#double voyage | ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom

#0 j’aurais acheté des fruits inconnus

#1 frontière avant après

#2 malade de partir malade d’arriver

#3 armée de serveurs en veste rouge grenat

#4 panne en forêt

#5 plan pour se retrouver

#6 elle dit que

#7 explorer dans la lenteur

#8 Paul l’australien

#9 ce qui se raconte sur la terrasse de Parang Kusumo

#prologue | j’aurais acheté des fruits inconnus

j’étais à Paris, je marchais dans les jardins du Luxembourg aux côtés de Djil de Kabylie qui venait d’écrire un livre sur son frère ennemi

j’étais à Préfailles à quelques kilomètres du lieu de ma naissance, je marchais en compagnie de mon père vers le cap rocheux sans parler, le vent était fort sur l’estuaire, il annonçait la montée des eaux chantait l’inversion du flux brassait les chuintements les élans de tout un océan et nous nous taisions de cette puissance qui se manifestait autour de nous

j’aurais été à Vancouver ou à Valparaiso, j’aurais marché au long de la mer avec un compagnon de fortune, un voyageur connu par hasard, on se serait enflammés pour l’aspect sauvage des îles vertes ou pour le pittoresque d’un ciel brûlant derrière les hautes maisons riches en couleurs

j’étais à Helsinki, je marchais dans la lumière déclinante d’une fin septembre, les arbres des parcs et des îles déjà tout gonflés d’ambre et d’écarlate

j’étais à Katmandu, je marchais entre les temples, achetais une statuette en bois aux traits mal définis qui me parlait de l’origine, découvrais à chaque pas les coupelles de lait et de miel et les pétales fluorescents déposés au pied des yoni-lingams et des statues de pierre en guise d’offrandes

j’étais à Londres, je marchais dans un parc sous la pluie avec la faim au ventre, tout était cher dans cette ville et je n’avais que peu, venue en bateau depuis Cherbourg

j’aurais été à Bangkok ou à Manille, j’aurais marché dans les rues bruyantes en quête d’un havre, j’aurais marché seule longtemps au flanc des échoppes jusqu’au marché flottant de Taling Chan où j’aurais acheté des fruits inconnus, j’aurais regardé les pirogues et la nuit qui tombait

j’étais à Cherbourg, je marchais sur les quais avec mon amie de fac, en ce temps-là nous deux si jeunes, démunies mais folles et riches à découvrir le monde à notre gré et en totale liberté, on avait vidé nos poches, compté nos pièces, commandé une tasse de lait chaud au bar en attendant le bateau, départ repoussé on ne savait quand, la mer était trop forte

j’étais à New-York, je marchais sur l’une de ces avenues interminables, j’ai oublié tous les noms, tous les visages, la chaleur nous plaquait au sol, faisait fondre la poussière

j’aurais été à New-York, j’aurais marché de l’autre côté de la ville pour la voir de loin comme dans les films, un homme m’aurait abordée avec douceur, on aurait fait un tour en voiture comme dans les films, les buildings auraient dessiné une ligne contre le ciel pareille à une ligne de crêtes

j’étais à Salvador de Bahia, je marchais dans la haute ville, le port tout en bas, les plages, la mer, les îles tropicales, la mouvance de l’air, les rapaces planant, les odeurs de friture, les banderoles des écoles de capoeira, toujours en arrière la musique obsédante des tambours

j’étais à Sumatra, je marchais à travers la mangrove, écoutais le feulement des tigres, frappais l’herbe avec un bâton pour faire fuir les serpents, les jungles envoûtantes effrayantes s’étaient épaissies de cendres, en fait je me trouvais dans l’ombre de mon passé à des milliers de kilomètres de ma vie ordinaire

j’aurais été à Lisbonne, j’aurais marché en direction du Tage pour voir le soleil se coucher, une fois le noir venu j’aurais cherché la maison d’Helena, j’aurais pensé à Pessoa et à sa tristesse d’homme

#1 la nuit d’avant | frontière avant après

La date est soulignée en couleur sur le calendrier, inscrite dans son cerveau depuis longtemps. Calme plat, jours écoulés, encore une nuit. Depuis quelques temps l’air est doux, il a tendance à endormir ses pensées.

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Coup de vent vers minuit. Ça n’était pas prévu, un volet claque, elle entend des objets rouler sur la terrasse. Le sommeil ne vient pas.

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au fait où irais-tu ? dans un pays juste à côté ou tout au bout de la terre ? un pays dont tu aurais rêvé depuis l’enfance, un pays dont on t’aurait parlé, dont tu imaginerais les contours assoupis dans une brume indécise les coutumes tribales les odeurs douloureuses, un désert une ville une île, en tout cas tu t’y préparerais comme s’il s’agissait d’un événement fondateur de ta vie, une cérémonie solennelle, une évasion après des mois d’emprisonnement, chaque vêtement étalé sur le lit avec encore les pliures du repassage, l’épingle pour attacher la pochette à l’intérieur du tissu où tu glisserais l’argent et les papiers à surtout ne pas perdre, l’unique paire de chaussures à lacets bonne à arpenter les toundras les mangroves les pentes calcinées des montagnes les plateaux granitiques investis de bruyères et de silènes à bouquets, tu aurais appris certains noms de baies lacs et sommets, inventé sur les cartes quelques itinéraires, en cette nuit qui n’en finirait pas tu rêverais de cette solitude qui te prendrait à la gorge sitôt l’amarre levée

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Elle se redresse, vérifie encore le contenu du sac. Un sac à dos multipoches en toile brune. Elle l’a composé au plus serré pour le minimum d’encombrement : tee-shirt et pantalon de rechange, serviette-éponge, petits objets de toilette, carnet de notes, gros livre, aiguille avec bobine de fil, briquet, lunettes de soleil, billet de transport, traveller’s chèques. Elle se demande si elle a choisi le bon livre. Il faut absolument un livre à relire plusieurs fois.

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tu resterais longtemps absente, tu ne donnerais pas de nouvelles ou rarement, un aérogramme de Tokyo, de Yogyakarta ou de Buenos Aires, tu voudrais te faire oublier, tu voudrais sortir de ta peau te perdre te fondre t’abandonner t’annihiler dans la foule bruyante et bigarrée te tordre de passion t’alanguir t’anéantir te déposséder de tout repartir de rien, tu t’y lancerais d’un bon pas mais au seuil de plonger dans le vide la nuit s’alourdirait la détermination flancherait une sorte de peur légère un doute qui remplirait la fissure dont tu aurais toujours refusé de parler d’un suint amer

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Elle retourne s’allonger un moment, ne bouge plus, ressemble à une morte. Obscurité. Juste un mince trait de lumière en bas de la fenêtre. Elle se demande où elle a mis sa liste pour ne rien oublier. Jetée sans doute. C’est bête, elle aurait pu tout vérifier.

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Elle déteste la frontière entre l’avant et l’après, le seuil à franchir.

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Il y a comme une zone floue nécessaire et puis vient le moment où l’on sait qu’on est vraiment parti. Dans le muscle du cœur ce pincement qui raconte que rien ne sera jamais pareil, qu’on ne reviendra peut-être pas. En même temps ce désir extrême qui pousse vers l’avant, cette hâte à tout laisser derrière soi.

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rien n’aurait été révélé jusque-là de ta destination, Katmandou Valparaiso Samarcande Nantucket, peut-être que ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom ou bien n’existe pas

eu envie de tout regrouper, d'intégrer peu à peu les textes dans le même document... et j'ai résisté à l'incitation du "bloc", hors piste... 
à voir si ça tient comme ça...

#2 | l’arrivée dans la ville | malade de partir malade d’arriver

Progression à revers du sens de rotation de la terre pour rejoindre le point de lever du soleil. La nuit défile par-dessus les montagnes d’Anatolie. Elle ne connait rien de ce qui l’attend. Pas pu dormir. Grande fatigue. Si rien n’a encore commencé, le corps lui sait que les repères ont changé.

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ce serait la première fois que tu naviguerais si loin, oserais, te risquerais au Grand Voyage, nom d’un jeu de société auquel tu t’exerçais enfant avec ton frère, une chose dont je me souviens

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Les lumières rallumées en cabine annoncent le proche atterrissage. Greffée au hublot elle épie les clartés de l’aube à venir, l’ample vallée brumeuse qui se précise sous la carlingue, frissonne, et si jamais… ne pas penser, il y a trop de pays dans ce monde trop de villes tentaculaires où se perdre pour de bon, rien qu’une seconde elle voudrait revenir en arrière et puis elle oublie, ne voit rien dans cette nuit silencieuse pareille à un monde intermédiaire, se frotte les yeux pour suivre la trajectoire souple de l’engin qui se rue vers une terre chaotique et sombre traversée de lignes brûlantes, éperonnée de lueurs électriques.

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tu aurais voulu t’échapper, ta vie captive jusque-là, ta vie pétrifiée, obligations en opposition à ton désir, ainsi tu débarquerais sans sommeil dans cette ville impossible à mesurer, une ville tropicale constituée de toutes les villes que tu auras l’occasion de découvrir plus tard, séduite par la musicalité d’un nom, par des images à la télévision, illusionnée par tout ce qu’on croit pouvoir vivre ailleurs, ah tout ce qu’on croit imagine réclame à cor et à cris au fond de soi, dérisoire 

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Elle serre mon sac sous son bras, vérifie la présence de la pochette-ceinture à l’intérieur de son vêtement — pas le moment de perdre ses affaires –, les files d’attente sont longues, ambiance tendue, douaniers et policiers suspicieux campés dans leurs costumes avec de l’autre côté du sas vitré un grondement, une trépidation, une sensation de grouillement. Le sol est sale, les murs aussi, les plafonds hauts insaisissables. Quelque chose infiltré en elle déjà de ce grondement comme un premier contact, de la moiteur piquante bien qu’il soit tôt de ce continent jamais approché. Quelque chose déjà de la patience, de la science de l’attente attachée au voyage au long cours. Elle a une adresse d’hôtel en poche relevée dans un guide pour routards. Trouver le moyen de s’y rendre, ne pas se faire arnaquer par le premier taxi venu, rabattre l’écharpe comme il faut sur gorge et poitrine, tracer le début de sa route.

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la ville serait brutale dangereuse, une sorte de Far Est, surtout la nuit avec bandits célèbres et célébrés, la ville serait faite des nombreuses villes imaginées ou découvertes dans les livres, au fond tu serais encore sur le seuil de l’enfance, tu aurais du mal à passer le cap, après la douane et les longs couloirs ce serait champ ouvert, plus aucune protection, se jeter dans le bain, la ville étrangère serait une expérience en soi, ce que tu rechercherais intensément comme une contrepartie au resserré de l’enfance  

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La voilà malade, elle a la gorge en feu, l’hôtel est un pucier, auréoles d’humidité au plafond, murs lézardés, maigres rideaux couverts de taches et même déchirés, odeurs de friture et de bétel. Elle est malade, angine bactérienne avec poussées de fièvre. Malade de partir, malade d’arriver, inquiétude ou rituel de passage. Elle connait bien ce mal qui la prend en certaines circonstances et la met à bas plusieurs jours d’affilée. Le lit-banquette éprouve son dos courbaturé. La boîte d’antibiotiques de réserve va y passer. Juste attendre. S’abandonner aux fluctuations de la fièvre, sombrer, revenir au réel, cueillir les bruits bizarres, noter le rugueux des conversations, la superposition des cris et les mouvements de véhicules trafiquant dans les ruelles. Le quartier doit être proche d’un marché, d’un bazar, détail qu’elle vérifiera plus tard. Accepter ce nouvel état des choses et recomposer ses forces pour s’y acclimater.

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tu l’aurais désiré si ardemment ce transport vers l’ailleurs que tu aurais négligé l’anxiété qui t’envahissait à te rapprocher de la date, tu n’aurais pas voulu la prendre en compte

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le corps lui ne peut se taire, pour l’instant il ne peut aller à la rencontre de la ville

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Elle se dit que la rencontre avec la cité étrangère ressemble à un coup de poing au foie, le fait aussi qu’elle soit vraiment seule.

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et qu’est-ce que tu irais y faire là-bas? de quoi seraient faites tes heures- promenades au long des avenues bordées d’échoppes et de palmiers échevelés ? réussirais-tu à l’aimer au moins dans ce qu’elle aurait de plus surprenant, de plus prestigieux, de plus vil, réclamant un secours qui ne pourrait venir que du fond de toi-même, j’ai tellement peur pour toi

je crois soudain comprendre qui est ce TU qui se superpose au personnage depuis le début et qui constitue le double voyage (peut-être un peu hors sujet...)
l'écriture me l'apprend, je vais suivre la piste...

#3 | l’impossible retour | armée de serveurs en veste rouge grenat

la fièvre a empiré, la plupart du temps elle est clouée sur la paillasse aux draps gris sous la menace directe des punaises et des serveurs, une bande de types à peau sombre censés assurer les services d’étage, il lui semble qu’ils rôdent souvent aux alentours de la chambre et sur les terrasses accessibles depuis les ruelles, de temps en temps elle se lève hagarde, chemise trempée de sueur, et elle commande du thé

les serveurs sont nombreux, jamais le même qui vient, elle ne les reconnaît pas, ils attendent longtemps avant de sortir, elle ne sait pas ce qu’ils veulent

une fois seule elle s’abat d’un coup sur le lit, elle se demande s’ils la surveillent, s’ils veulent voir un peu de sa peau ou certaines parties de son corps, s’ils ont l’intention de lui prendre ses documents et son argent, les serveurs sont nombreux, petits de taille et maigres, ils portent des moustaches et parlent un anglais approximatif, ils ont des attitudes d’espion, elle s’en rend compte de plus en plus, la pensée la prend qu’elle ne se sortira pas de cette fièvre ni de la surveillance de ces types postés dans l’ombre, elle ne sait pas quoi faire avec eux, elle ne peut les chasser, n’en a pas la force

les serveurs nombreux sont reconnaissables à leur veste rouge grenat et à leur moustache, ils portent haut les plateaux comme dans les grands hôtels, leurs yeux furètent à peine poussé la porte sans frapper et leurs mains noiraudes farfouillent dans leurs poches à droite à gauche sitôt qu’ils ont posé le pot de thé et la tasse sur la table, après ils attendent avec l’air gêné, elle n’en peut plus de les voir là en train de s’attarder et de jeter sur elle des regards inconvenants dès qu’elle tourne la tête, enfin elle comprend qu’elle doit les récompenser pour le service rendu, elle tend un billet crasseux, quelques piécettes

les heures passent, la fièvre la retient en otage, tenir bon

son corps inondé de sueur s’épuise, son mental se lézarde, elle est seule loin de son pays et elle a peur de ne pas guérir, sous la menace constante elle barricade la porte, après elle boit lentement le thé brûlant, écoute les bruits du marché voisin, elle ne pense même plus au voyage qu’elle a entrepris ni à la ville d’où elle vient ni à celle dont elle n’a entrevu quelques avenues au petit matin ni aux animaux errant dans les bidonvilles, la chambre a des ouvertures en haut des murs et des bouches d’aération par où se faufilent des lézards et toutes sortes d’insectes, la chaleur, le jour qui n’en finit pas

forcément il y aurait eu des moments difficiles où tu aurais souhaité avoir un ami pour te porter secours, t’aider à te remettre d’aplomb, t’habiller, t’accompagner jusqu’au restaurant du coin pour manger un plat de riz, quelque chose de consistant — je ne sais pas si j’aurais pu tenir ce rôle –, par exemple du riz avec des brochettes de poulet mariné dans un lait d’épices, jamais tu n’aurais écrit de lettres, surtout ne pas céder un pouce de terrain, jamais tu n’aurais parlé de cet épisode de fièvre délirante qui aurait pu t’emporter, j’imagine que tu aurais rencontré un garçon australien qui aurait eu le projet lui aussi de voyager vers les îles du sud, il aurait été logé dans le même hôtel que toi, avec lui ça aurait été nettement plus facile de sortir du piège, d’échapper à cette armée d’espions au teint sombre en veste comme dans les grands hôtels et à la ville tentaculaire, quelque chose que tu aurais raconté beaucoup plus tard, peut-être…

#4 | halte sur cosmoroute | panne en forêt

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enfin débarrassée de la fièvre, elle part avec Paul l’australien pour rejoindre le pied d’un volcan dont on dit la beauté ou un rivage époustouflant où la mer sauvage rugit comme nulle part ailleurs, une longue navigation sur banquettes en bois d’un véhicule hors d’usage conduit par chauffeur et mécano assis sur le même siège censés manœuvrer l’engin bondé de monde et de volaille jusqu’à l’extrême sud de la péninsule, on les avait prévenus, presque à la boussole, tant d’aléas

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j’aurais voulu dresser la liste de tout ce qui aurait pu t’arriver de fâcheux, accident, pont effondré, éboulis, pluie diluvienne, attentat, enlèvement par un groupe armé, explosion, infection, empoisonnement, raz-de-marée, j’aurais voulu mais c’était difficile à supporter, te savoir nourrie suffisamment m’aurait satisfaite

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alors la panne, une simple panne aux premières heures de la nuit, forêt devenue rempart noir infranchissable de chaque côté de la piste depuis qu’on a quitté les zones habitées, arrêt obligatoire, tout le monde descend, c’est du sérieux, Paul prend en charge les sacs et descend devant elle, les arbres immenses offrent leurs découpures contre le ciel rougeoyant et puis l’obscurité s’abat d’un coup sur eux, bien obligés d’accepter l’inattendu et de composer avec une part d’inquiétude, elle se dégourdit les jambes, respire la fumée âcre des cigarettes, écoute les bruits de tôle, on dirait que peu à peu le temps s’arrête ou plutôt se recompose, la nuit est devenue longue et vaste comme la forêt, un campement s’improvise à la faveur d’une clairière, des hommes préparent des feux pour chasser les prédateurs et des enfants gémissent dans leur sommeil, bientôt de l’apparente immobilité végétale surgissent des lampes falotes, celles de villageois qui portent des victuailles et chantent, chaque forme bruit mélodie trouvant place tout comme ces visages couleur de bronze saisis un instant dans les lueurs mouvantes, clairière transformée en champ vivant obsédé par les modulations des oiseaux nocturnes et les cris d’une bande de singes hurleurs, elle ne comprend rien à ce qui se dit mais s’illumine de ces menus partages, elle n’a pas vu Paul s’éloigner pour aider les hommes autour du brasier tandis que le mécano et son acolyte s’affairent, plusieurs heures sans doute, la nuit entière, et même un morceau de matinée allez savoir, le temps de faire bricoler une pièce par un ferronnier local, manger fumer dormir, une halte somme toute réconfortante, elle ne pense plus à la fièvre ni au retour chez elle ni à personne

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j’aurais aimé accéder aux sensations insolites qui se seraient développées autour de toi, chaleur, moiteur, goût des fruits vendus à la sauvette dans des petits sacs en plastique, couleur des épices cuisinées, pleurs d’enfants, langue brutale des hommes, il aurait été assez simple de partager la matière dense de ce monde nocturne, un peu comme on regarde ensemble une photographie, certains corps endormis avec bagages en guise d’appuie-tête, d’autres dressés dans l’ombre fumant des cigarettes, je crois que j’aurais pu comprendre l’excitation que tu aurais espérée du voyage au long cours, genre de récompense puissante surgissant à la faveur dune simple halte en forêt tropicale

#5 hommage à Nicolas Bouvier | plan pour se retrouver

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j’aurais imaginé te rejoindre quelque part dans l’une de ces villes où tu te serais noyée égarée dont je n’aurais pas réussi à prononcer le nom, j’aurais pris tous les risques, me serais enfoncée dans des quartiers de cabanes délabrées sans portes ni fenêtres, des taudis, la puanteur, ça n’aurait ressemblé à rien de connu, j’aurais déchiffré le papier froissé récupéré en poste restante, si tu l’avais voulu j’aurais franchi le cap tout en ayant peur de ne pas te reconnaître

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ANGLE DE RUE

trottoirs sales qui se rejoignent avec espace cimenté pour cracheurs de bétel, un croisement parmi d’autres impossible à distinguer, il y a juste une fleur de lotus peinte sur un mur en torchis, c’est là qu’il faut tourner à droite

ALLÉE D’ARBRES POUSSIÉREUX

espèce indéfinie au feuillage luisant, larges feuilles coriaces à nervures prononcées jaune d’or, on ne peut pas les compter, suivre l’allée jusqu’au bout

MAISON EN BRIQUES ROUGES AVEC ÉCHAFAUDAGE

une maison parmi d’autres en chantier – ici tout est en chantier –, dégradé déjà avant d’être achevé, mais cette maison-là a des petits balcons qui pourraient devenir coquets avec des pots fleuris — une chose qui n’arrive jamais mais on pourrait l’imaginer –, l’échafaudage est un écheveau de bambous ficelés, il faut être équilibriste pour en user

FANES DE MAIS EN TAS

fanes en provenance des champs cultivés, la vallée fertile est occupée par un fleuve large aux rives d’argile blanche, nul ne sait où il prend sa source, sûrement en altitude pour être si vaste, l’île est ponctuée de volcans

ATELIER DE MÉCANIQUE

petite boutique reconnaissable à l’entassement de motos et rickshaws devant la boutique brinquebalante et à la noirceur des mains et bras des hommes qui se rassemblent là fument et discutent, certains tissu enroulé autour des hanches, ils n’attendent rien, quand ils fument ils regardent passer les enfants, les vélos, les animaux

PASSERELLE BRANLANTE PAR-DESSUS UN FOSSÉ

passerelle faite de…

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je n’aurais pas pu en lire davantage, la pluie a abimé le papier, fondu les lettres et les signes, comme si...

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#06 Calvino & Marco Polo, qui raconte à qui | elle dit que

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j’ai vécu bien plus d’années que toi, je n’ai pourtant que peu voyagé sinon à l’intérieur du pays connu, pas eu l’idée de franchir les frontières des champs et des rivières, de tenter le diable et chercher l’aventure, me suis cantonnée au lieu de ma respiration, un monde étriqué à l’inverse du tien qui explose les horizons, mais dis-moi où tu vas, dis-moi ce que tu vois…

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Elle ne répond jamais directement. Elle parle pour elle-même. Elle dit qu’une fois passé le seuil du recoin habité il y a quelque chose dans l’air change, que chaque ville a une atmosphère différente, un parfum, une humeur. Elle pourrait en reconnaître certaines les yeux bandés. Une question d’équilibre entre odeur chaleur rumeur pesanteur, une question de vibration, voilà ce qu’elle dit. Et elle raconte cette ville brûlante où elle a cru perdre l’esprit, accablée de fatigue et de fièvre. Elle raconte cette ville assourdissante où elle a couru des heures d’affilée sans retrouver son hôtel. Elle raconte cette ville blanche au-delà de la mer. Elle raconte cette autre ville encore bâtie de pierre rose et de poussière, une poussière qui colore la plante des pieds et la peau et les joues. Elle dit encore : le moment arrive où tout recommence, où les compteurs sont remis à zéro, on quitte sa peau, on devient quelqu’un d’autre.

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cette poudre rose qui recouvre la terre et les murs, scintille-t-elle au soleil ? est-elle si fine que le moindre souffle de vent la soulève, qu’on ne peut pas la ramasser dans la main, juste dessiner au sol des figures inconnues ? jamais je n’ai connu de poussière d’une pareille nature

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Elle dit qu’au début on observe, on cherche à se fondre dans la carte. L’univers est vaste, chaque parcelle réclame des semaines d’exploration, les couleurs agressent, les nourritures paraissent étranges, les épices brûlent la langue. Elle se tourne vers elle pour une fois et dit qu’elle se souvient des rues de la ville construite de grès rose, qu’elle pourrait la décrire dans le détail si elle le voulait et même la lui montrer. Elle en a dessiné des morceaux dans un carnet : arabesques, motifs floraux ou géométriques. Elle a pris le temps pour ça parce qu’elle ne parlait pas la langue et ceux qui passaient de son côté regardaient ce qu’elle faisait et prononçaient des mots qu’elle a fini par déchiffrer, comme ça qu’elle a appris.

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j’ai donc tout ignoré de ton talent pour le dessin,  tu me l’aurais caché comme une part insolente de toi-même

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Un jour elle a rencontré le chef d’un de ces palais qui l’a conviée à visiter les chambres et les jardins. Elle en a dressé la carte précise avec bassins, patios, massifs de bougainvilliers, volières d’oiseaux de paradis. À présent elle lui décrit les chemins qui serpentaient comme des ruisseaux à mesure qu’ils descendaient vers l’autre monde. 

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j’aurais voulu t’imaginer sur les marches d’un de ces bâtiments de prestige ton carnet à la main, un voile sur tes épaules pour te protéger du vent et du soleil, j’aurais voulu t’approcher, te photographier, je t’aurais reconnue de loin à ta posture, à la façon que tu as d’incliner le buste sur le côté et de croiser les jambes, là-bas c’est toi ma fille, je te reconnais bien

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Elle s’est détournée, pense à ce besoin de dessiner qui l’a prise au fil du voyage, proche du besoin de lui échapper, d’échapper à son emprise et à ses bras. Comment pourrait-elle le lui dire ? Dans l’ailleurs se cacher se perdre dériver au sein des fumées lentes et lourdes et des parfums de rose et de jasmin, s’éblouir des couleurs éclatantes des tissus et des fleurs, s’enfoncer dans les quartiers de nuit pour connaître la transe. Elle décide de ne plus répondre, tait ses prochaines destinations. Elle ne peut révéler le nom réel des villes qu’elle traverse, ce serait trop donner d’elle, elle invente des noms, préfère le flou. C’est cruel, elle le sait.

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#07 un tout petit voyage | explorer dans la lenteur

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Quand bien même parvenue au bout du monde et peu instruite des coutumes de ce monde, il arrive qu’elle trouve un endroit qu’elle aime suffisamment pour s’y attarder, y séjourner quelque temps. Elle en apprivoise les éléments, s’approprie la petite chambre au mobilier sommaire, répandant au sol une poignée de coquillages ou déposant à hauteur du chevet un bouquet d’herbes qui dégage un parfum amer capable de la reconduire à un point de l’enfance. Les éléments naturels la rassurent. Une fois l’endroit devenu sien, elle sort. S’éloigne peu. Explore dans la lenteur et à sa guise. Elle se laisse guider par le ciel, les émanations du ciel, les fantaisies du ciel et les petites allées qui se font et défont ci et là sous le ciel. Elle progresse à l’aveugle, revient souvent sur ses pas par peur de se perdre. Elle commence à dessiner une carte dans son carnet, porte ses trajets en étoile, leurs sinuosités. Une couleur différente pour chaque trajet. Désormais elle a pris l’habitude de ces ébauches sur papier au hasard de la vie et de la route. Elle note aussi les repères : palissade, arbre, panneau coloré, échoppe, carrefour, ruisseau. On dirait que dessiner cette carte la rend plus attentive, plus sensible aux éléments à son entour. Chaque jour les nuages se mêlent plus étroitement aux couronnes des arbres sous lesquels les animaux libres se rassemblent pour se protéger du soleil, avec eux les gens échappant un moment à leurs occupations. Chaque jour il fait chaud, ça dessine une ligne mouvante sur le sol, au-dessus des buissons. Au début les promenades sont brèves, quelques centaines de mètres — déjà suffisant pour se forger une pratique du lieu et se faire une idée de la terre, des gens et des usages. De tout petits voyages pour un lot d’expériences uniques nourries de fines observations et à la mesure de sa patience.

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Après une semaine, elle ose davantage, se risque plus loin dans le désert blanc d’alluvions du côté du fleuve ou au long des sentes à versant de montagne. Elle pense que Paul va venir la rejoindre, ensemble ils en avaient parlé. Les fins de journée sont propices à davantage de tumulte quand la lumière a décru si fort qu’il n’y a plus de bleu, plus de blanc, plus de sol, seules les incandescences d’un couchant derrière les palmes qui s’embrasent, agitées de vents tièdes. Elle s’assoit sur la marche devant la chambre ou s’aventure à trois pas, profite de l’émotion qui chasse toute pensée, toute mélancolie, tout désir de posséder, toute terreur.

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#8 Colomb reconstitutions | Paul l’australien

— portrait vite fait de Paul : grand gaillard musclé né d’un métissage entre descendant de colons anglo-saxons (physique rude, plutôt rouquin) et femme maori à la chevelure noire longue et souple —
— aucun doute, il y a du sauvage en lui, le sauvage flambe dans son regard —
— autour des cuisses et des mollets, des mokos réalisés à la cendre et à l’argile bleue, tatouages en spirales symétriques qui représentent des frondes de fougère en croissance, symboles d’une nouvelle vie ou d’un destin qui s’accomplit —
— vaguement inscrites très loin dans la boîte-mémoire chargée de traces et d’échos des anciens mondes, les îles Cook, et on sait que ça a plutôt mal tourné pour James l’explorateur britannique battu à mort puis découpé en morceaux (c’était dans les années 1779) et peut-être bien mangé par les indigènes —
— Paul affiche quelque chose de son histoire familiale et de sa génétique à travers ses tatouages —
— sans doute que son père a rencontré sa mère en Nouvelle-Zélande, pays du long nuage blanc —
— Paul a la peau aussi douce que celle d’un enfant —
— devrais entamer rapidement des recherches autour d’un film qui me hante, une histoire de jeunes filles qui s’égarent lors d’une partie de campagne à Red Rock ou quelque chose comme ça, un côté fantastique surtout quand on sait que le secteur est habité de très vilaines bêtes venimeuses —
— combien de voyages réels me faudra-t-il encore pour comprendre ? —
— James Cook explorait le Pacifique et dessinait des cartes, franchement ça n’est pas rien, faire rentrer le monde dans des cartes tout à plat —
— le titre du film ne me revient toujours pas —
— ce contraste fort, presque poignant, entre le continent de terres rouges et le bleu du Pacifique tout autour de lui si grand si impressionnant —
— enfin ça y est, j’ai remis le doigt dessus : Hanging Rock (et non Red Rock) et c’est bien une histoire de pique-nique, de filles qui disparaissent dans les replis de rocher sur un ancien lieu de culte aborigène. « What we see or what we seem are but a dream, a dream within a dream » – « Un rêve dans un rêve : Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est rien d’autre qu’un rêve, un rêve à l’intérieur d’un autre rêve » —
— non mais tout ça m’éloigne du voyage entrepris du côté de l’Asie (enfin je crois qu’il s’agit de l’Asie), je n’avais pas prévu être détournée plus à l’est vers des terres dont j’ignore presque tout, peut-être là l’origine du charme que ce garçon exerce sur les gens, après tout aucune importance —
— Paul Paul Paul l’australien, un nom qui lui va bien, pas la peine d’en chercher un autre —
— ce genre d’ornements de peau que sont les mokos affichent le courage et le statut social, subliment aussi le saillant des muscles des sportifs, boxeurs joueurs de rugby, c’est beau quand on les voit bouger courir —
— maori veut dire « peuple de la terre » (tangata whenua), les maoris sont pourtant de grands navigateurs, ils donnent des noms à leurs pirogues, et ils sont fervents de combats —

— combien de voyages nécessaires ? combien de quêtes, de fausses routes ? combien de réclusions, d’hésitations, de renoncements, d’attachements, combien de remords ? —
— retenir cette sensualité vigoureuse attachée aux robes blanches des jeunes filles évanouies au hasard des roches du lieu sacré, la ressentir au fond du sang du fond des temps, le récit soudain effacé déformé, il ne demeure que l’égarement, la partie rêvée, la chair vive —

— oui combien de voyages, combien de fausses routes ? —

(à poursuivre)

#9 Wittig, elle nous raconte l’histoire | ce qui se raconte sur la terrasse de Parang Kusumo

Paul la rejointe. Elle ne l’attendait pas, elle ne savait pas qu’il viendrait. Il l’a cherché dans le coin où elle avait dit qu’elle irait. Au village on le renseigne. On lui indique qu’elle loge chez la vieille Surya, là-bas près de la plage de Parang Kusumo. Quand il arrive la nuit est en train de tomber, elles sont installées sur la terrasse, de loin il peut voir les mains de Surya qui remuent dans la lueur d’une lampe à pétrole. La nuit tombe vite sur les petits jardins tandis que Surya raconte. Surya raconte l’histoire de la reine-déesse du sud qui hante les domaines sous-marins et avale les nageurs friands de vagues puissantes. Elle serait née princesse dans un royaume de l’ouest sur la plus grande des îles. Envieuses de sa beauté, les concubines du roi lui auraient jeté un sort ou alors c’est le roi lui-même qui l’aurait bannie, les légendes varient sur ce point, on peut croire ce qu’on veut. Atteinte de lèpre elle aurait choisi de devenir invisible et se serait réfugiée au fond de l’océan. Surya l’aïeule dit qu’elle a le pouvoir de réveiller les volcans. Surya dit aussi que, nostalgique des hommes, elle apparaît parfois au milieu des neuf danseuses du bedhoyo, ballet rituel donné dans les palais à l’occasion de cérémonies et qu’alors on entendrait le bruit de la mer.

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Un autre soir. Il a beaucoup plu juste avant la tombée du jour. Le parfum des fleurs exulte, les insectes chantent et crient. Cette fois c’est Paul qui raconte. Paul raconte l’histoire d’un voyage périlleux à travers les mers australes jusqu’aux terres du long nuage blanc, une histoire transmise par ses lointains ancêtres à travers laquelle il parle de sa mère. Le personnage s’appelle Kaea, petite fille qui a ses traits et les mêmes longs cheveux soyeux. Tandis que Paul raconte, elle regarde son visage, elle ne peut pas le toucher, elle est assise près de Surya qui a noué ses mains brunes et maigres, de belles mains. Elle aime Paul dans cet instant où il raconte même si elle sait qu’il ne lui peut lui appartenir et elle mesure combien il est attaché à sa mère et à l’histoire du monde.

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Un autre soir encore. Ils s’attardent sur la terrasse bien après le coucher du soleil. Les hautes couronnes d’arbre frémissent de la fraîcheur qui s’installe avec la brise marine. Cette fois c’est elle qui raconte, elle qui n’a pas de nom, qui poursuit un voyage sans fin. Elle raconte l’histoire d’un loup banni par sa horde, condamné à errer seul. Elle s’inspire des contes de son enfance en Europe, laisse du champ aux mots pour qu’ils s’accordent à son souffle. L’animal, elle le voit clairement, lui donne le nom de Nootka. Elle décrit son corps souple et vigoureux dans le combat, la touffe de poil neigeux sous la gorge. Si Surya a rencontré le tigre nageur, elle ne connaît pas le loup et elle tremble. Mais Nootka survivra, deviendra chef de meute.

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Il y a d’autres soirs, d’autres histoires.

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Ils restent encore, ils en ont besoin et ils prolongent leur séjour chez Surya pour une semaine ou deux. À la toute fin Paul se lève et s’éloigne, conscient de l’importance des histoires racontées et de ce temps vécu avec elle près de la plage de Parang Kusumo, bref et intense, comme volé à leurs voyages en parallèle.

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A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà.

62 commentaires à propos de “#double voyage | ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom

    • oh te voilà Piero déjà embarqué dans mon voyage je ne sais lequel, le vrai l’imaginé ou les deux mêlés… en tout cas si tu veux venir marcher avec moi tout au bord de la mer ou faire un tour pour admirer le skyline de Nueva York…

      (pas encore eu le temps de te lire, vous lire… j’arrive !)

  1. j’aime ton alternance, chère Françoise, de gauche à droite l’alignement nous emmène de par le vaste monde, tes mots tes phrases de promenades en souvenirs, de rêves en désirs, bravo !

    comme Alexia j’ai écrit avant de lire les “collègues”, en phrases qui m’apparaissent si brèves à présent, peut-être à développer ?

    en tout cas nous voilà en partance pour mille voyages, merveille !

  2. Je lis comme je me balade, dans tes souvenirs justifiés à gauche et dans tes rêves ou désirs justifiés à droite, un côté du chemin puis l’autre. C’est très agréable comme cheminement, ça place le lecteur en position de découvreur. Et puis ces fragments sont pleins de couleurs. Belle balade.

  3. J’étais, j’aurais été, quelle bonne idée, et combien d’odeurs, de saveurs, d’atmosphères déjà ! J’aime aussi le rythme que donne le balancement du texte, comme celui que l’on ressent dans son corps à l’alternance de nos pas. On te suivrait jusqu’au bout du monde !

  4. Voyages réels, rêvés, tous préparés avec minutie, tous les élans, les pulsions qui surgissent, tout ce qui s’exprime, s’extrait du corps das ces états -frontières
    et la fissure canal salvateur des doutes
    très beau texte

  5. “Elle déteste la frontière entre l’avant et l’après, le seuil à franchir”, et ton écriture nous fait franchir cette frontière. Comme pour le prologue, le chaloupé entre les deux parties du texte me séduit et m’entraîne, oui ça fonctionne.

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    • je viens d’aller te lire et peut-être que les pronoms personnels indéfinis nous vont bien pour installer quelque chose de l’histoire tout en laissant place à comme tu dis “cette part de nous-mêmes”, indispensable à mettre en branle pour la lecture
      merci beaucoup d’être passée par là…
      à continuer à te lire…

  6. Au fond c’est un seul voyage. Le JE et le TU s’équilibrent dans ce dialogue, ces allers et retours entre les faits, le réalisme de la situation et tout ce qui vient planer autour en sentiments, illusions, regrets peut-être, tout ce qui vient de l’intérieur. Peu importe la destination, ce dialogue sans réponse nous emmène en dedans. Merci Françoise !

  7. Comme dans un “roman d’aventure” mais ponctué des doutes, des désirs, des rêves, et le talent de réussir à jouer avec les propositions dans la cohérence du même voyage, j’ai envie de connaître la suite.

    • oui on a fait du chemin depuis le lait chaud au bar de Cherbourg en attendant le bateau ! merci d’Isabelle d’avoir suivi l’affaire…
      la suite dépendra évidemment des propositions qui vont tomber… quel sera tournant proposé à l’aventure ? on verra…
      j’ai essayé jusque là de m’adapter en demeurant dans la forme choisie dès le prologue mais non sans mal et la phase Michaux n’a pas été simple à franchir !
      merci encore de lire et de poser des mots par ici…

    • merci et tant mieux qu’il y ait aussi de la profondeur…
      je suis en train de réunir les textes dans le même doc pour voir si ça fonctionne et comment ça fonctionne en livre, en tout cas je demeure dans le même moule…
      à étoffer ensuite ou bouleverser totalement
      merci Jérémie

  8. Je suis venue à nouveau cheminer dans ton double voyage où double perspective. J’aime beaucoup ce dialogue (à sens unique) qui s’ébauche au fil des fragments, l’impression que la proposition sur Calvino tombait à point pour nouer une conversation impossible. J’aime beaucoup aussi cette idée du carnet et du dessin…
    Bonne continuation chère Françoise, à bientôt sur le chemin

    • on ne sait jamais ce qui s’annonce dans l’écriture, surtout quand on se plie à des contraintes… et rester dans le même travail tout au long de l’atelier est une option
      en effet, tu l’as tout à fait senti, la proposition Calvino est venue pour moi donner plus de corps au choix que j’ai fait depuis le début, cette idée de conversation entre un JE (dont j’ignorais tout) et un ELLE plus facile à cerner
      Bon, ben écoute, je continue comme ça…
      merci Muriel de croiser ton chemin avec le mien

  9. Cette lenteur isolée qui suit le son du hautbois, sorte de chant calme et profond, traduit exactement ce qui tient de l’extrême matérialité où l’on s’ancre sans retenue, les pieds dans les mottes de verdure, et soudain tout échappe, la métaphore rentre en action, c’est une infime dentelle de ce que tu sors de toi, mêlé aux effluves du franc réel
    et ceci qui me lance, si proche de ce que je peux ressentir
    “Chaque jour il fait chaud, ça dessine une ligne mouvante sur le sol, au-dessus des buissons. Au début les promenades sont brèves, quelques centaines de mètres — déjà suffisant pour se forger une pratique du lieu et se faire une idée de la terre”
    Merci fort chère Françoise

  10. la #7 : exactement – sauf dessins à la place: photos – j’aime beaucoup (infiniment) cette histoire de coquillages (infiniment jt’assure) (je ne ferai pas (sinon,comme ici,virtuellement) mais infiniment) – j’aime ces parallèles (ici avec toi – vous) merveille…

  11. #07 | Les cartes dessinées de différentes couleurs, et la référence au Marco Polo de Calvino dont tu t’éloignes pour entrer dans cette chambre, dans ces promenades, je te suis encore dans ton voyage avec grand bonheur.

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