atelier web Bagnolet : ils bloguent, nos participants (1)

atelier web du soir, textes et liens


Ça se met en place. On est une vingtaine dans la salle, il y a du bruit, des allées-venues, on tourne, on est débordé (je ne suis pas seul, il y a Dominique Macé, Stéphanie Pottier, Bruno Fouillet pour la bibliothèque), mais au bout du compte ce qui est le plus chouette c’est comment tout ça se tisse hors de nous, échange de savoirs, de bidouilles, et finalement – toujours – la littérature.

Alors, au gré des participants, histoire de découvrir des images, des blogs, et via les textes écrits le vendredi soir – où la question, pour moi, contrairement à mes autres ateliers d’écriture, c’est : est-ce qu’il y a une spécificité à l’écriture web ?

Photo : Dominique Macé en appui création de blog !


Sandrine Hagège | Tangage

 

Être assis.
Un petit enclos triangulaire avec une ouverture discrète sur la rue.
Vous êtes près d’un carrefour. Juste derrière. Un voile vous sépare.
Il fait nuit sans faire noir, les contrastes paraissent quand le soleil s’en va. Réverbères, phares de voitures, néons de restaurants traversent la cour. Parfois le clignotement d’un camion de pompiers. Et toujours nonchalante, un peu comme une berceuse, cette alternance vert-rouge au feu du carrefour. Vous traversent sans vous toucher.
Du triangle noir vous voyez tout. Savourez le silence au milieu des battements, des murmures, des frottements. S’y appuyer pour mieux disparaître.
Défilé des passants, des autos, des bus… des tranches de ville glissent comme un fleuve.
Courant éphémère, variations aléatoires.
Être assis sur le bord.
Être assis et regarder sans bruit, regarder sans voir puisque vous n’y êtes pas.
Vous êtes dans cette forme noire, nuage invisible à deux pas de la foule.
Être dans le bruit et n’écouter que l’eau qui coule.
Sortir du solide, du tangible.
Sortir de la ville.
Ne pas la quitter pourtant.

Et découvrir son travail photographique : http://ruelles.wordpress.com/.

 


Gilles Wallis | zéro deux pour cent

 

Lundi
49,02%. Zéro deux pour cent, ce chiffre est fascinant. Il faut le retourner dans tous les sens pour en trouver le bon (sens). Finalement, combien ça fait de votes d’écart ? La démocratie est un jeu bien étrange.

Mardi
Maia se retourne et me fait un signe de la main avant d’être avalée par le tapis roulant qui l’emporte là bas, à Auckland, à l’autre bout de la planète

Mercredi
Un seul click mal pensé de ma souris et je viens de perdre deux années de messages pieusement conservés au cas ou….Mais qu’est-ce que je viens de perdre, exactement ? Je n’arrive pas à le savoir, c’est bien ça le problème..

Jeudi

Une chevelure sans grâce vient d’apparaitre dans mon champ visuel, masquant une Keira Knigthley, resplendissante Duchesse de Devonshire. Faut bien que chacun trouve sa place, après tout, mais pourquoi a-t-il fallu qu’elle se plante là et pas trois fauteuils à côté ?

Vendredi
Le froid humide de cette fin novembre, soudain, nous pénètre partout. Les gants et les bonnets ressortent des tiroirs . Et ces perceptions renouvelées nous annoncent les fêtes de fin d’année. Sous les tropiques, on ignore sans doute ces sensations, quel dommage !

Samedi
Finalement, on ne sort pas ce soir. Trop froid, trop humide, trop fatigués. On reste au chaud, et c’est pas plus mal comme ça. Mais où donc la crise est-elle passée ?

Dimanche
Mes chaussures neuves me serrent un peu, mais leur élasticité me donne une trompeuse impression de facilité. Si j’y rajoute la sensation du collant neuf sur les jambes, me voilà un coureur tout neuf.

SOn blog pro.

 


Camille Philibert | Le blanc

 

À l’angle de deux boulevards, ça pourrait être un troquet de banlieue, il n’en jette pas. J’arrive à pied de Montparnasse. Lieu idéal pour éviter de réaliser la fin de cette journée d’hiver, pour ignorer la lumière qui s’efface, trop tôt, toujours. Je me case sur le bord de la banquette bordeaux, la baie vitrée se trouve à ma gauche. Conversations à mi-voix, pas de musique, pas de télé qui glapit, des gens mais pas trop. L’endroit où s’incruster pour de long. Le jour est encore là, blanchâtre, grisâtre, pas trop éblouissant - ne suis pas collée à la vitre, pas trop sombre –ne suis pas dans l’antre du fond. Situation intermédiaire, luminosité médiane, assise ni trop dure comme une chaise où la colonne vertébrale doit se tenir, ni trop ramollie comme un fauteuil où s’étaler en méduse, la possibilité de s’enfoncer parallèlement dans la banquette et dans la tête. Le mur fait un petit décrochement à cet endroit, l’appui est encore plus stable. Ce nid intègre les paramètres optimums qui me permettent de déconnecter avec le quotidien. Donc pour commencer : un café d’une banalité archétypale, identique à ce qu’il devait être il y des années, des flots flous de voitures et de bus, une tasse de café vidée, un Libé épluché… Maintenant que tout le reste a été épuisé et que démarre la peur d’être en retard, il n’y a plus rien à faire, que ça.
Acculée, j’envisage le bain du patouillage d’idées : sortir l’ordi, rechercher dans le fond du sac un papier griffonné, peut-être dans le carnet. Déchiffrer les mots et se souvenir que ce qu’il y avait derrière, allumer l’ordi, se coltiner l’écran pâle, pianoter sur le mini-clavier aux touches qui cliquètent, le voir se remplir, le niveau du texte descend, ça devient gris. Ça se remplit, soulagement. L’écran n’est ni fade ni en contre-jour. Maintenant, les lumières jaunissent, un nuage de concentration s’enroule autour de moi comme un paravent isolant, dehors les phares réveillent la nuit. Les voitures et les mots défilent, les véhicules en flux, les lettres en cahin-caha, mais avec des accélérations soudaines, les bouts des doigts frétillent. ... Je cherche où poser loin le regard, décroise les jambes, écoute ( sait-on jamais, un mot entendu), gonfle les joues, soupire mollement… Est-ce qu’inspirer profondément donnerait de l’inspiration ? Et là, quoi ; l’arrêt qui se pointe et suspend les minutes, déconcerte. L’endroit stupide où le rien exulte. Trou. Quoi ?
Du vide.
Le blanc.