nos métiers du livre

la semaine en images


Pas mal couru encore cette semaine, au préjudice sans doute de ce qu’il aurait fallu faire, tout seul à sa table.

Du point de vue personnel : rédigé enfin le texte en retard pour l’hommage à Jacques Séréna que préparent les librairies Initiales, rédigé une réflexion sur Georges Sand à la lecture du livre de Michèle Perrot "Sand, politique, polémiques" et ce qu’on y découvre, qui renforce bien sûr la fascination pour cette femme trop moderne pour les balourds de son époque (enfin, deux qui lui étaient très proches : Gustave Balzac et Honoré de Flaubert) ; avancé aussi dans texte de "L’Incertain", toutes choses qui pour l’instant restent du labo personnel, et avancé dans le texte à paraître sur les photos d’Antoine Stéphani dans le Petit-Palais vide, une merveille d’onirisme, en plein milieu de la grande ville...

Et donc LUNDI balade océan avant les 3 heures d’autoroute retour en solo (pas de photos, mais me souviens liste des musiques écoutées). Ce moment où à minuit on coupe enfin le moteur. MARDI premier voyage Paris : Beaux-Arts, avant-dernier cours. J’ai parlé de Bossuet, de Saint-Simon trop longtemps, Chateaubriand ce n’était pas prévu mais ils ne connaissaient pas alors on y va, puis Claude Simon, mais Gracq je n’ai pas eu le temps. Mais pour Claude Simon je me suis concentré sur le Jardin des Plantes, c’était un beau point d’arrivée.

Rue Bonaparte, chaque fois, je passe devant la vitrine du marchand de lettres autographes. Depuis le début de mon cours aux Beaux-Arts, j’y saluais une discrète lettre de Saint-Simon, justement, son écriture fine, l’âge du papier, sa signature. Je me disais chaque semaine : à la fin des cours, je rentre dans la boutique, je demande le prix. Père de famille, on investit plutôt dans l’informatique pour le boulot que dans un papier de 250 ans d’âge. Et puis je préfère être quelqu’un qui sait s’y retrouver à vue d’oeil dans Saint-Simon, en connaît la mécanique du verbe. Et puis aujourd’hui, voilà : il n’y a plus la lettre de Saint-Simon, remplacée par un autographe de Zola, grosse écriture rondouillarde et emportée. Qui a acheté ma lettre de Saint-Simon, à quel prix, et qu’est-ce que j’ai manqué ?

Au coin de la rue, quai Malaquais, la librairie Champion vide. Pour une fois, une fin de librairie qui ne rend pas triste : ils ont déménagé en haut du boulevard Saint-Michel, près de chez Corti, à proximité de la Sorbonne. Mais quand même : dans ces étagères sombres, j’ai acheté, depuis plus de vingt ans, progressivement, toute ma doc sur Rabelais. La littérature médiévale, ou mon Villon, ou mon De Sponde, mon Scève ou les tragédies de Jodelle, ça vient de cette librairie Champion, progressivement, avec les années. Mon dernier achat : les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, dans leur nouvelle édition respectant la ponctuation originale. Sans doute d’ici peu un magasin de fringues aura remplacé cette mémoire de la littérature qu’était la librairie Champion ? Mais j’irai visiter la nouvelle...

MERCREDI matin maison, et l’après-midi la journée Métiers du livre et de l’écrit au Pôle métiers du livre de Saint-Cloud. C’est Patrick Souchon qui organise, lourde charge et pas mal de trac, mais au final c’est 200 lycéens qui pique-niquent sur la pelouse de l’établissement, et Patrick enquête sur les premiers retours des ateliers...

Pendant ce temps, au deuxième étage, on se retrouve comme en famille, Claude Ber et Anne Zali (BNF, service pédagogique), Norbert Czarny un des piliers de la Quinzaine littéraire, et Benoît Conort. Mais interviennent aussi Jean-Michel Maulpoix, Daniel Maximin, Gérard Noiret, Véronique Pittolo, Laurent Grisel. L’après-midi, on planche avec Leslie Kaplan, bon moment.

JEUDI c’est reprise du tournage autour du lycée professionnel Fernand-Léger d’Argenteuil. Après 3 semaines dans les maisons de retraite, nous voici dans une crèche, un peu déboussolés et éléphantesques, dans les petits regards et le grand sérieux de ces mômes minuscules. Pierre Bourgeois a bien du mal à protéger les réglages de sa Tri-CCD... A midi, on revient au lycée, et là, dans la salle des profs où on commence à nous connaître, on plante la caméra sur son pied, et on demande aux enseignants qui passent de venir nous parler, plan fixe, une minute. Les profs de sport, sur le corps, l’eau, les vêtements, l’effort. La prof hygiène environnement sur la question d’autorité, d’encadrement, et si former une fille de 17 ans à l’entretien spécifique des égoûts c’est légitime... Les questions qu’on se pose depuis 4 mois, voilà que soudain c’est la parole de ces enseignants qui s’en charge, dérangeante, exigente. Mais comment on fera tenir tout ça dans nos 52 minutes ? Fin de journée via séance Artaud à l’IUFM Molitor.

VENDREDI matin maison, ménage et lessive, puisque je cohabite juste avec le nageur rockeur de 17 ans et quand même l’ordi au petit-déj, passé aussi relever le courrier à la boîte postale (RAS, comme d’hab, mais faudra quand même que je me décide à ouvrir les enveloppes, trier et répondre au lieu d’empiler depuis 3 semaines : rançon du mail, indifférence complète au courrier postal). En fin de matinée, arrêt à la librairie Le Livre. Notre petite conférence hebdo avec Laurent Evrard sur l’état du monde et celui de la littérature. Les bonnes surprises dans ce qui sort (un essai sur le Journal de Kafka, chez Verticales le beau livre de Jean Delabroy, juste sur le devant de la table, qui se vend bien), moi je tourne autour du Pléiade Stevenson, mais bon, ça attendra.

L’après-midi, petite heure de TGV, ordi sur la tablette, ça aussi c’est uen sorte de rythme organique. Pour rejoindre directement Normale Sup, je descends métro Saint-Jacques, et je tombe directement sur l’arrière de la prison de la
Santé. Immuable architecture. J’y étais entré en 1985, ou printemps 1986. Un article publié dans Libération, mais c’était avant l’informatique : je n’en ai plus la trace, j’ai jamais été doué pour les archives, et Libé commence ses archives consultables en ligne en 1995. Pourtant, je m’en souviens comme d’hier, des bruits de clé de la Santé.

Trois heures avec le petit groupe de Normale, on travaille sur le rythme graphique de la poésie, et la notion de vers dans l’intérieur d’un paragraphe. J’ai apporté Conort, Sacré, et tout un paquet de livres d’Antoine Emaz (à part "Os", le dernier, ils ne sont pas bien épais, les livres d’Emaz, inversement proportionnels à la dureté et la raucité des contenus...). Au moment de partir en écriture, je demande à Klaus de nous lire un peu de Paul Celan. Une de nos plus denses séances, j’attends les textes. Ces expériences me sont d’autant plus nécessaires en ce moment qu’il s’agit de réviser Tous les mots sont adultes pour l’édition refondue et augmentée que je souhaite l’an prochain. Alors, merci, les Normale Sup, de jouer les cobayes. Avec Emaz c’est comme tripoter des couteaux.

Puis je ripe en taxi. Rendez-vous Maison de la radio. Auditorium 106 comble. Plein de visages amis. On se relaie pour lire des textes à l’intention de Florence Aubenas. Marie Darrieussecq fondra en larmes en lisant le sien. Il y a Sylvie Gracia, Cécile Ladjali, Christine Angot (le mot "risque", le mot "corps", elle m’impressionne toujours, elle que je connais depuis son premier livre Vu du ciel, dans sa façon tendue de se lancer dans un texte), et Jean-Philippe Toussaint, Alain Veinstein... Surtout, plusieurs proches de Florence Aubenas : François Reynaert, Mathieu Lindon, Macha Makeïeff tentent de dire le drame qui les traverse par un rire ou un sourire qui leur est légitime, et par lequel tout d’un coup l’absence, l’absurde, la barbarie, deviennent infiniment présents et concrets. Sur remue.net j’installe mon texte et celui de Sylvie, plus adresse pour réécouter l’émission.

Photo du haut : ouverture par Sophie Calle, qui a lancé l’initiative, une proche elle aussi de Florence Aubenas.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 avril 2005
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