Une traversée de Buffalo | bifurcation 1 | fabriquer ses ruines

les ruines sont favorables : on mesure mieux le présent si fragile


Une bifurcation de 7 figures dans le chantier Buffalo. Accéder au livre Une traversée de Buffalo.

 

Les villes de l’ancien monde honoraient leurs ruines, les déblayaient des cendres des anciennes éruptions : on dit qu’ils y trouvaient parfois des fresques, et des corps calcinés saisis dans leurs occupations quotidiennes. Cela, nous nous le refusions : assez du monde des choses et ses transformations. On avait donc mis au point ce système : ne pas reconstruire sur place, mais un peu plus loin. On gardait les routes d’accès, les parkings et leurs traces blanches au sol (même si on se garait plus loin – les parkings aussi étaient objets de visite, participaient de l’ensemble dont on honorait la ruine). On n’avait pas repris de l’ancien monde l’idée de garder les bâtiments eux-mêmes : on voyait bien les difficultés que leur créait d’avoir à réemployer leurs châteaux, abbayes, hôtels particuliers, maisons de gens célèbres. On n’allait pas faire des musées partout. Le sol était bien assez riche des marques qu’il portait. On avançait dans les couleurs, la géométrie, les plaies. On repensait à ce qui les avait intiées : magasin, usine, logement. On franchissait les portes imaginaires, on contemplait l’espace. Un peu plus loin, la ville reprenait. Dans le vieux monde aussi, ils faisaient ça – avec les usines notamment. On ne savait pas exactement combien d’années ou de siècles il faudrait au sol pour se refaire. Et personne n’était pressé. Les enfants aussi aimaient beaucoup jouer dans nos nouvelles ruines – quel terrain d’aventure et de rêve.
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responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 7 février 2013
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