matières mine

lecture au musée de la mine à Saint-Etienne


Jeudi matin, départ via le Corail Nantes Lyon à 8h50 : j’aime ce train, parce qu’il n’est jamais vraiment rempli. En plus, j’ai droit à la 1ère classe, prise de courant à chaque siège, et on longe d’abord le Cher, on traverse les vieilles industries de Vierzon, puis les paysages de Sologne, et ceux presque montagneux qui mènent à Roanne où je change pour Saint-Etienne, là dans une Micheline hors d’âge. Quatre heures en tout, mais je ne sortirai de l’ordinateur que pour lire L’Inde, côté villes de Thierry Paquot chez L’Harmattan, Thierry Paquot est responsable de la revue Urbanisme, et son texte m’évoquera pas mal de souvenirs personnels de mes deux séjours à Bombay en 79 et 80.

A Saint-Etienne, je suis accueilli par Jean-Bernard Vray. Il y a 4 ans, quand Jean-Bernard était encore à l’IUFM, on s’était payé le luxe d’organiser un débat avec Jean-Noël Blanc, stéphanois lui aussi, juste pour s’offrir une affiche dont le gros titre (et, pensions-nous, cela suffisait comme programme) était VRAY BON BLANC. Là, Jean-Noël est absent, tant pis pour nous, tant pis pour lui. Une boîte de maquereaux vin blanc et une salade de tomates chez Jean-Bernard, plus un coup de Château-la-Pompe, c’est parfait, une heure plus tard on est accueilli au musée de la mine (puits Couriot), et voir aussi travers-bancs.

On fera la totalité de la visite, guidés par une Anne-Sophie qui connaît ça par coeur, et bosse un DESS sur ces questions patrimoine industriel, évidemment complexes, et notamment dans le contexte de Saint-Etienne ville, qui oublierait volontiers son passé ouvrier.

Le père de Jean-Bernard Vray était mineur. C’est l’avantage de cette visite, pour chaque objet, chaque nom, c’est son histoire familiale qu’on évoque.

Et puis c’est la fin des visites, l’ancienne mine est déserte. La lumière plus basse du soleil rentre à l’horizontale par les verrières, donnant d’étranges découpages aux lieux vides. Ce soir, j’ai pour moi la "salle des pendus", voir photo ci-dessus, le lieu le plus emblématique de la transition entre la mine et la ville. Sur l’estrade, l’écran d’un vidéo-projecteur, si je règle à 42 secondes chacune les 70 photographies de Billancourt d’Antoine Stéphani, je lirai exactement pendant 40 minutes mon texte Billancourt.

Cela doit commencer à 19h30, il est 17h30. J’aurai deux heures le privilège du lieu offert, repartir en solitaire dans les génératrices, le chevalement, la lampisterie, ou ces panneaux avec les jetons numérotés sous le nom des mineurs, non seulement pour être seul à explorer le musée fermé, mais dans cette fugacité des lumières du soir, et l’énorme silence de ce qui tout autrefois, ici, devait gronder.

Dans la mine, tout à l’heure, alors qu’on passait sur le carrelage de la lampisterie, Jean-Bernard m’avait dit, comme quelque chose de très important : "C’est exactement ce carrelage qu’on avait dans notre cuisine." On connaît assez la littérature, tous les deux, et je crois qu’on a en partage la même notion de la littérature, et pour une bonne part les mêmes auteurs, pour ne pas avoir besoin de s’expliquer davantage sur cette question du rapport de la matière à la mémoire, lorsque c’est traversé du travail, de la vie des hommes.

Alors, des photos stockées sur l’ordi, je reprends juste ces quatre "matières mine", un mur, la brique et le verre dans la lumière, les noms sur les jetons, et un carrelage.

Après la lecture, on parle, en particulier avec Pierre Zancarini qui a fait le déplacement depuis Lyon, ou Alexandra Saemmer, du collectif Fraktale, dont l’architecture flash est vraiment novatrice. Retour chez Jean-Bernard vers 1h du mat, et le lendemain réveil à 5h15 pour TGV de 6h10, dans l’ordinaire de la vie d’auteur disons que ce n’est pas le plus drôle...


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 mai 2005
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