ActuaLitté passe au Mag

d’autres formes de lecture pour accompagner le travail de site


Pour nous tous, c’est un défi : les articles de blog s’empilent dans la fosse à bitume, nous archivons des liens et savons les retrouver, mais la charge conférée progressivement aux sites excède le flux permanent du blog. Dossiers, pistes de réflexions : il faut extraire la lecture du flux rapide ou mosaïque qu’est le web. Les supports le permettent : lire hors ligne sur un Kindle ou son propre ordinateur.

Mais l’autre défi est purement éditorial : l’ensemble clos du magazine propose une autre arborescence, des juxtapositions graphiques, des hiérarchies de contenus – et notre travail l’exige.

C’est ce défi que nous souhaitons relever en articulant ce site, Tiers Livre et ses flux, avec la lecture dense possible via le travail d’édition intégré dans chaque texte de publie.net.

ActuaLitté, vous devez probablement suivre leur flux d’information. Né il y a 2 ans, un site animé par une équipe – un territoire qui trouve progressivement sa voix et son articulation. Le web est large : même dans l’actuelle distribution des sites d’information littéraire (Poezibao et remue.net, et côté numérique eBouquin.fr ou Aldus, ou théorie la Feuille d’Hubert Guillaud et théorie de l’image le Culture Visuelle d’André Gunthert, mais une bien plus vaste palette en constant mouvement – voir mes liens), nous sommes loin de recouvrir encore ce que recouvrait la presse papier et ses magazines ou suppléments littéraires. Il n’y a qu’à se féliciter de cette pluralité d’acteurs, et leur diversité d’implication : on n’a pas trop de littérature sur le web, mais un paysage encore en voie de constitution.

Autre paradoxe : le fait que l’ancienne galaxie littéraire ait laissé passer le train du numérique. Désespérément pauvre (même si Libération s’est doté de ecrans.fr et que lemonde.fr a intégré résolument à sa page littérature les blogs Assouline et La Feuille), et que Livres Hebdo (inaccessible cause tarifs) propose le blog de Françoise Benhamou. ActuaLitté a donc pris la décision a priori paradoxale d’une sortie papier, pas forcément dans un objectif marchand, mais pour être mis à disposition dans les bibliothèques, librairies, lieux culturels – faire respirer le site via des publics que les cloisons du web ne rejoignent pas, autre enjeu pour nous tous.

Nicolas Gary et ses amis diffusent donc le n° 0 d’une première maquette de ce qui va devenir leur magazine. Il est librement téléchargeable sur la librairie Immateriel.fr ou directement sur le site ActuaLitté. Dans cette évolution, bien sûr résonne question posée à l’ensemble des sites : là où notre activité exige progressivement des moyens professionnels, comment concilier le développement de nos sites avec la gratuité qui fait l’efficacité et la liberté d’Internet ? L’abonnement à publie.net, côté particuliers ou établissements de lecture publique, étant notre propre volet de la réponse.

Et s’il vous faut une raison de plus pour télécharger ActuaLitté/Papiel, je recommande au minimum l’entretien de Nicolas Gary avec l’équipe d’Actialuna. Autre versant de l’évolution rapide : là où publie.net s’est risqué le premier, se crée désormais une mini-galaxie de nouveaux acteurs, et c’est parfait pour la réflexion, la créativité, le défi technique. Les choix éditoriaux, là aussi, loin de recouvrir encore le territoire où s’établira le point d’équilibre. Quelques tout petits extraits (sur le site : partie 1, partie 2 :

Je voudrais commencer par une remarque préliminaire. L’ordinateur, qui est un petit meuble, s’est démocratisé avec le couple clavier/souris. L’attitude adoptée est alors de s’installer devant pour interagir avec lui. L’ordinateur portable a changé ce rapport, mais le besoin de « s’installer devant » persiste. Alors que l’attitude face à un livre est de le prendre avec soi, pour l’emmener et l’utiliser dans des positions et des contextes très variés.

[...]

Tout d’abord, l’essence même de l’écriture d’un livre est l’idée d’achèvement. La démarche intellectuelle de l’auteur implique un point final. Ce qui s’oppose à la notion de site, ou à presque toute entité numérique qui se met à jour de façon significative et régulière. Alors qu’il faut terminer un livre pour le publier, le livre électronique va dès lors évoluer vers un objet collaboratif où cette notion d’achèvement sera beaucoup plus floue. Le livre tel qu’on le conçoit aujourd’hui deviendra un choix artistique fort parmi d’autres voies possibles.

Il y a ensuite la notion de livre-objet, imprimé sur de beaux papiers, relié, etc. Qu’il s’agisse de bibliophilie ou simplement d’un ouvrage soigné, si cet objet a du sens artistiquement parlant il sera très difficilement concurrencé par le livre électronique.

Quant à l’aspect sentimental du livre, il est aussi réel que subjectif. Contrairement à une idée reçue, les appareils électroniques peuvent bénéficier d’une révérence similaire. Il n’y a qu’à voir le phénomène que représente le retrogaming, avec ces nombreux passionnés collectionnant les anciennes consoles et les cartouches de jeu.

Si l’on parle de l’évolution de l’objet c’est évidemment très discutable : un Gallimard NRF des années 50 est par bien des aspects un objet plus soigné que ce qui se fait aujourd’hui. Toujours est-il que le papier possède de vrais avantages en terme de toucher ; on peut le plier, il mémorise une histoire, et il peut s’annoter.

Mais l’annotation (ou plutôt la facilité d’annotation) est là aussi clairement un enjeu technologique. S’il n’est plus question de marquer le papier, il y a des solutions très différentes à imaginer avec l’arrivée du réseau social dans le marquage, la citation, la référence, le marque-page (voire le marque mot), le surlignement, etc. Bref, la réintroduction d’un monde analogique dans un monde digital est une question centrale qui fait aujourd’hui défaut à l’édition électronique, et plus généralement à l’univers numérique.

Une fois encore, il faut réintroduire de l’artisanat dans l’industrie numérique. Il faut réintroduire de l’imperfection, du détail, du raffinement, de la personnalité, de l’unicité. Actialuna est clairement sur cet axe, l’axe du « beau » livre numérique, travaillé, soigné en particulier sur les interfaces.

[...]

L’acte éditorial va lui aussi se démocratiser avec le numérique, et les éditeurs déjà un peu noyés dans une surproduction vont eux-mêmes se retrouver noyés dans la masse de textes circulant sur Internet. Bref, un seul mot d’ordre : qualité, qualité, qualité ! Pas de concessions, il faut de la qualité ! C’est le rôle et le devenir des éditeurs, leur « label » même, et seuls ceux qui pousseront leur engagement en ce sens pourront émerger.

On peut aussi prendre le problème sous un autre angle. Si faire un livre devient un choix artistique fort, beaucoup d’auteurs risquent de se tourner vers d’autres formes de production littéraire. La littérature va prendre des formes variées et inattendues, et « faire un livre » va dès lors rentrer en concurrence avec « faire autre chose qu’un livre ».

Puisque contenu et contenant se séparent dans le numérique, le contenu pourra ainsi se retrouver là où on ne l’attendait pas, à des endroits insolites et sous des formes totalement improbables. Le papier électronique est très loin d’avoir montré tout son potentiel, mais il pourra bientôt se mouler sur des objets, et dès lors que l’on sera capable de publier de façon interactive, des « mots » seront capables de s’afficher et d’évoluer sur une tasse, un mur, aussi bien que sur une carrosserie de voiture. Laissant ainsi place à une large créativité en terme d’art et d’architecture.

© ActuaLitté/Actialuna.

On souhaite donc le meilleur succès à ActuaLitté version Mag’, et une bonne route à Actialuna.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 12 août 2010
merci aux 815 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page