Pierre Ménard | d’une forme d’attente sans fin

vases communicants : tiers livre chez liminaire, et liminaire chez tiers livre


[...] d’une forme d’attente sans fin et qui n’a pas de cause. Comme si ma pensée ne cessait de se former, de se reprendre, comme si elle commençait, ou recommençait, à tout instant. Je ne sais pas d’où vient la lumière. Comme si [...]

 

[...] Comme si un souvenir enfoui au fond de nous avait soudain été libéré – comme si nous reconnaissions une chose dont nous avions toujours ignoré la présence. J’ai envie de réfléchir à ce qui m’arrive maintenant mais je n’en ai pas le temps. Des choix à faire. Des directions à prendre. À le dire il y a comme un clignotement du sens demandant si cela doit être. On vit comme on raconte des histoires. Ma bouche ne fera pas d’histoire quand s’agira de la fermer ce sera tout moi, mon silence, ma rengaine arrêtée. Mes yeux d’avoir aimé vos yeux jusqu’à sourire [...]

 

[...] jusqu’à sourire jusqu’aux oreilles. Si je n’ai plus toutes mes dents comme aujourd’hui c’est que j’aurai beaucoup mordu. Épuisé chance et puis chanson devenue muette, ce gros poisson pourra bien tourner sans paroles. Nous devons tout arranger, je pense, de telle manière que les gens comprennent qu’ils sont eux-mêmes en train de faire toutes ces choses, et non en train de les subir. Tout acte d’imagination ou de perception est en lui-même un arrangement. Si nous n’avons rien fait, il devra tout faire. Dans [...]

 

[...] Dans un constant glissement ou jeu de rebonds, de relances : Ils se rejoignent, se délient, se retrouvent, s’effacent, dans une sorte de chorégraphie très souple, sans ruptures. Nous sommes venus par un circuit, en ville, différent. C’est un jour de pluie et la lumière ne lève pas, tout ce qu’on reconnaît est là comme couché faisant gros dos, les chemins de bord de champs comme hésitant à disparaître dans les flaques qui se rejoignent, la glaise plus glaise et les sillons, autant de lignes parallèles plus lumineuses que n’importe quoi d’autre, le ciel même. Et les maisons toutes comme mortes, rien aux fenêtres, ce matin on n’aère pas, les garages sont clos derrière leurs portes, et plus vides, même les parkings des supermarchés, malgré les réverbères encore allumés, et [...]

 

[...] encore allumés, et ce violet sombre du bitume où les quelques voitures se refléteraient presque. La condition générale du monde est, au contraire, de toute éternité, le chaos. Il ne reste qu’à se mettre au diapason. La forme devient donc un assemblage. Nous avons au moins la possibilité de regarder où bon nous semble, et non là où quelqu’un a convenu que nous regardions. Bâtir son travail sur ce qui fonde son et silence : les durées. Je n’entends plus que l’écho multiplié de ma voix. Je finis par me surprendre et m’entendre. Frapper du regard, c’est se dessiner dans les yeux des autres, y découvrir leurs traits modifiés auprès des nôtres, mais pour ombrer notre ceinture de déserts. Pourtant, à cette heure, entre chien et loup, tout a l’air endormi et tranquille. Donne-moi ta bouche. Viens vite pour aller plus vite. Vite. C’est tout. [...]

 

[...] C’est tout. Vite. Dès que je fais une erreur c’est comme si c’était la fin du monde. C’est comme de s’endormir alors qu’on conduit sur l’autoroute. Dans les interstices. Là encore, la forme est une résultante, une accumulation de ce qui arrive. S’affranchir des conséquences directes et péremptoires de l’intention et du résultat, car notre intention sera toujours nôtre et limitée, tandis que d’autres forces sont incontestablement à l’oeuvre dans le résultat final. Poursuivre son chemin, comme si de rien n’était. Je suis à la recherche [...]

 

 

Plaisir de recevoir, pour l’échange mensuel des vases communicants celui dont le pseudonyme est devenu pour bien d’entre nous synonyme de l’expérimentation web, le site multiforme liminaire.fr, l’incessante confrontation aux formes d’écriture à naître depuis le web, que ce soit à l’Astrolable – la médiathèque de Melun qui est le creuset de son expérience professionnelle via le Cyberlab –, dans de multiples ateliers d’écriture, ou via la revue d’expérimentation numérique D’ici là désormais liée à publie.net, dont Pierre Ménard est un des piliers actifs, ou la fabuleuse anthologie Page 48 : chez lui ce matin ce texte intitulé amériques.

Pas trop le temps de faire le relevé ce mois-ci, et l’expérience maintenant est aux mains de tous, plus besoin de mentionner que l’idée initiale est partie d’une invitation de Scriptopolis à écrire chez lui, à quoi j’ai proposé la réciproque, en juin dernier – voir liste ici, ici, ici, ici, mais n’hésitez pas à signaler vos propres échanges en commentaire ci-dessous...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 décembre 2009
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