livres qui vous ont fait | j’ai accumulé les Baudelaire

de l’édition Robert Kopp des "Poëmes en prose" chez Corti


Je n’ai jamais trouvé de Baudelaire qui me convienne, sinon l’apprendre par coeur.

J’avais acquis et lu intégralement les deux Pléiade, où les Fleurs du Mal tiennent quantitativement si peu de place. Puis l’édition Imprimerie Nationale, dont j’avais ensuite découpé les illustrations, que je trouvais vulgaires. Belle édition à tranche cuir rouge. Une nuit je l’ai laissée dormir sur la tombe de Baudelaire. Depuis deux ans elle est dans le bureau de Stéphane Bikialo à Poitiers et n’ai pas eu l’opportunité de la reprendre.

J’ai souvent acheté des éditions de poche des Fleurs du Mal, et la plus commode, finalement, s’est révélée être cette édition chinoise à deux euros (ou deux francs ? c’était il y a longtemps), toute mince et pauvre mais où les poèmes étaient tout nus. Je la laissais dans la boîte à gants de la voiture, mais quand j’ai revendu la voiture elle a été revendue avec.

Puis les trois volumes de chez Corti, les Fleurs du Mal, les carnets et journaux, et puis les Poëmes en prose, édition Robert Kopp. Un peu comme si on se retrouvait à conduire la machine Baudelaire soi-même. Les notes, les variantes, les ébauches. Et puis cette épaisseur, comme si Baudelaire s’était mis à écrire de gros livres, ou bien que le livre s’était gonflé à la taille de ce qu’il représente pour nous.

Pourtant, les Poëmes en prose, même si souvent relus en intégral, j’y suis moins attaché qu’aux Fleurs : les Fleurs importent en poésie ce que Baudelaire avait trouvé dans la prose en traduisant Poe, mais quand ça repart dans la prose ça donnera les Illuminations de Rimbaud ou Maldoror, lui était resté trop près de son modèle Aloysius Bertrand, à preuve ces morceaux qu’il n’ose pas publier, comme Symptômes de ruine ou les notes pour L’élégie des chapeaux.

Je l’avais recouvert en plastique souple épais, comme on fait des livres de classe, et en ces temps je mettais mon nom et la date en petit sur la page de garde. J’ai vite appris à ne plus le faire : c’est la première chose qu’écrire lessive en vous-même, que vous soyez un nom et une identité certaine.

Paradoxe : depuis au moins dix ans (non, plus exactement, depuis qu’en 1998 j’avais tout recopié à la main pour cette première édition html de ce texte, sur le site Athena de Pierre Perroud à l’université de Genève, je le lis sur l’ordinateur ou sur liseuse ou tablette, le livre vieillit là sur l’étagère la plus haute, dans l’entassement des livres Baudelaire, mais toujours dans ma pièce de travail, sans varier.

Et sans aucune raison logique ni raisonnable (longtemps que n’ai pas jeté un oeil à l’appareil critique, attentif plutôt au texte seul).

 

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 novembre 2013
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