des écrans noirs

de l’habitude prise à bon droit de se méfier des téléviseurs éteints


Des films avaient déjà exploré tout cela, mais comme le font les films : on raconte une histoire, on vous dit que ce n’est pas vrai. Des caméras, on riait, on savait qu’il y avait à se méfier, elles se propageaient dans la ville et rien n’interdisait qu’on leur adresse un petit signe de la main ironique – une résistance, en somme.

C’était moins simple avec ces écrans opaques. On n’y portait plus attention. Des télévisions éteintes ou allumées (ce qui vous paraissait le plus souvent bien plus mort, tant leurs images étaient sempiternellement codées), là, tout le temps, chez les gens, au-dessus des comptoirs.

Quoi de plus facile que d’exciter à distance un transistor et le rendre réversible ? Il avait suffit de quelques fréquences résonnantes introduites dans le réseau électrique de proximité, et décoder les variations : on avait progressé alors très vite.

Ainsi, non seulement l’écran muet pouvait mémoriser sur plusieurs heures les images qui lui-même, en retour, l’avaient traversé de la pièce, mais il pouvait émettre, on diffusait ainsi des messages relaxants, des instructions pour l’oubli. Quelle arme ce serait, si on pouvait imaginer détourner les messages officiels, et y insérer au contraire la poésie, la colère.

En attendant, on multipliait les avertissements : n’ayez jamais confiance envers les écrans noirs.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 15 octobre 2008
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