L’important c’est la télévision.

Leurs coaches le leur répétaient : l’important c’est la télévision.

Pour la télévision, ils avaient des coaches, chacun le sien. Chacun avait pour tâche de les préparer. Une apparition publique avec caméra (s’il n’y a pas de caméra, ce n’est pas une apparition publique), on construit à l’avance des circonstances proches, et on fait une simulation.

Tout est affaire de circonstances, même si les circonstances ne se reproduisent jamais à l’identique strictement, disaient avec leur habituelle profondeur les coaches. Tout est simulation, dans votre métier vous le savez mieux que personne, disaient avec leur habituelle profondeur les coaches.

Dans ce métier, ne pas redouter d’être animal, disaient les coaches.

Dans ce métier, apprendre l’impassibilité, et la profondeur de l’oeil animal qui pense comme l’humain, aime et éprouve comme l’humain, disaient les coaches.

D’où cette ferme en plein Paris, la seule ferme qui restait en plein Paris, et l’étonnement que cela induisait chez certains, d’apprendre qu’il existait encore une ferme en plein Paris.

C’était la ferme des coaches. Une seule pour tous. Et on disait que les candidats s’y retrouvaient parfois tous en même temps, attendant avec le sourire que le concurrent ait fini sa séance pour prendre la suite.

C’est là que les coaches organisaient les confrontations, organisaient le face à face avec l’animal. Organisaient aussi de longues séances pour que dans proximité et durée les candidats trouvent cette intimité avec l’animal.

Regarder longtemps l’animal dans les yeux, faire avec sa bouche comme l’animal fait avec sa bouche, disaient les coaches.

Et puis ils allaient tous, à tour de rôle aussi, faire le fier au Salon de l’agriculture (– Mais ce sont des cochons ? Vous ne m’avez coaché qu’avec des vaches...)

Photographie © AFP, Salon de l’Agriculture, 2006 – utilisée sans permission : c’est pour la cause.