mon grand voyage à Melle
(les 4, 5 et 6 juillet 2003)

retour François Bon, journal images

je pars de Tours vendredi 4 juillet à 6h, 1h30 d'autoroute pour Saint-Maixent, et quelques kilomètres de campagne, j'arrive directement sur l'indication "CAT", c'est là que de 8h à 17h, accompagné par Sylvie et Marie-France de la bibliothèque municipale et de l'association "Lire à Melle", nous allons partager l'écriture, le repas, l'amitié avec 17 menuisiers ou conditionneurs du centre... Les textes sont magnifiques, émouvants, avec de soudaines fractures d'intensité - on aura du mal, au bout de la journée, à déjouer les mains (ci-dessous Jean-Luc, qui m'a accueilli, et Frédéric) - sur les murs du réfectoire, les photographies de Jean-Louis Schoellkopf, les mêmes, posant près de leurs machines. On aura travaillé, au cours de la journée, respectivement à partir de Perec, Seî Shonagon, Juliet et Novarina : et pour moi le constat, comme à toujours repousser la frontière, quand un atelier marche, qu'il y a confiance, des possibilités explosives de nos techniques, d'un continent encore largement à découvrir ou inventer.

On est vidés le soir, eux et nous, mais le repos sera bref, puisqu'on se rend au garage Renault de M & Mme Guibert, qu'on aménage, chaises, quelques baladeuses sur les outils, un écran, pour qu'à 22h, la nuit tombée, avec projection depuis le Mac, je fasse une lecture de Mécanique. Il se trouve que la route qui passe devant le garage est celle même, la D 136, qui articule tout le livre, si longtemps pratiquée dans l'enfance, et que les odeurs, les objets qui nous entourent sont ceux que cite le texte - plutôt troublé et touché, l'auteur.

drôle de ville, on longe le soir le bâtiment à peine éclairé de la maison de retraite, on monte un escalier de béton, on suit un couloir jaune carrelé, et vous voilà dans l'appartement de fonction du directeur: verres, chaleur, et les milliers d'ouvrage d'une bibliothèque monstrueuse et folle, une bibliothèque de collectionneur, avec son enfer, ses perles rares, ses dictionnaires étranges, ses réserves d'art : on a toujours tendande, dans nos provinces calmes, à trop se fier aux apparences - résultat, on n'en sortira pas avant 2h du matin, encore le lendemain matin on aura Jacques Polvorinos comme guide dans les rues de la petite ville (lui-même ci-dessous avec Jean-Luc Terradillos, parmi ses livres de découvre la biographie de Roussel par François Caradec, que je cherche vainement chez les bouquinistes depuis bien longtemps, et les Journaux et carnets du peintre Hélion, dont je fais aussitôt la phrase du jour de remue.net)

le lendemain, c'est pour Rabelais - parler de sa vie, et de l'oeuvre, à la bibliothèque municipale, le samedi à 15h, et lecture de l'oeuvre carrément dans les Halles, sur la place Jacques-Bujault, plein coeur de Melle, à 18h30, avec les cris des étourneaux, la grande résonance des verrières, le soleil qui décline tout le temps de la lecture (1h la conférence, et 1h40 la lecture...), avec le reste des odeurs de ce temple de l'échange parmi la communauté - parmi les visages sur les chaises rouges, il en est venus de La Rochelle, de Poitiers, et même à moto de Tours

dans les moments de creux, l'auteur récupère à l'hôtel des Glycines (le seul du centre ville, il n'y a pas à se tromber) - le temps de brancher le Mac sur la prise du téléphone pour le courrier, ou les dernières corrections de l'article qui doit paraître lundi dans Libé, et pour se regonfler, rien de mieux que d'affronter la Gibson J30, pour une fois qu'elle a pu être du voyage - au loin par la fenêtre, par dessus la vieille maison très notariale qui aurait fait plaisir à Michel Chaillou (qui a publié Mémoires de Melle il y a une dizaine d'années), l'usine Rhône Poulenc qui m'impressionnait tant, enfant, lorsqu'elle profilait ses lumières de nuit dans les phares de la Citroën paternelle

le festival s'appelle "L'art d'être au monde" - Dominique Truco, qui le coordonne, a proposé à une quarantaine d'artistes d'investir les vitrines, magasins, ateliers, de la boulangerie au fleuriste, du garage à la pharmacie, ou comme Denis Montebello, l'agence immobilière - ci-dessous, Paul Armand Gette a travaillé avec des lycéennes et des étudiantes des Beaux-Arts de Poitiers sur le vieux lavoir médiéval, et du coup a investi aussi le pressing - et tout ça, lycéennes et machines à laver, est très à l'aise au tribunal d'instance !

à signaler, même rue en face, magnifiques photos de paysage de Marc Denoyer - tout le rapport art / réalité en est déplacé, et dans chaque signe de la petite ville on guette désormais la main de l'artiste – on trouve formidable l'intervention plastique de la vitrine du coiffeur

et pourtant non, c'est juste la réalité, on repense à Breton, s'il était passé par ici en allant de Nantes à Saint-Cirq Lacopie... on est dimanche midi, on revient à notre base logistique, le café de Stéphane, le café du Boulevard : croyez-le ou non, à 15h, ce dimanche après-midi de province, plus de quarante personnes seront là tandis que je lirai Franz Kafka, Antonin Artaud, Georges Perec, pour finir avec Beckett - ma seule réflexion à la jeune journaliste de la Nouvelle République : "Pendant trois jours, que des choses que je n'avais jamais faites, qu'on ne m'avait jamais demandé de faire..."


à noter que le café de Stéphane sert aussi de cybercafé, de lieu permanent d'affichage, qu'il y a dans un coin un piano et une sono : ça s'appelle la vie, non ? c'était mon grand et fabuleux voyage à Melle, trois jours durant, et programme lourd – merci aux organisateurs (ci-dessous, elle est pas belle, ma photo tout en flou de Dominique Truco et de Jean-Luc Terradillos ?)

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