Généalogie disparate

Celui qui, ne cessant de répéter « parce que c’était lui, parce que c’était moi », n’a jamais que cherché l’Ami.

Celle qui a fait les bonnes écoles. Celle qui déposait une goutte de parfum au creux de ses poignets.

Celles et ceux qui formaient une masse sauvage et indifférenciée dans les faubourgs de Paris, tronches mal rasées qui ne se réalisaient que dans la bière et la baston.

Celui qui, aventurier un peu con, s’est empalé sur une corne de rhinocéros en Afrique.

Celle qui abusait de la faiblesses des vieux et à qui il a fallu coller un procès au cul.

Celui qui roulait des pétards même sans s’en rendre compte.

Celle dont la voix stridente offrait un abri contre l’orage, et s’y blottir comme dans des jupons.

Celle qui, peu aimable, a eu un chat et une carpette.

Celui qui portait haut la gueule et le rock’n’roll, mais s’est encastré dans le confort.

Celle qui dansait sur Love me two times.

Celle au visage italien qui, pour survivre au père, s’est éloignée de la musique.

Celui qui, écrasé de même par le père, n’a jamais su fuir avec élégance. Celui qui est resté dans la musique.

Celle qui donnait l’impression de n’avoir pas vécu, mais cachait des secrets sous l’alzeihmer. (Et c’est un enfant aujourd’hui qui aimerait s’en souvenir)

À Orly, celui qui fumait des clopes et parlait aux avions.

Celui qui était flic et pour qui les jeunesses juives étaient de véritables milices. Celui qu’on a aimé pourtant, et aujourd’hui, comment l’aime-t-on ?

Celle qui n’a jamais rien lâché, fiable, même à présent devant l’hospice. Et aujourd’hui, comment l’aime-t-on ?

Celui qui mystérieux, mort avant ses parents, mauvais père, faisait de la planche à voile quand il avait les cheveux longs.

Celle qui n’a jamais su construire une maison pour ses fils.

Ceux à qui, par égoïsme, on n’a jamais rien refusé et ne s’en sont jamais remis. Ceux-là qui aujourd’hui ne savent même plus rêver.

Inoubliable, dans le souvenir celle qui était une souris violette.

Celui dont on a explosé la lèvre un jour de colère ; celui avec qui, contre toute attente, éprouver l’amitié.

Celle aux cheveux gris-courts qui pédalait dans la côte.

Celui qui forme un bloc si dense que des phrases ne sauraient fissurer. Celui qui ne se tenait que sur une seule jambe. Celui qui devrait vivre sous l’eau. Celui qui n’a jamais pleuré. Celui dont on imagine qu’enfant, il a pleuré plus que quiconque. Celui qui connait la différence et l’a faite orgueil. Celui envers qui l’on ne connait pas la dette.

A propos de Thomas Terraqué

Né vers l’Ouest, juste après le début de la fin.