#40 jours #11 | coq à l’âne

Certains matins je pose le pied sur le sol avant que le deuxième ne le rejoigne. Il s’agit d’une habitude quasiment quotidienne. Le buste droit (dos légèrement rond), jambes posées à l’équerre sur le bord du lit. J’attends un moment que quelque chose se passe. Je regarde dehors le temps qu’il fait déjà. Je connais mon itinéraire. Je traverserai la pièce pour rejoindre d’abord la salle de bain. Je remplirai le fond de la cafetière de quelques cuillères de café en poudre. Je remplirai la bouilloire électrique de la quantité d’eau correspondant au volume de la cafetière. J’enfile une tranche de pain dans la fente du grille-pain et j’appuie sur le levier vers le bas pour engager la chauffe. La tartine est bloquée quelques dizaines de seconde sous la surface. J’aperçois les tubes du grill incandescents. La remontée de chaleur arrive sur mon visage. Je m’écarte. J’enclenche le petit bouton rond qui allume la radio. Les informations matinales arrivent, les premiers débats s’engagent. Les arguments captent mon attention. Je prends parti, tirée hors du mélange de brume et d’engourdissement où j’ai posé le pied au sol. Le temps de chauffe du grille-pain arrivé à terme. Le chariot retenu près du grill, une fois le ressort lâché, déclenche un tremblement de l’ensemble des pièces de la machine. La tartine a sauté. Il n’en faut pas plus pour éveiller derrière le quadrillage de lignes rouges sur le métal blanc de l’appareil l’arrière-pays d’un kangourou bondissant ou d’un écureuil sautillant affairés – eux aussi – à se nourrir.     

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

10 commentaires à propos de “#40 jours #11 | coq à l’âne”

  1. Lu à voix haute à petit monstre numéro 1, toute contente de retrouver le Kangourou aperçu peu avant dans la photothèque près à bondir,
    C’est quoi ça mamie,
    la photothèque
    Non le kangourou
    ta matinée perdue en routine et espoir de mouvement est très chouette,

    • Merci Catherine. Chouette ce partage autour du texte. Je réponds un peu tard, c’est déjà loin maintenant…

  2. Du grille-pain au kangourou : visions et sensations du matin !
    Merci, Nolwenn, pour ce coq-à-l’âne !

  3. je regarderai le grille-pain différemment la prochaine fois. Merci de ce moment de lecture.