais tout devenait si dense autour de lui que l’instant lui paraissait interminable.
18...19...20... Eva avait fermé les yeux. Simon quitta la pièce, sans bruit. Il s’installa à son bureau, les mâchoires serrées. Sa main se crispa sur son stylo quand il commença à décliner : les nuits sans sommeil, l’heure fatidique de la métamorphose, oui, quand Eva devenait une...sorcière, une putain de sorcière, mais si belle, si magnétique ; les matins pénibles avec elle, sans elle, évaporée sans laisser le moindre mot, ses rires qui dégénéraient en ...

« Je peux entrer ? » Eva s’adossa à la bibliothèque.

« Tu aimes ça ? » dit-elle. Simon fronça les sourcils. « « Nos disputes, tu aimes ça ? » Il se frotta la tête.

proposition n° 1

Un homme barbu se tient debout devant sa petite maison en bois. Son chien est assis à ses pieds. L’homme fume.

Un grand atelier de peintre, où peintures, plantes vertes de grande taille et vieux fauteuils en cuir occupent tout l’espace.

Un bureau envahi de livres, en pile, éparpillés, certains maintenus ouverts avec un crayon à papier. Et une tasse avec un fond de café.



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1ère mise en ligne 11 janvier 2019 et dernière modification le 19 janvier 2019.
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