auteurs : poussez vos éditeurs

auteurs & numérique mode d’emploi (suite), et s’ils ne suivent pas : se souvenir que les droits numériques vous appartiennent


Le déploiement du numérique ne se fera pas sans redéploiement de la relation auteurs/éditeurs.

Faire vivre nos livres, pas d’aujourd’hui qu’on sait que cela nous appartient, et que ce n’est pas basculer dans la maladie communication du siècle, mais juste ouvrir l’atelier, mettre en partage le chemin et le travail. La réception du livre indissociable de ces initiatives impliquant auteur et dispositif culturel (lecture publique, stages ou ateliers, résidences), et donc un écosystème – j’y reviens, plus largement et de façon plus complexe donc que ces salons du livre en rang d’oignons avec signature derrière fleurs en plastique, courants d’air et haut-parleur (espèce toutefois en voie d’érosion).

Le numérique s’inscrit dans cet écosystème : où que vous en soyez par rapport à votre identité numérique (site perso, mise en ligne de vos chantiers, blog ou création spécifiquement numérique), la diffusion de votre travail sur les supports actuels – là où nous en sommes, à la fois préhistoire et explosion –, c’est de toute façon partie prenante de ce qui est à votre travail.

Voici une proposition reçue d’un ami auteur (souhaite rester anonyme, allez, je ferai l’eBook émissaire, à nouveau...!). Je me permets de reprendre sa lettre et la placer ici en chantier ouvert. Sa position : à nous de pousser et exiger de nos éditeurs qu’ils associent, comme faisant partie du contrat moral lié à la délégation de propriété artistique, la diffusion numérique à la diffusion imprimée. Ma proposition après que vous aurez lu sa lettre :

Cher ...,

Je vous écris au sujet de mon livre ***** que vous avez publié en 20**.

Je souhaiterais que ce livre soit disponible à la vente dans une version
numérique, et à un prix commercial inférieur ou égal à celui de la
version papier.

En effet, les évolutions technologiques et plus particulièrement le
développement continu de la lecture sur écran, tant via Internet que via
les tablettes et liseuses (iPad, Kindle), me semblent telles qu’elle
rendent indispensables à « l’exploitation et la diffusion commerciale
permanente et suivie » (à laquelle vous vous êtes engagé dans le contrat
d’édition qui nous lie), la mise à disposition d’une version numérique
de mon livre.

Si vous n’envisagez pas d’assurer directement ou indirectement
l’exploitation et la diffusion commerciale permanente et suivie de mon
livre sous forme numérique dans les 12 mois qui viennent, merci de me le
signaler, de sorte que je puisse disposer à nouveau des droits sur ce livre.

Très cordialement.

Ma propre position, donc :
 d’abord, refus catégorique de signer avenant basé sur les pourcentages du livre imprimé. La distribution des coûts est radicalement différente dans la diffusion numérique et la diffusion imprimée, le rôle de l’auteur est différent, sachez que les auteurs qui sont passés par un agent ont obtenu des droits numériques dans la fourchette 19/23%, contraignez l’éditeur à cette fourchette, d’ailleurs vous verrez, ils accepteront.
 d’avis divergent de mon auteur anonyme, voici comment je formulerais son troisième paragraphe :

Comme vous le savez, le droit français étant basé sur un principe d’exclusivité, les droits afférant à la distribution numérique de mes livres ne sont pas inclus dans le périmètre de notre contrat initial, et j’en reste l’unique détenteur. Faute d’un accord amiable pour avenant à ce contrat, je suis évidemment libre de contracter un diffuseur uniquement numérique pour leur diffusion, ou bien (au regard du droit commercial français) si ce diffuseur numérique me proposait une rétribution plus sensiblement plus élevée que celle sur laquelle nous pourrions convenir d’un accord. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me soumettre dans le plus bref délai vos éventuelles propositions, faute de quoi je me considérerai libre de contracter avec un distributeur numérique de mon choix.

Une telle formulation est à l’heure actuelle inattaquable devant les tribunaux (la seule clause qui le permettrait serait celle de la « concurrence déloyale », qui tombe si vous mettez en parallèle une proposition de distribution comme celle de publie.net, 50% des recettes, en regard des avenants actuellement diffusés par les éditeurs affiliés au SNE, si tristement absent de ces échanges et débats).

Rappel : certains d’entre nous essayent d’impulser l’idée 1, de contrats d’édition limités à 10 ans, comme dans les autres pays, cette revendication a d’abord été lancée publiquement par Alain Absire, alors président de la SGDL, qui semble désormais la défendre bien mollement, flottant dans les eaux tièdes de son débat serpent de mer avec Google, et actée de toute façon pour tout contrat via agent littéraire, 2, d’une restitution des droits à l’auteur en cas de diffusion inférieure à moins de 50 exemplaires par an, sauf clause spécifique (la pratique voulant qu’à moins de 200 exemplaires en stock restant, l’éditeur ne diffuse plus en librairie, mais se contente de répondre aux commandes, pour éviter cette restitution de droits). On commence à sortir de cette situation, parce que la diffusion numérique c’est d’autres circuits de lecture, accès bibliothèques, propagation via facs étrangères, travail que nous faisons sur indexation et mots-clés, dont une véritable vie de l’ouvrage : peu importe alors le destin du livre imprimé, mais à nous de prendre à bras-le-corps notre présence numérique. À publie.net, on est prêt à vous y aider.

Autre info : ces deux mois d’été, constat de trois dépôts de bilan de « petits » éditeurs, mais au digne catalogue. Évidemment, dans ce cas, le numérique c’est la bouée de sauvetage : n’hésitez pas, reprenez vos droits (mais lors d’un dépôt de bilan, c’est automatique), et confiez-nous vos textes pour assurer tout simplement qu’ils vivent... Je ne le souhaite évidemment pas, mais je vois bien pour publie.net (qui n’a ni loyer ni lourde infrastructure), dans la bureaucratie française, le prodige que c’est d’assurer l’existence d’une petite entreprise : il va y avoir d’autres renoncements, et chacun a quelques noms en tête. Ne laissez pas sombrer vos textes...

Image : niveleuse, injecteurs diesel ( ?), Ouessant Numer’île, août 2010.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 26 août 2010
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