Désordre aimé.

J’ai pas aimé. Etre obligé, dégagé.

J’ai accepté. Obtempéré. Mal obligé.

J’ai attendu la fin du jour. J’ai pas dormi.

Dès le début. J’ai mal débuté.

J’ai écouté Madame Butterfly. Ecouté par elle. Elle m’a enchanté.

J’ai lâché. Résister au sommeil. Refuser.

N’être pas amouré, aimé pour autre, aimé pour combler.

Compenser.

J’ai entendu gueuler. S’engueuler. Crier. Se crier dessus.

Se chier dessus.

J’ai aimé fermer les yeux. Pour n’écouter pas. Rien.

Alors j’ai supposé que supporter était respirer.

J’ai été opéré. On m’a retiré. J’ai été allégé. Cicatriser.

Ai été touché, peloté, caressé, léché, visité.

Me suis essuyé. On m’a essuyé.

J’ai pas aimé. J’ai oublié.

Effacer. Gommer. Cacher. Taire

J’ai maladé, maigri, ventré.

Mes nœuds se sont noués. Mes tripes se sont murées.

Arrêté d’étudier. Hospitalisé. Eté. Fouillé analysé inquiété.

J’ai pas aimé.

Alors je me suis développé là partout. Dans tout le corps qu’on ne voit pas.

 Où on va pas. Bien.

Où il y avait de la lumière. Où ça parlait gentil. Où ça féminisait.

Où ça maternait sans mère.

J’ai développé des mémoires vides pour exister plus tard.

Je dirai plus tard si j’ai aimé.

Me suis senti pousser des pattes, des pattes à marcher courir tomber croiser.

J’ai tiré sur mes pattes mes membres jusqu’à me démembrer.

Cassé le pied. Clopiner. Copiner avec ce qui passe se couche ouvre crie.

J’ai infecté ma langue. Médicamenté. Craché.

On m’avait briqué pour reluire pour présenter pour être propre sentir bon.

On m’a nettoyé.

Je me suis nettoyé parce qu’on m’avait demandé et que je voulais être aimé.

Raté. Aimer être raté.

Alors j’ai grandi de plus en plus petit.

Mon intérieur s’est effondré. De manquer.

J’ai aggravé des sommets. Fallait raboter ! Egaliser ! Aplanir !

Ça dépasse ? Efface !

Jamais atteint le bon gouffre, jamais visité aux heures de visite.

Gravi chaque échelon en chutant.

Alors j’ai foudroyé mes terminaisons. J’ai grossi.

Me suis augmenté pour impressionner.

Peut-être j’ai un peu aimé. Me mésestimer.

Me détester. Me peser. Me déformer.

Ma tête s’est lavée, s’est pendue, s’est parlée, s’est coupée.

J’ai dégagé de toutes parts. J’ai réparti les miettes.

Ça m’a solidifié, solennisé.

J’ai cru jouir de vivre, je jouissais d’espérer vivre rire, vivre jouir, vivre écrire.

J’ai cru dur comme faire. Figurer. Faire bonne figure.

Je vivais. Je vivais de rien. Tellement.

Je vivais de naître un jour enfin.

J’aimais. J’aimais rien branler foutre entasser les heures et s’en foutre.

Je devisais seul. Avec moi. Sur moi. Je m’aimais con nul petit flou.

J’ai déconné. J’ai fauché. J’ai etcétéré etcétéré etcétéré.

Alors j’ai aimé quoi ?

Etre amoureux. J’ai aimé être amoureux et être l’objet d’être amoureux.

J’ai désiré d’être désiré, j’ai aimé être le sexe d’être baisé.

Alors qui est arrivée ?

La forêt s’est présentée. M’y suis engoncé enfoncé ré-enfanté enchanté.

Ah. J’ai aimé. J’aime, je n’aime que forêt.

Je finirai par me déforester par la fenêtre.

J’ai écoulé des années.

J’ai écouté les années.

J’ai écourté mes années.

A propos de Claude Enuset

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6 commentaires à propos de “Désordre aimé.”

  1. Très émue par votre texte. Intimité et distance.
    « J’ai développé des mémoires vides pour exister plus tard » , et si vous développiez dans un autre texte cette phrase énigmatique !