« prendre » #9 | l’impératif au funambule

cycle hiver 2020-2021, à partir du « Funambule » de Jean Genet


 dans l’habituel dossier téléchargement, un extrait du Funambule de Jean Genet, et les Instructions aux acteurs de Peter Handke ;
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l’impératif au funambule


Résumé de la consigne :

 on reste dans le coeur du cycle : en quoi le geste artistique venu d’une autre discipline peut élargir, fissurer, agrandir notre exercice de la littérature ?

 mais on l’ouvre à un paradoxe : immenses artistes qui ne laissent pas de développement écrit, ou réflexif, d’une implication pourtant novatrice et extrême ?

 de cette confrontation naissent quelques textes rares, et parmi eux, ce registre si particulier des « instructions » — je donne en exemple les Instructions pour monter un escalier et les autres de Julio Cortàzar, mais surtout, plus fréquences, des « instructions aux acteurs » : Edward Bond, Peter Handke (voir dossier fiches imprimables) ou Valère Novarina ;

 mais l’acteur s’exprime par ou avec le texte, les instructions qui lui parviennent par mode langagier sont dans le même média qu’il utilise, et si on rompait avec cela ?

 d’où l’importance pour moi des textes avec portraits d’artistes du Franz Kafka ultime (Le champion de jeûne, Première souffrance, Joséphine la cantatrice des souris), mais de cette singularité extrême qu’est le magnifique Funambule de Jean Genet ;

 dans la vidéo je reviens sur la chronologie de Genet, de sa relation à Abdallah Bentaga, et de la profonde implication de ce texte avec les étapes majeures et de la vie de l’oeuvre de Genet : y penser, mais ne pas s’en laisser déterminer ;

 ce qui serait fondamental pour nous dans le texte de Genet, si bref et lumineux, c’est ce rôle assumé des instructions directes à un artiste qui n’a pas choisi le langage pour s’exprimer, mais tutoie en permanence le vertige, la chute (elle sera réelle, même si postérieure au texte), l’éblouissement de la danse, la fragilité de la permanence : ce que l’écrivain ne connaît pas, hors l’exercice même de sa phrase ;

 texte donc d’une ambivalence à sa mesure : l’emploi des verbes à l’impératif, ou le rôle du tutoiement (donc non plus associé à la forme verbale de l’impératif, mais en tenant le même rôle) qui, lancés au funambule, décrivent ce qu’on reçoit de lui, ce qu’il nous fait rêver et imaginer peut-être au-delà de la conscience qu’il en a, d’autre part valant pour ce qu’il bouscule en retour de la tâche du poète ou de l’écrivain, le risque qu’il lui permet de figurer ou d’assumer, donc chaque phrase tendue vers le funambule comme une allégorie de l’écriture, mais qui s’effondrerait si on la considérait comme allégorie ;

 reste à vous d’élire le plus soigneusement possible l’artiste auquel vous adresserez vos propres instructions : cet exercice dialogue avec tous les précédents (Hélion, Kantor, Gina Pane...) mais les renverse par la prégnance donnée au corps et au mouvement — c’est bien l’impossibilité d’immobilité du funambule qui conditionne la luminosité poétique du texte de Genet ;

 et tout à la fin, proposition sérieuse, à laquelle il pourrait être bon de penser dès la naissance de l’écriture : que votre texte soit destiné à s’insérer dans livre imprimé, qui sera trace de ce qui nous aura soudés dans ce cycle.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 février 2021
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