je ne supporte plus le papier

quand on change les habitudes de travail


AUTOSTART=true MASTERSOUND WIDTH=176 HEIGHT=144>


Depuis bientôt 4 ans, j’installe des images numériques sur mon site Internet.

Cet été, aux dernières Rencontres d’Arles, Denis Darzacq, photographe à l’agence VU, nous a projeté une suite de films réalisés par un jeune de Bobigny avec son simple téléphone portable. "Runs" de véhicules dans les parkings abandonnés, street dancing, visages devant les façades repeintes, on a tous été soufflés de cette beauté, et de l’esthétique qui en naissait. Tout à l’envers d’une conception trash, c’est les géométries, la peau, l’humanité qui émergeaient sur l’écran avec puissance (d’ailleurs, Denis, si par hasard tu passes par ici, qu’est-ce que ce serait bien qu’on en passe quelques-uns sur le Net ?).

Bon, mon vieux téléphone a rendu l’âme, et paraît qu’avec mes "points fidélité" j’avais droit à un nouveau : celui-ci a une mini caméra et une liaison Bluetooth, je compte m’en servir.

La première sera toute timide, et c’est aussi très incongru pour voisiner le texte sur les expulsions rue de la Fraternité. Mais sans cette installation, je n’aurais pas pu m’exprimer ainsi, dans l’espace public d’Internet, sur la rue de la Fraternité.

Depuis 5 ans, je travaille dans un garage, ma table de travail, dans le local sans fenêtre, s’est souvent trouvée exposée sur ces pages. Une migration familiale interne, une petite chambre qui devient libre, toute petite, mais qui ouvre sur la rue : voilà que je travaille à la lumière du jour (ou à l’air de la nuit, mais quand même, avec cette liaison extérieure : les chouettes, les chiens, le livreur de journal, et jusqu’à Carlos mon copain éboueur).

Dans cette chambre minuscule, j’ai décidé de n’installer que ce qui m’est nécessaire au travail. Les livres sur Led Zeppelin et sur l’île. Tel livre actuellement en lecture (j’ai une lecture d’après-midi et une lecture du soir, et ne vais jamais ni au cinéma ni au théâtre : le soir je lis). Une petite table à l’entrée de la pièce et c’est la révolution pour moi : elle accueille les papiers, les factures, les revues, choses à régler, truc sà faire. Et cette table, là où j’écris, je me suis donné la contrainte qu’elle ne tolérerait jamais le moindre contact du papier.

Je voyais même au début l’ordi tout seul. En fait j’ai rajouté deux mini enceintes, le micro dynamique et l’interface Tascam qui me permet de travailler le son. En ce moment j’essaye ces pratiques-là : le noir absolu, le micro ouvert, enregistrant directement sur le Mac, et parler.

D’ailleurs, il n’y a qu’ainsi que j’arrive à parler, de plus en plus. Dans mes récentes lectures, j’ai aussi depuis un an délaissé progressivement le livre tenu devant soi pour une sorte d’improvisation préparée. Je pense beaucoup à Tarkos, depuis sa mort, lui qui proposait en public des improvisations. Le cours aux Beaux-Arts, l’an passé, quatorze fois debout le dos au mur (sensation physique qui m’était précieuse) pour deux heures de parole continue, m’a aidé à aller là : je n’ai fait qu’ajouter la nuit. Pour l’instant je stocke (mais tumulte en a en partie surgit).

A changer les habitudes physiques du travail, est-ce qu’on peut changer le travail lui-même ? Désormais je suis posté là. Autour de l’écran, c’est sobre. L’écran devient le seul espace des lettres.

Je m’étais promis qu’en accompagnement des minuscules vidéo il n’y aurait que très peu de mots.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 septembre 2005
merci aux 960 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page