Carnet individuel # Loulou Wang

Jour 01# Une île imprévue

Île Restaurangholmen

Au l’Est du Parc Monceau de Paris, dans le Musée Cernuschi, après pousser la porte de première salle, une calligraphie suspendue, en forme de Zhong-tang 中堂 qui se trouve à Kang You-Wei 康有为(1858-1927).

Après l’échec de la Réforme des Cent Jours 戊戌变法 en 1898, il fut parti en exil, errant dans 35 pays. Tous ses voyages, surtout ses passages en France, Allemagne et Italie furent portés ses notes de voyage très détaillées, dans lesquelles ils compara la culture entre la Chine et l’Occident en profondeur.

Jusqu’à en 1904, sur une petite île sauvage de Suède—Restaurangholmen, il sentit que son paysage fut similaire à celui de la Chine. Où il paya vingt-huit mille couronnes à bâtir un village nostalgique, une chaumière 北海草堂 gardée par une paire de lions de pierre. 

Quand nous passons en face de son oeuvre, le médiateur du Musée nous a just demandé de faire attention au pinceau, chauve et peu chargé de l’encre.

“ Il est un calligraphe différent que les anciens maitres chinois. C’est la modernité ! ”  “ Ah oui, très intéressant. ” J’en ai entendu. 

Nous passons son oeuvre sans savoir qu’il est —— Kang You-Wei, ni a fortiori ses dizaines d’ouvrages. Dans cette salle sophistiquée, des pictogrammes impossibile à lire ni à juger sa qualité esthétique, une vie épique est simplifié en un matériel— un pinceau chauve.

Jour 2# Si loin,si loin.

今天我看着这幅画流泪了。当我在ipad上逐渐放大了中间的线条,我觉得他画的太好了。我何时才可以追赶上。

画的左边,画家倪瓒的题字,老懒无宗,笔老手倦,画止乎此,尚不合意,千万勿罪。懒瓒。

中间是乾隆皇帝的题字,他虽然自负甚高,到处题字盖章,但也把自己的字缩小了,把主要的位置留给作者。实际上一幅长卷,谁看过这幅画,谁收藏过,提笔写在上面,后人慢慢展开,就相当于看一个展览。

古书上记载了这个画家很多小故事,他有洁癖。比如他要求佣人每天用水擦拭院子里的一棵树木,直到有一天树木被清洁死了。比如他的佣人挑水回来,他只许用扁担前面的水煎茶,用扁担后面的水洗脚。别人问他为什么,他说怕后面的水被屁熏臭了。他最著名的故事,是他曾经迷恋上了一个歌妓,招其到家,一番歌舞表演后,两人上床,但倪瓒从头闻到脚,命其去洗澡,姑娘洗闭后,倪瓒心里的恐惧还是无法消除,又令其洗澡。如此一夜,洗了又洗,两人终究没有做爱。画家从此成为整个城市的笑料。

画家的人生的命运有两个版本。第一个,元代覆灭,明朝开始,开国皇帝出身农民,讨厌倪瓒的洁癖,更讨厌文人的高洁,于是抓铺了倪瓒,把他扔进了猪粪池子淹死。而第二个版本,画家嫌弃世事的肮脏,散尽家财,卖掉所有,换得一叶扁舟,漂流于太湖之上,从此过上隐居的生活。

Jour 3# Il aurait fallu

倪瓒的山水多寒山瘦水,萧疏林木

萧林瘦水

怪石绿竹,略其意趣,造型简单,重复之嫌。

他画竹子,题字,说他是竹子可以,说是芦苇,桑麻也无妨,外在的物像形式并不重要。

提纯

绘画的历史,文艺的历史,心灵的历史,每一张画,是人类经验的一个瞬间。瞬间的永恒。

笑拂眼前石,行看海底尘。

Jour 04# Phrase de réveil

Calligraphie par LoulouWang. Collection privée

Il faut se salir les mains, faire et refaire sans cesse. Laisser notre cerveau comme un observateur. Comme l’abeille recueille le nectar sans abîmer la fleur dans sa couleur et dans son parfum.
Faire et refaire sans cesse. Comme les ermites composaient des chants spontanés.
Profond, serein, velouté. Sous l’aube blanchâtre ouaté.

05# Ciel du lundi

En 2014, je suis venue à Paris, la seule asiatique cette année à ENSAPC. Une nouvelle vie incapable de communiquer, un sentiment d’inutilité.

Un matin, une fille venait à mon atelier et m’a offert une table singulière pour arranger mes affaires. Cela m’a étonnée comme un cadeau très gros. Plus tard, j’ai réalisé qu’elle l’avait pris sur la route à Cergy. 

Un soir après l’école, elle m’a emmené dans la forêt. Rien que nous deux au bord, “ Fermez les yeux Loulou. ” Elle me tenait la main. J’ai entendu les murmures d’oiseaux et de petits animaux. Quelquefois, des petites gouttelettes d’eau tombaient sur mes cils. Dans l’obscurité, je l’ai suiviais, en escaladant un sentier de Cergy. 

“ Loulou regard ! ”. Enfin j’ai ouvré les yeux, devant nous une bordure lumineuse courut dans le noir. Lueurs fugaces. C’était le R.E.R, défilait entre notre école et Paris, que nous nous asseyions dedans tous les jours. De ce moment d’éphémère, notre oeil étincellait de joie sans mot, comme chaque étoile scintillait dans le ciel. 

06# Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que

Peinture de Loulou Wang

Mon visage est mon premier tableau de la journée. Comme une peintre, se maquiller, ce n’est pas pénible. Je commence par des sourcils, avec un pinceau carré d’une poudre souple, un peu plus claire que mes cheveux. Cependant au bout des sourcils, je change en crayon foncé précis, afin de consolider la courbe et les confins. Ensuite, j’appuie sur la poudre de rose sèche, avec un index, délicatement frotter sur les paupières mobiles. Mais ce n’est pas assez. Sur le coin interne de l’oeil, un petit peu de paillettes dorées, comme la libellule qui rase la surface de l’eau, sera préférable.

相 Xiang ( Physiognomonie ), est l’un des cinq arts de taoïsme traditionnel chinois. Elle juge principalement des traits faciaux afin de spéculer sur le sort d’une personne. Mais la modification extérieure ne change pas l’essentielle dans cette théorie.

Au métro parisien, un berceau de l’imbrication des divers cultures, le fard à joues des filles japonaises est le plus évident; les filles coréennes ont mis le fond de teint le plus clair; si vous rencontrez une fille asiatique non maquillé, c’est probablement du chinois; qui rend les yeux foncée et fumées, une peau bronzée, elle est française. En fait, ce n’est pas comme ça que je compte sur eux. Je me fié à l’intuition, difficile à décrire.

De là où je vis depuis 2015, Neuilly-sur-Seine, une femme asiatique est plutôt rare, que sinon à mon observation être femme de chambre ou baby-sister. Dès le début, j’avais compris que porter bien maquillages à Neuilly, me permettre plus de respect et les choses seraient plus facile à dérouler. Parfois, quand je retour dans le métro parisien, dans la voiture vacillante, mes yeux tombent sur une visage asiatique, parallèle à la mienne, d’où j’imagine notre vie en commun. Maquillée ou non, une fleur épanouie, insoumise.

07# Chaque visage un trait

“ …Quelqu’un au creux de sa main un oiseau blessé qui remue encore… ” Peinture de Loulou WANG. Encre de Chine, Acrylique

Quelque part quelqu’un est maniaque des rituels de lavage  Quelqu’un a chopé le syndrome Gilles de la Tourette  Quelqu’un a nosphobie du Covid et du microbe Quelqu’un chant Quelqu’un insulte Quelqu’un traîne une valise et marche au bord du désert  Chez quelqu’un il n’y a aucune nourriture dans le frigo  Quelqu’un pleut  Quelqu’un ajouté le Dazzle Club Quelqu’un dort comme un loir  Quelqu’un danse Quelqu’un est brusque Quelqu’un habité dans un bâtiment austère Quelqu’un présent un double bipolaire Quelqu’un tombe dans la profonde tristesse Quelqu’un en bonne humeur Quelqu’un parle sans arrêt  Quelqu’un coupe la parole aux autres Quelqu’un rappellera à d’aucun le souvenir du film après lendemain Quelqu’un se répète sa dernière syllabe labe labe labe labe labe labe Quelqu’un au plaisir | Quelque part quelqu’un remettre ses bibliothèques en ordre Quelqu’un a guéri du SARS-CoV-2 Quelqu’un assis devant la télévision de regarder un match de tennis depuis trois heures Quelqu’un faire sa valise Chez quelqu’un il y a deux espadons les tomates le poivron l’oignon et l’ail au four en griller Quelqu’un rit Quelqu’un a installé une caméra de surveillance dans le salon Quelqu’un est taciturne Quelqu’un rit à en pleurer Quelqu’un au sentiment de culpabilité de sa difficulté à se concentrer Quelqu’un assiste aux obsèques  Quelqu’un à la flemme d’aller au supermarché Quelqu’un est laid et prosaïque Quelqu’un c’est un ravagé banal Quelqu’un dit JE  Quelqu’un ferme Google Quelqu’un tricot Quelqu’un a la rage de dents Quelqu’un veut du thé Quelqu’un veut du café Quelqu’un veut n’importe qui aime les deux Quelqu’un boit un Whisky au comptoir Quelque part quelqu’un est dans une petite clairière tendant l’oreille vers le vivant le chant d’oiseaux et la stridulation d’insectes Quelqu’un est pâlichonne Quelqu’un écrit sa sensation dans son journal Quelqu’un dessine dans un autre carnet de champignons bons et de champignons mortels Quelqu’un à un beau sourire Quelqu’un est près de rencontrer un extraterrestre et avoir l’amnésie  Quelqu’un au creux de sa main un oiseau blessé qui remue encore  Quelqu’un son corps est un livre exorcisme  Pour quelqu’un l’amour est Hapax qu’une seule fois Quelqu’un rame à travers mers et désert Quelqu’un est hors du commun Quelqu’un promenade dans la pinède exhume son passé n’est peut-être qu’articuler “Et pourquoi étions-nous venus là ? ”

19 commentaires à propos de “Carnet individuel # Loulou Wang”

  1. à propos du tableau, ça m’a fait sourire, j’ai entendu hier, sur des vieux films de famille, la voix off de mon oncle qui filmait le visage de ma mère : « Pierrette en train de se peindre… » (elle se maquillait).

  2. textes sensibles
    une belle leçon de maquillage
    un texte beau à voir sans même le comprendre

    • Merci Huguette. La leçon d’ici n’est pas complète, mais je vous jure que ça fait du bien 😊

  3. oui la notation du pinceau chauve (si longtemps, presque immémorial que n’ai pas mis les pieds et les yeux dans ce musée)
    oui à la fleur insoumise (tiens Neuilly ma seule époque maquillée – al – à cause d’une tante qui y habitait (désolée je n’aime pas Neuilly 🙂
    mais j’aime les phrases qui notent juste (alors merci)

  4. 有人上网,读你的文章, 有人激动,有人看这些字, 心里听汉语的音乐。
    有个地方, 沙漠的地方,撒哈拉的小城市,刮大风,晒太阳,也有三毛作家的魂灵, 太巧了。。。
    谢谢你Loulou Wang

    • Quelqu’un vis dans l’hiver de Paris, quelqu’un récite un poème de Baudelaire: La Nature est un temple où de vivants piliers
      Laissent parfois sortir de confuses paroles…

      Merci Isabelle 🙂

  5. Merci pour la richesse de tes textes. Je pratique le Yi Jin Jing, consulte parfois le Yi Jing et depuis quelques mois j’apprend le Dong Xiao. C’est donc avec un grand plaisir que je viendrai te lire. Il y’ a un poème de Du Mu gravé sur ma flûte dont j’aimerais bien connaitre ta traduction. Merci encore.