sonnettes d’alarme

la prochaine mode à importer de New York ?


A lire, cet article dans le Monde des Livres, signalé aussi par ActuaLitté. Encore une fois, Internet est pris comme bouc émissaire [1], et encore une fois on parle du livre au singulier, et non pas ce qui fonde la littérature, en curiosité, savoir, mise en réflexion du langage – tout ce dont Internet est déjà le lieu à égalité – ni interrogation sur la banalité consensuelle de la production (ah, le bon roman à 200 pages, et photo romantique de l’auteur en bandeau couleur, résumé en une phrase « – Il est trop long, ton pitch... » en IV de couv, en sortir 10 et voir celui qui marche), le marketing et la réception média sur un nombre très limité de produits, ça on n’en parle pas. Surtout, mettre les difficultés de l’édition sur le dos d’Internet, c’est une chanson usée : le problème de l’édition, c’est d’abord de sauver une structure industrielle basée sur la diffusion, les palettes de carton. D’où ces maisons surchargées de fonctions intermédiaires, et de bonnes planques bien chaudes, au moment où l’une après l’autre ce sont des gestionnaires école de commerce qui remplacent les partants [2]. Quant à Internet, ils font penser à ces cyclistes de sprint en sur-place avant le départ, attendant que le premier se lance. Pendant ce temps, nous avec notre tricycle on roule. Que les structures éditoriales actuelles soient en danger, ils n’ont pas pleuré sur la métallurgie et les autres, de l’autre côté du périph. Les tentations corporatistes, subventions (l’État paye la numérisation des fonds qu’ils vont commercialiser), font que c’est pas très tendre, l’ambiance, en ce moment [3]. Alors, se battre pied à pied pour la lecture, investir les nouveaux usages et supports, s’impliquer dans les nouveaux circuits et modes de prescription, travailler avec les facs, les bibliothèques, travailler ensemble à articuler le livre papier et les contenus numériques au lieu d’établir la nouvelle ligne Maginot des drm ? Bien peur que la dernière mode importée de New York, l’article du Monde en donne le ton : seulement voilà, nous mettre ça sur le dos, à l’Internet, y a comme une erreur. Pour ceux qui penseraient qu’on peut le faire ensemble, la porte est ouverte.

[1Pas cependant de façon aussi caricaturale qu’on a pu l’entendre il y a 1 an ou 2, le journaliste du Monde, Sylvain Cypel, joue bien le rééquilibre et la nuance – mais tombe quand même dans le panneau du vit ses dernières heures alors qu’on se bagarre depuis des mois à expliquer qu’il s’agit d’éco-systèmes complémentaires (lire, dans le Monde aussi, Francis Pisani). Extrait :
« Les jeunes n’ont aucune mémoire de l’avant Google. Il ne leur vient pas à l’idée d’aller en librairie. Ils fonctionnent différemment, n’ont que faire des critiques de livres ou des suppléments littéraires des journaux. Autonomes, ils ne font confiance qu’à leur jugement et fonctionnent en réseau hyper-connecté. Si l’un a adoré un livre, tout son entourage va le lire. » Internet « a tué les livres de cuisine », constate Jennifer. Invendables quand on a si aisément accès en ligne à des milliers de recettes. Elle est convaincue que l’avenir est au livre électronique.« Vous partez en voyage avec trente romans et cinq guides dans un ordinateur de poche. Qui s’en priverait ? » Le « livre-papier » connaît sans doute ses dernières heures. « Ce sera excellent pour l’environnement, mais les bibliothèques disparaîtront. » Énonçant ces propos, ses yeux se voilent un instant. Christina abonde : « Je suis victime d’une inéluctable transition. Ce n’est pas une tragédie », mais à condition que les éditeurs sachent s’adapter. Sinon, dit-elle, beaucoup d’autres employés la suivront.

[2Et le boulot, fait par des stagiaires à 370 euros, qu’on permute tous les 3 mois, ça aussi il y aurait de quoi parler...

[3Un site comme Tiers Livre est bien plus lu dans les bureaux des 3ème et 4ème étages des maisons d’édition que dans les couloirs à moquette du 1er étage, et tant mieux – pas pour ça qu’on leur met Firefox au lieu d’Explorer, ni même Acrobat Pro souvent (un PDF vous faites un tirage papier, vous imprimez et vous renvoyez avec annotations manuelles), et encore moins une liseuse pour gagner du temps sur la correction et gérer les manuscrits. Quant aux demandes d’emploi et reconversion, il y aurait déjà quelques statistiques à faire, rien qu’aux mails qu’on reçoit.


responsable publication François Bon, carnets perso © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 9 janvier 2009
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