Pifarély | crise de la culture & effroi institutionnel

"c’est par la musique qu’a commencé l’indiscipline", dit Dominique Pifarély


Ici et chez Dominique Pifarély, c’est la même chose.

Je reprends ce billet qu’il met en ligne à l’instant. J’y reviendrai via contribution au site la culture en danger. Voir aussi Henriette Zoughebi à propos des résidences d’écrivain en Île-de-France : appel à prendre du risque.

C’est évidemment une mutation de fond, et c’est une des raisons de notre choix d’indépendance, via fondation de la coopérative publie.net, pour assurer conditions matérielles de la création hors dispositifs aide et subvention en péril. Quel silence autour de la disparition désormais actée de l’ancienne direction du Livre et de la lecture, absorbée dans une direction des industries culturelles : pas de vague, sarkozysme intériorisé – idem pour massacre terminé (y en a un bout qui vit encore ?) de l’éducation artistique...

Je reprends donc le billet de Dominique, en incitant à visite de son blog pour le replacer dans son propre contexte artistique. Aux liens qu’il propose, j’ajoute bien sûr texte de Bernard Noël mis en ligne la semaine dernière sur publie.net : A bas l’utile, participant des mêmes urgences.

Et donc son inicitation à télécharger le Manifeste de l’UFIC pour une autre économie de l’art et de la culture.

FB

 

Dominique Pifarély | contre l’effroi institutionnel : inventer de nouvelles façons ?


Des années que le processus est enclenché : l’argent public pour la culture se fait laborieux, pas de quoi s’étonner. Que la période actuelle nous soit d’un danger jamais encore affronté, certes. Mais où sont les bonnes résolutions affichées en 2003, après le mouvement des intermittents ? Les volontés affirmées de changer la donne, les comportements, les politiques de programmation et de soutien aux artistes ? On ne parle pas ici des volontés politiques nationales ou locales – celles-ci souvent à la traîne de l’industrie désormais, et sans vision, celle-là carrément agressive, destructrice, cynique. On parle bien des comportements institutionnels, jamais remis en cause.

On avait dit, inversons les priorités, budgets de fonctionnement insolents et parts de production artistique indigentes. On avait décidé, des artistes associés, des compagnies en résidence avec de vrais moyens mis à disposition – pas forcément de l’argent –, partout, dans les théâtres, scènes nationales, conventionnées. On avait déclaré, revenons à l’artisanal, écartons-nous des élans plébiscitaires, terrain parfait pour le privé, son industrie et son commerce. Bref, on avait juré qu’on bousculerait tout ça, qu’on inventerait de nouvelles façons, aux côtés des artistes.

Les musiciens associés à une salle ou un théâtre, aujourd’hui, je les compte sur les doigts d’une main. Les petites compagnies survivent dans l’ombre, sous les regards compatissants, par la fidélité de quelques-uns et la ténacité de leurs artistes. Les pratiques un tant soit peu en dehors des modes battent de l’aile, et on entend tous les jours (j’en atteste) l’argument négatif de la fréquentation qui n’est plus à espérer, au lieu d’un avis artistique (plus personne n’aime ces musiques, tu crois, m’a demandé F tout à l’heure : il ne parlait pas du public…).

Bernard Noël : Les années Jack Lang ont produit un phénomène que le goût du vedettariat de leur auteur n’a su ni prévoir ni compenser — à moins, et c’est probable, qu’il n’en ait été le complice. Ces années ont vu un effort sans précédent pour faire connaître l’art contemporain à travers tout le pays, mais cela dans un but où la promotion l’emportait sur la pédagogie des plaisirs de voir. Conséquence, la promotion s’est accompagnée d’une institutionnalisation corruptrice dans la mesure où elle a mis la culture au service du commerce et de l’exclusion. Ainsi a-t-on vu naître un art officiel dont la seule nouveauté est qu’au lieu de reposer comme autrefois sur l’image, il n’a guère valorisé que le “concept”.

Cet appel, la culture en danger, arrive tard, sollicitant l’accompagnement et l’énergie des créateurs dont beaucoup, dans le spectacle vivant, sont aux abois depuis longtemps. Mais enfin, on fait tourner, pour info, et pour réflexion aussi, persuadé qu’on est que tout est à reprendre, et que l’enjeu, plus encore que politique et budgétaire, est idéologique, poétique, philosophique, esthétique, sensible, amoureux, délirant, désirant.

Bernard Noël, toujours : Je n’imagine pas un rôle “idéal” de l’Etat, tout au plus un rôle de régulateur. Auquel cas (et j’espère que c’est en train d’arriver), il accepterait de reconnaître dans le lyrisme, l’Eros, la beauté, etc. les foyers d’énergie nécessaires à la vitalité du social au lieu de les gérer, toujours à retardement, en vue de leur récupération, et donc de leur étouffement.

Et on renverra à ce manifeste qui propose des pistes bien plus en rapport avec notre réalité, artistique, financière, professionnelle, structurelle, dont on retiendra par exemple les passages suivants :
 Militer pour que la politique culturelle se fonde sur la notion de citoyen, plutôt que sur celle de public et que cette politique permette une égalité de droits sur l’ensemble du territoire.
 Exiger la réorientation fondamentale des politiques publiques et des financements des divers partenaires institutionnels vers des dispositifs adaptés aux réalités des structures artistiques et culturelles d’initiative indépendante. Sans cette réorientation, les efforts localisés de réorganisation collective ou de mutualisation des coûts entre structures volontaires se révéleraient vite inopérants. Contribuer au développement des structures d’initiative indépendante et leur accorder une égalité d’écoute et de droit, c’est garantir la variété des propositions et des échanges artistiques.
 Combattre une institutionnalisation démesurée et la prédominance excessive du marché comme uniques décideurs de l’attribution des ressources dédiées à l’art et la culture. Ces deux tendances génèrent des déviances dangereuses et constituent un obstacle au développement dynamique des systèmes culturels.
 Revendiquer l’initiative privée à d’autres fins que lucratives, à travers le développement d’organisations indépendantes relevant d’un « tiers secteur », distinct tant du secteur marchand que du secteur public. Permettre ainsi l’existence d’un troisième pilier indispensable pour garantir l’équilibre du développement artistique et culturel ainsi que la juste répartition des ressources disponibles.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 31 janvier 2010
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