#40jours #prologue | le soupirail

Au bas d’un immeuble cossu de la rue Gobineau, au rez-de-chaussée, une grand-mère innocente arrose des géraniums, sous sa fenêtre, au ras du sol il y a un soupirail, peint en beige, quelques trous y ont été faits : des soupiraux, un soupirail, il y a bien une preuve que les enfers existent, il suffit de vous promener dans une ville, de regarder le bas des façades, derrière ses petites plaques métalliques trouées, il serait étonnant que vous n’aperceviez pas des ongles noirs sortirent par les petits trous. Ne vous approchez pas, rien ne permet d’être sûr que la plaque est correctement fixée. Il y a des soupiraux montés avec des charnières invisibles, les gens, les chats qui disparaissent, sont avalés par les monstres qui vivent en dessous, ne vous approchez pas des façades.

C’est un creux dans la paroi que j’aperçois à un mètre du wagon, un trou noir dans une paroi noire, il est entre la station Alésia et la station Mouton-Duvernet du métro parisien, ces cavités sont espacées de manière régulière, pour permettre aux agents de la RATP de ne pas être écrasés par la rame: cette cavité est particulière, quelques fois, j’y ai vu un œil rouge, un point fixe, autour de cet œil il y avait une masse sombre. La lumière qu’émettait l’œil était instable, presque clignotante. Un jour suite à une panne, je me suis retrouvé face à cette cavité, protégé par la vitre de la rame, mais il n’y avait rien, la bête avait du grimpé au plafond avec ses pattes, je sentais qu’elle était au-dessus de la rame. Elle attendait que la rame parte pour reprendre son poste de guet. Je ne sais pas combien sont payés les agents de la RATP, je sais qu’ils ont un certain nombre d’avantages, mais comment font-ils pour dormir quand ils voient la bête noire.

J’aime ce petit chemin à Perigny, il longe le stade, puis une ferme et après des champs sur quelques kilomètres, j’y vois souvent des lièvres, quelques biches, il y a du brouillard, sur la photo que j’ai prise, tout est gris, on devine l’espace : le brouillard modifie notre vision du monde, mais il modifie aussi notre écoute du monde, ce jour-là, je n’ai rien vu, j’étais avec mon chien, il me rassurait, mais lui et moi, on a entendu, alors on a fait demi-tour, je crois qu’il avait plus peur que moi, ce feulement sourd, ce bruit de branches cassées, cette course lourde, je les entends encore certains matins d’hiver, cet être a eu peur comme nous, la communication va être difficile.

A propos de Laurent Stratos

J'écris. Voir en ligne histoire du tas de sable.

4 commentaires à propos de “#40jours #prologue | le soupirail”

  1. Il y a de la magie dans l’air et les portes de l’enfer sont ouvertes, top!

  2. Cette bête à l’œil rouge à Mouton-Duvernet, je la guetterai. Frissons garantis.