nos invités | la Défense à distance #3

suite des propositions de Julien Pauthe : la Défense à distance, avec galerie d’images


De longues années avant d’y mettre les pieds, de m’y perdre et retrouver la première fois, c’est Buffet froid qui fait la Défense, qui me donne l’image. Précisément celle de la station de RER, vide et vierge de graffitis alors, 1979, avec ces grandes étoiles à trois branches formées par la disposition des rangées de sièges. Et les tours vides aussi, dont je sais maintenant qu’elles ne sont pas de la Défense, mais d’une banlieue en chantier, plus éloignée.

Le cauchemar acéré de Blier fixe l’imaginaire du quartier pour ma génération, du moins ceux qui ne le connaissent pas d’expérience directe. Film vu et revu sur les magnétoscopes, fausse image d’une zone de relégation résidentielle qui ne correspond pas au quartier d’affaires, mais « Manhattan sur Seine » on apprendrait plus tard. Image exacte pour nous, de ce qu’on appréhende de Paris au début des années 80 : exode populaire, multiplication des bureaux, villes nouvelles à l’horizon, et la violence de tout ça mieux dite par l’arbitraire délibéré du scénario.

Pas de souvenir de la bande-son du film, s’il y en a une. De l’époque c’est Joy Division, premier disque sorti la même année, qui donnait la dureté minérale ; c’est aujourd’hui Olivier Mellano en ciné-concert sur Buffet froid qui détaille la mécanique de renversement qui toucha si juste.

Plusieurs occasions années après années de corriger l’image initiale : découverte du quartier, de ce qui s’en dit (les journaux, beaucoup d’affaires au sens juridique), passer des concours sur des petites tables alignées dans les sous-sol du CNIT, séjourner au Faubourg de l’Arche, cet improbable catalogue de citations architecturales unifiées dans le style Disney, s’y perdre en voiture, sans parvenir à retenir la logique du vaste échangeur, y chercher le taxi la nuit, le dernier RER butant là.

Mais force de cette image qui se vérifie, récemment. Installé à petite distance depuis un an, trois stations de tramway, j’y mène mon fils, lui apprend les itinéraires pour Paris, le repérage. La Défense il commence à connaître pour bien d’autres choses, lieux de rencontres des copains, cinémas, boutiques, sushi-bar à la rampe de service qui serpente. À la première descente ensemble des escalators qui mènent au RER, quand bien même a vieillie la station, changé la couleur des sièges, et leur moulage devenu d’une seule pièce, légère hésitation dans sa voix à mi-parcours : « Oh, c’est Buffet froid… »

Et vous, vous êtes otorhino ?

Voir la Défense à distance, galerie 2.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 mai 2011
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