#histoire #10 | Non, elle est comme tu ne la vois pas

Non, voilà comme elle est : rejetant les pères, dominée par les chiens, perdant des pierres et traînant des radeaux.

Non, voilà comme elle est : gravant dans le dur du bois des clous de papier fin, dessinant dans la mer des ronds et puis des lignes, sautillant d’île en île, elle grave sa carte à elle sur tout ce qui s’efface, des images en couleur avec le noir et blanc

Non, voilà comme elle est : amassant tout ce qui flotte pour pleurer tout le reste, tout ce qui ne flotte pas

Non, voilà comme elle est : entassant les souvenirs et rejetant le passé, se voulant juste une âme et pas seulement une femme, aboyant, hurlant, beuglant dans chacun de ses murmures

Non, voilà comme elle est : rejetant tout à la mer, elle voudrait la boire toute pour que le fond de l’eau rende tout celle qu’elle a pris

Non, voilà comme elle est : nourrissant les oiseaux et nourrissant les chats et nourrissant les chiens et rêvant que tous ensemble ils arrivent à s’entendre comme se mangent les poissons

Non, voilà comme elle est : noyant tout dans la mer, tout absolument tout, jusqu’à pouvoir penser qu’en flottant elle se noie

Tu la vois et tu ne la connais pas.

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

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