ligne droite du Christ au Synchrotron

relevés préliminaires et topographies commentées, 004


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On mange très bien au Relais du Christ de Saclay. Une grande salle, une terrasse, plus une autre salle au fond : en quelques minutes, à 12h30, d’un lieu apparemment désert et sans silhouettes humaines, que les blocs aux toits plats qu’on aperçoit, surgissent au moins cent cinquante personnes, une bonne partie d’entre elles gardant les gilets réfléchissants ou les pantalons à trente poches du travail, ou le débardeur à conduire un engin de chantier, le plat du jour est à 8,90 et ce n’est pas une portion pour parisien de la ville. En plus c’est fait avec le sourire et la conversation. Une France qu’on aime, en fait, et dont on a l’impression qu’elle devient chaque fois plus rare.

Pour aller du rond-point du Christ de Saclay au rond-point du Synchrotron j’ai calculé sur l’iPhone qu’il y avait environ 2km400 et que même avec ma cheville gauche bancale en ce moment j’y arriverais en 40 minutes, il y avait du vent mais beau temps. Par rapport à la vue Google Earth c’était seulement uniformément jaune, colza en fleur oblige (je n’aime pas le colza).

Il s’agit donc d’une route à deux voies étroite, uniforme et rectiligne, longeant à sa droite les grillages fermés du CEA, avec derrière une haie végétale discrète qui occulte les bâtiments, suivie d’un golf et de la publicité pour ce golf (à quoi sert un golf ?), signalant que le Français ordinaire peut venir déjeuner à sa cafétéria d’une formule à 12 euros mais je doute qu’ils fassent beaucoup concurrence au Relais. Puis rond-point avec arrêt de bus pour desservir le hameau de Saint-Aubin (au rond-point du Christ, Saclay était une bourgade pas très différente, reste sous-jacente dans la carte au présent la première disposition rurale, mais comme s’il fallait soulever le transparent avec le monde actuel pour les retrouver intactes).

Je peux l’affirmer aujourd’hui : cette marche de 2km400 était complètement inutile, si ce n’est ce billet. Rien vu d’intéressant, sauf le colza et les grillages. Rien noté d’intéressant au sol ni dans le talus, du moins par rapport à l’extraordinaire richesse sémiotique qu’est le Christ de Saclay.

La circulation y est intense malgré l’étroitesse, je me suis dit que ce qui différenciait le plateau de Saclay d’une zone vraiment rurale c’était le bruit à cent décibels, camions et autobus, voitures qui filent, mais ça n’avait pas l’air de troubler le développement du colza. J’étais bien sûr le seul piéton. J’aurais pu prendre trois autobus qui m’auraient amené plus vite à mon point d’arrivée mais voilà : comment aurais-je su en ce cas qu’il n’y avait rien à voir ?

Un moment, une petite voiture (Peugeot) qui roulait bien trop vite a freiné en arrivant derrière celle qui la précédait, à quelques dizaines de mètres devant moi, puis a déboîté sur sa gauche pour la doubler en accélérant à fond, puisqu’une autre voiture arrivait en face. De mon point d’observation, j’ai cru le choc frontal inévitable. La voiture en face a fait des appels de phare, puis un long coup de klaxon, mais qu’avait à en faire le chauffard ? Quel con, j’ai pensé.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 avril 2012
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