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dictionnaire | clavier

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clavier


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Circule ces jours-ci une publicité pour un appareil énigmatique, avec des rondeurs de jeux d’enfant : en gros, est-il possible de dactylographier sans ordinateur ? C’est un clavier à grosses touches, comme on en trouvait sur les gros IBM des administrations il y a encore une dizaine d’années, avec une minuscule fenêtre à cristaux liquides où apparaissent les dernières lignes du texte, et, je suppose, la possibilité de remonter à son début, la possibilité aussi de l’exporter vers le traitement de texte principal. Sans doute c’est mieux pour la concentration : on écrit coupé de la connexion, et il n’y a rien d’autre sur l’écran que le texte en noir et blanc. Mon premier ordinateur portable, le PowerBook 145 d’Apple MacIntosh, en 1993, ressemblait à ça dans le principe. Il y a quelques années on a vu fleurir ces utilitaires qui séparent le traitement de texte de toute distraction, écran noir sauf la fenêtre du texte. Je rapproche ça aussi des MacBook qu’Apple a proposé en 2015, avec un clavier très souple grâce à de petits ressorts plastiques en forme de papillon, mais, deux ans après, les touches tombaient comme des dents, et pas possible de remplacer le clavier une fois tous les ans pour quelques dizaines d’euros, comme c’était possible il y a dix ans. Les claviers ont évolué dans la souplesse des touches, un effleurement suffit, et non un enfoncement, et aussi parce qu’on peut les séparer de la machine elle-même (c’est le cas en tout cas de ce petit clavier BlueTooth que j’utilise pour dactylographier ce texte). Ma troisième machine à écrire électrique, une Adler, celle que j’avais apportée à la villa Médicis et j’ai dû en subir quelques quolibets, était en 1985 la première à proposer cette fonction d’un afficheur comme celui d’une calculette, qui permettait de corriger les 10 ou 20 derniers caractères, avant que la machine effectue d’un seul coup la frappe en fin de ligne. Dans Après le livre un des chapitres s’appelle qu’est ce que je regarde quand j’écris ? : un bon clavier, c’est celui qui permet de ne pas regarder l’écran, de regarder plutôt en soi-même, ou rien. D’autre part, même ici pour ce dictionnaire, rédigé directement en ligne, lesté de liens vers d’autres entrées ou d’autres adresses web, écrire connecté n’est pas se couper de la concentration principale. Donc je n’achèterai pas cette machine rétro, je garde mon clavier et mon écran, m’étonne juste que l’ordinateur, relié par câble à cet écran et par BlueTooth à ce clavier, soit devenu tout aussi invisible dans le processus.

entrée proposée par FB

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J’aime la dimension artisanale des pratiques artistiques. Je suis par exemple davantage ému par la maîtrise technique d’un musicien (surtout si imparfaite et singulière) que par le son qu’il produit. Tout ce que cela implique d’énergie, de temps, de travail, de rêves, de lâcher prise, de souffrance, de bonheur, de larmes, parfois de sang, pour pouvoir faire remuer ses doigts sur un instrument jusqu’à le faire sonner comme on le souhaite me prend aux tripes. Je suis musicien ; mauvais technicien de la musique, mais musicien. J’écris aussi. Plus dur de se sentir en capacité devant un texte à écrire que derrière une batterie, un piano ou une guitare. Même une fois repérés, difficile de se raccrocher aux rudiments de la littérature pour progresser. Après quelques nouvelles, j’ai ressenti le besoin d’exercer ma pratique physique de l’écriture — travailler le geste même d’écrire. Vingt ans passés proche d’un ordinateur et je viens juste d’apprendre à taper sur un clavier. Avec dix doigts et sans les yeux, j’entends. Je voulais gagner en liberté, en assurance, en puissance ; devenir capable d’improviser — comme les jazzmen. Il ne fallait plus que ma pensée refroidisse le temps que je presse les touches pour la faire entrer dans la machine.

Pour commencer : typingclub.com puis 10fastfingers.com ou keybr.com pour gagner en vitesse et en agilité. Exercices à réaliser avant l’écriture, comme échauffement, ou entre deux sessions pour se vider l’esprit et se concentrer sur le corps. Répéter les gammes. Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume (pangramme) comme un équivalent à la Méthode Rose. Après une trentaine d’heures de pratique seulement (à raison d’un quart d’heure quotidien), je crois déjà voir une différence sur mes productions : les roulements sont plus constants, j’entends même parfois le fantôme d’un double time swing. Moins de fautes d’orthographe et de frappe aussi, comme si la concentration s’était déplacée en un endroit plus confortable. Les phrases me paraissent plus maîtrisées, plus solides, plus dans les temps.

Lorsqu’un peu d’argent sera rentré, j’ai prévu de revenir à un ordinateur de bureau équipé d’un beau clavier mécanique (pour les amateurs de matériel, attention à l’univers qui s’ouvre lorsque vous posez un pied là-dedans…). Mais, paradoxalement, envie d’écrire le prochain texte sans clavier. Revenir au stylo et au papier. Le fait de maîtriser davantage les cent cinq touches de l’outil m’a permis de me rendre compte que le choix de l’instrument n’a rien d’anodin dans la façon de penser, de structurer et de remplir une œuvre. Les musiciens le savent depuis toujours, bien sûr.

entrée proposée par François Tastet

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Le clavier (azerty) fait partie de mon paysage depuis toujours. J’ai appris la dactylographie à l’école sur une machine à écrire mécanique et jamais je n’ai pu me départir de ce mode de frappe. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, de frappe ! Certes, elle est devenue un peu plus légère, à force, mais impossible pour moi d’adopter ce toucher caressant et silencieux qu’induit l’utilisation d’un clavier d’ordinateur. Oui, c’est de la frappe et ça fait du bruit. Donc pour moi, écrire fait du bruit, étrange, je n’y avais pas pensé. Moi je ne l’entends pas, c’est normal, on n’entend pas ses propres bruits ou du moins ils ne nous dérangent pas. L’écrit, pour moi, est indissociable du clavier et de l’écran alors que je suis d’une génération qui aurait pu encore préférer la sensation du papier, du stylo dans la main, du mouvement de celle-ci comme une danse. Mais non, le clavier est devenu le prolongement de cette main qui virevolte, même si lourdement. Je dois voir immédiatement le résultat à l’écran, correction immédiate, pas de ratures ni de reports, du moins pour le premier jet. Après, j’en conviens, la relecture je la fais sur papier, mais seulement parce que je déteste lire à l’écran.

entrée proposée par Catherine Koeckx


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1ère mise en ligne 13 avril 2021 et dernière modification le 20 mai 2021.
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