Stones, 2 | énigme de Charlie Watts

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Dans l’énigme que constitue la longévité et la solidité des Rolling Stones, une des clés c’est bien sûr la permanence et la constance de CHarlie Watts.

Une fois il a manqué de patience : c’était en 1984, lors de la brouille de Mick Jagger et Keith Richards. Jagger avait dit : Mon batteur. Il lui a répondu qu’il n’était le batteur de personne, et puis lui a mis son poing dans la figure. Il traverse une période fragile : lui qui n’a jamais touché aux produits de ses camarades, il s’est mis à inhaler de l’héroïne, et fréquente les jeunes filles. Le groupe fera venir madame à Paris pour que leur batteur se reprenne.

Ambiguïté de Charlie Watts, disant n’aimer que le jazz, appelant le groupe [ses] copains de blues. N’aimant pas la vie de tournée, mais prenant un vrai plaisir sur scène, vissé impassible sur son tabouret haut.

Jamais un solo de batterie, et pourtant un art du contretemps sur grosse caisse qui définira en entier la syncope qui est la marque des Rolling Stones. Le fils du livreur de colis de la British Railway est né deux ans avant Keith et Mick, au début 1941. Il a souvenir auditif des bombardements. À 10 ans, il demande pour Noël un banjo, trois semaines plus tard il est entièrement démonté et sert de tambour. Pour lui, le jeu de tambour c’est ça : ce qu’il porte du bruit des bombes.

Études de graphisme, dans cette période où la publicité prend son essor via la couleur et les magazines, les objets de grande consommation. Il met longtemps avant de lâcher son boulot pour les tournées. Il supervise l’image graphique du groupe, quitte – à mesure qu’il s’enfonce dans la mutité – à chuchoter à l’oreille de Jagger les décisions qu’il veut voir prendre, et que Mick retransmet.

« Nous sommes le groupe de Charlie Watts », diront-ils souvent. Lui, il a dès le début compris ce qui est l’axiome des Stones : c’est la guitare de Richards qui donne le rythme, et pas la batterie, qui joue avec, et appuie la ligne du chanteur.

Quoi faire en tournée ? Il dessine scrupuleusement chaque chambre d’hôtel où il dort, pendant trente ans. Quelques-uns de ces dessins circulent.

Il dira : — Vingt ans avec les Rolling Stones, deux ans à jouer, dix-huit ans à glander. Il fera une version similaire pour les trente ans.

Il dit qu’il ne lui est pas possible de jouer de la batterie seul, de travailler chez lui.

Il aime les beaux habits, les costumes de luxe. Il aime collectionner : il commence, dans les tournées américaines, en dehors des vieux disques de jazz, par les armes et les insignes de la guerre de Sécession. Puis, lui qui n’aura jamais le permis de conduire, par collectionner les anciennes voitures. Enfin, ce qu’il aime c’est les chevaux. Immanquablement, quand une nouvelle photo de Charlie Watts surgit dans l’espace public, c’est qu’il est parti en Pologne ou en Normandie acheter un cheval, ou bien qu’il est en grande tenue dans le public des parieurs d’un champ de course selon la tradition vieille anglaise.

Il y a dix ans, Charlie Watts avait déclaré que les Stones joueraient toute leur vie, qu’ils trouveraient bien à s’engager le dimanche après-midi à Bognor Regis (une plage sur la côte sud, réputée pour l’accueil des personnes âgées). On n’entend plus parler de Bognor Regis.

Voir ces deux entretiens, pour cette manière précise d’élocution, et sa tenue. Parmi toutes mes photographies de Charlie Watts, je crois que c’est celle-ci, dans les heures d’attente de la longue nuit du Rock’n roll circus, le 11 décembre 1968, que je préfère : un Rolling Stone qui mange.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 juillet 2012
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