Stones, 4 | renonciation de Mick Taylor

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Quand les Rolling Stones se retrouvent, le 6 décembre, au MusicLand Studio de Munich, il y a des raisons à leur choix.

La première, c’est que, depuis Nellcote deux ans plus tôt, Richards est interdit de séjour en France (ce qui potentiellement peut annuler un visa pour les USA), et vit dans une villa de la montagne Suisse, à l’écart, mais à moins de deux heures de Ferrari de Munich. Un chalet, disent-ils, pour faire plus modeste. La deuxième, c’est que le studio est attenant à l’hôtel, on passe de l’un à l’autre par les sous-sols, on peut donc se réserver un étage complet et être à l’abri des curieux, ou des autorités. Et le studio est remarquable : c’est parce que les Rolling Stones y reviennent, en décembre 1975, que le Led Zeppelin arrêtera l’enregistrement de Presence avant d’y poser leurs habituels overdubs, nous offrant ainsi un des plus forts des quatorze disques.

Aujourd’hui on en sait un peu plus : fin octobre (le 25 précisément), les Stones se retrouvent à Genève pour deux jours de discussion, sur le planning des deux années à venir. Ils sont coutumiers de ces réunions, où on convoque aussi producteurs, administratifs, compagnie de disque. Ils sont toujours en exil fiscal, Watts et Wyman respectivement à Saint-Jean-du-Gard et Vence, Keith en Suisse, Mick nomade entre Paris et New York. Rien ne filtre (rien n’a jamais filtré), mais il apparaît que Mick Taylor claque la porte après la première journée et repart.

Quand ils se retrouvent le 6 décembre, à l’évidence il manque le guitariste. Et quand il n’est toujours pas arrivé le lendemain, il faut bien savoir pourquoi. Le monde apprendra que Mick Taylor a quitté les Rolling Stones.

Il les a rejoints au printemps 1969, alors qu’il joue avec John Mayall (c’est lui qui conseillera à Jagger de l’auditionner). Il a 20 ans et sa Gibson SG, il se fond fluidement dans le rythme de Richards, et leur donnera leur meilleur : magnificence de solos au début plutôt inspirés du style de Clapton, mais qui s’en émanciperont, capacité à laisser la première place à Richards (condition décisive).

Sobre dans la tournée de 1969, il s’affirme beaucoup plus dans la reprise européenne, le concert de Leeds est inusable. Il peut paraître en retrait dans Exile on main street tant Richards est chef d’orchestre, mais c’est pour une capacité immense de fusion et respect, finesse dans l’intervention. Richards a toujours défendu l’idée d’un groupe à deux guitares quasiment interchangeables, au contraire de la spécialisation des rôles, rythmique et soliste.

Dans la tournée de 1972, et sa suite européenne en 1973, le côté plus instable de Richards soumis à sa consommation grandissante d’héroïne et d’alcool fait passer Taylor – sonorement – au premier plan. Il en résulte des miracles, comme le deuxième concert de la Brussels Affair. Il délivre à lui seul des morceaux Jagger-Richards prêts à l’emploi, comme Sway. En 1974, l’éclipse quasi totale de Richards (tandis que Jagger continue d’enregistrer, mais avec Ron Wood ou Jimmy Page) rend encore plus décisif le rôle de Mick Taylor. C’est le cas dans le disque très noir et brillant de cette année, It’s only rock’n roll. Seulement, l’administration des Rolling Stones est blindée : la clé, c’est les droits d’auteur. Les chansons restent signées Jagger Richards.

Il y a eu beaucoup d’hypothèses sur la renonciation de Mick Taylor : lui-même s’était mis à l’héroïne, et Anita Pallenberg avait entraîné au shoot sa propre compagne et mère de leur enfant, dès Nellcote. Les overdoses sont partout, Keith Richards à bout (voir sa photographie au lendemain de l’incendie de Redlands, en novembre 1973).

Une autre hypothèse, c’est le coup de force : si je ne viens pas, c’est eux qui viendront me chercher, et je pourrai dicter mes conditions. Mais les Stones sont trop fiers, on ne se rebelle pas comme ça contre les deux patrons. Et il prendra pour son grade. Mick Jagger, seule réaction : — Il payera ses impôts comment, alors ?

Une autre hypothèse, plus simple, me semble valide : ce petit monde vit beaucoup entre soi. Mick Taylor est auréolé du statut de légende qui vaut pour le groupe. Après tout, dans les Rolling Stones, il ne sera toujours que le petit jeune qui a remplacé Brian. Il veut jouer plus grand. Il se lance avec Jack Bruce, le fondateur avec Eric Clapton de l’éphémère Cream. Ça fait long feu. On le retrouve ensuite avec Bob Dylan lui-même, d’abord via
Mark Knopfler, et noyant le vieux maître dans ses solos qui n’ont pas bougé.

Il restera toute sa vie celui qui a quitté les Rolling Stones, ça n’aide pas.

Et puis plus grand chose. Les tournées des festivals de blues, l’épaississement. Il paraît qu’il considère sa renonciation comme la plus grande de ses erreurs. Allez savoir, s’il lui doit de survivre.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 15 juillet 2012
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