porte unique de la ville

si c’était l’exact point de passage pour chacun entre intérieur et extérieur (de soi-même)


Depuis Babylone, toutes les villes avaient une porte. Elles avaient été monumentales, guerrières, défensives, ornementales, triomphales, on y avait mis des octrois, des herses, des lampions et guirlandes. Désormais, la porte de la ville était transparente. Dedans, nous vivions tous. Nous partagions ce toit, ces galeries, ces alvéoles que nous habitions. Dehors restaient l’aventure, le danger, les chantiers, laboratoires et usines. Revenir, ou y repartir, n’était neutre pour aucun. Ici déposions-nous tous, pour l’apprentissage de tous, ce qui avait été appris au dehors. Ici, lorsque nous repartions, laissions-nous ce que nous avions tissé avec la communauté. J’avais rêvé longtemps de venir exactement à cet endroit du seuil, mais sans être brutalement projeté vers ce dehors déjà tant arpenté, et prêt pourtant à quitter ce qui ici nous réconfortait : temps de la lecture, de l’apprentissage, de l’échange. Alors j’étais resté longtemps. J’avais finalement compris. Il n’y avait pas qu’une seule porte. Ils avaient seulement voulu nous le faire croire. Ce à quoi nous étions livrés, au dehors, tous n’y étaient pas contraint. Ce qu’on trouvait pour l’échange et le savoir, ou le loisir et le jeu, dedans, d’autres avaient des lieux réservés où tout cela prenait plus haute densité. Alors j’ai commencé à voir autrement la porte. Je m’étais immobilisé. Je faisais ces photographies. Ils m’ont emmené. Là j’attends. Il n’y aura peut-être plus d’autre message.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 3 mai 2012
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