mais comment qu’il parle, le Beinstingel

parlez-vous la langue qui gagne ?


Contribuer au mieux être. Accompagner la prise de leadership. Rechercher l’excellence. Soutenir la croissance. S’approprier l’évolution. Développer la marque employeur. Créer une nouvelle culture managériale. Voilà des exemples de discours d’entreprise, ça se passe en ce moment, dans une entreprise qui justement annonce à grands cris que les choses vont changer. Mais ce discours reste le même, les mêmes mots maniaques, les mêmes expressions vides de sens, le même infinitif pour masquer tout cela. J’imagine ceux qui reprennent ces expressions : quelles sont leurs motivations ? quelle perméabilité du langage a-t-on instillé insidieusement dans leurs esprits ? Ont-ils conscience de la vacuité de ce qu’ils disent, de ce qu’ils écrivent ? le mieux être et la contribution, quels rapports entre l’être ou ne pas être et le mieux ? Qu’est-ce que le leadership, capitaine accompagnateur de quoi, et pour quelles traversées, galères ? Où est l’horizon improbable de l’excellence comme un trésor à trouver ? Que faut-il s’approprier ? Quels vols commettre ? C’est quoi une marque employeur ? Une étiquette sur un bleu de travail ? Une marque au fer rouge ? La culture managériale vient-elle se substituer à la culture tout court ? à la littérature ? Il faut à peine creuser pour en révéler les contradictions linguistiques et quand on les énonce devant ceux qui les relayent, ils haussent les épaules, insultent : pinailleurs, chercheurs de poux dans la tête. Tout ce bruit pour des mots, rien que des mots. Justement, abandonnez-les si ce ne sont que des mots, donc pas grand chose pour vous. Non, ils ne veulent pas. Tous ces mots sont en partage : comprenez leur sens du mot partage à eux, synonymes d’imposition, de pouvoir, de valeurs obligatoires. Que quelqu’un n’adhère pas, non, ils ne comprendraient pas : toutes ces expressions ont été fabriquées pour démontrer la volonté de l’entreprise à devenir plus humaine : enfin, on parle du mieux être, nom de dieu ! Et qui a-t-il de mal à rechercher l’excellence ? à vouloir être meilleur ? Non, ils ne comprennent pas celui qui refuse ces progrès évidents. Et encore moins celui qui essaye de leur démontrer qu’eux mêmes sont les premières victimes de ce langage maniaco-dépressif. En réalité, ce discours séduit car il parle d’actions et qu’eux se voient comme des hommes d’actions, des managers, des "chiefs". Il suffit pour les piéger de simplement conjuguer ces verbes, de les interpeller avec : alors comme cela tu contribues au mieux être ? Oui, mais je ne suis pas tout seul, ajoute-t-il modestement... Alors comme cela tu accompagnes la prise de leadership ? Il ne répond rien... Et tu recherches l’excellence ? Il hausse les épaules... Et tu t’appropries l’évolution ? Il tente l’agressivité : oui, au moins je ne suis pas comme certains qui... Et du développes la marque employeur ? C’est quoi la marque employeur ? Ne fais pas l’’idiot...Tu veux créer une nouvelle culture managériale ? Il se ressaisit : oui et j’en suis fier, nous avons trop commis d’erreurs dans le passé... Oui mais comment peut-on avec le même discours ? Oh, toi et ta manie des mots, des questions... Il s’en va fâché. Mais contre qui ? Contre son propre langage ? Contre les choses qui ne changeront jamais si on les nomme pareillement ?

Pensées pour l’ami Beinstingel, dont les Feuilles de route sont toujours un bonheur de lecture (étonnements, notes d’écriture, webcam...), et son Retour aux mots sauvages. Ne pas manquer le dernier de ses étonnements, souvenirs d’adolescence comme vendeur en boulangerie. Texte ci-dessus bien sûr TB et non pas FB, mais des fois se dire qu’on pourrait bien l’avoir signé pareil.

responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 novembre 2010
merci aux 854 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page