la fabrique | Léa P : « Partir en voyage »

Le voyage est un thème classique d’écriture. La mise en place d’un cycle Partir en voyage a d’abord été motivée par le souhait de proposer un thème a priori léger démarrant en période de confinement en visio. Nous voulions construire un cycle avec une idée de progression au fil des séances, explorer des styles différents en ayant de façon sous-jacente le but d’utiliser différents aspects du voyage pour aborder des étapes de l’écriture. Le public, pour cette première édition, était assez diversifié, des adultes qui tapaient souvent leur texte, mais non systématiquement, ne le partageaient pas toujours, et dont plusieurs ne voyaient pas du tout comment aborder la réécriture de leur premier jet rédigé pendant l’atelier. Tous les participants maîtrisaient la langue française. Les séances ont été préparées  par Francine Kauffmann et Ghislaine Tabareau-Desseux (aka Léa P. et Olivia T.) au sein de l’association Carnets du passage, fondée fin 2018.

Le cycle comprend six séances : deux avant de partir, deux pendant un/des voyage(s), deux après un voyage. Les parallèles visés avec les phases de l’écriture étaient pour les deux premières (avant le voyage/l’écriture) : « oser écrire » (une première page)  et « qu’est-ce qui fait peur, que souhaite-t-on vraiment écrire ». Pendant le voyage/l’écriture, les parallèles étaient : « le premier jet, l’apprécier en allant lentement – aimer son texte » et «le relire avec de la distance pour pouvoir le retravailler ». Enfin, après le voyage/premières notes et premier jet, les parallèles étaient « carnets de voyage, carnets, prise de notes, matériau »  et « réécriture en retournant dans un texte connu que l’on apprécie assez ». Les supports ont été pour l’essentiel des extraits littéraires brefs (J Kerouac, G Flaubert, E Vila-Matas, etc.) mais aussi des visuels, pour profiter de l’apport de la visio.  Ci-dessous les six séances sont schématiquement décrites, puis à titre d’exemple est présenté le déroulé de la première.

Séance 1 – Avant de partir, le désir et la peur.

Séance 2 – Débat  – Partir ou pas  avec un  dialogue véhément entre 2 personnages. Séance pour prendre en compte  la demande des participants, « qui ne voulaient pas partir tout de suite ».

Séance 3 – GR70  – partir à pied.

Séance 4 – Au loin : une scène avec  un événement inattendu, expression sur l’effet de distance par rapport au départ.

Séance 5 – Carnets de voyage : Écriture de carnets, d’abord de voyage, puis de retour, puis un texte de fiction à partir d’un carnet de retour.

Séance 6 – Revenir (au même endroit). Changements : aspects factuels et ressenti. Et en conclusion du cycle, un retour réflexif « Si votre pratique de l’écriture était un voyage, de quel type de voyage serait-elle ? »

Le titre de la première séance Avant de partir, le désir et la peur a été choisi en référence au texte Écrire : le désir et la peur d’Alain André.

Introduction  A bord du Darjeeling Limited de 9’20 à 10′ Partira – partira pas – Un personnage monte dans le train, un autre le rate et lecture du poème  Lorsque l’enfant était enfant  de Handke, du film Les ailes du désir de Wenders (Le désir, thème du printemps des poètes qui venait de s’achever).

Désir de voyage : Rêver sur des cartes (Paris-Bruxelles en avion par Louise Favier, une carte ancienne d’Islande, un trajet sur Google map) – Faire une liste de cartes, puis écrire les pensées d’un personnage au sujet d’une carte.

Peur du voyage – Rupture de style, pour une partie ludique. Écrire un guide de voyage avec une orientation satirique sur les risques du voyage après lecture collective d’extraits de guide très choisis  (ex. Si un singe attrape un de vos objets, n’essayez pas de le lui reprendre). Écriture d’un texte décalé, verbes à l’impératif.

Poursuite si possible entre les séances des textes en une petite nouvelle.

C’est d’abord à travers les retours, puis progressivement de façon plus formelle au fur et à mesure des séances que le parallèle du voyage avec l’écriture a été abordé. Il y a eu à cet égard un tournant à la cinquième séance, dont l’orientation par rapport à l’écriture était centrale. Cette séance sur les carnets de voyage marche très bien et pourrait être utilisée de façon isolée. Même si cette première mise en œuvre du cycle a été appréciée selon l’évaluation des ateliers faite par les participants à l’issue du cycle et son propos perçu (« diversité́ des sujets proposés et traités », « nous sommes parties en écriture dans l’ailleurs, impliquant la notion de mouvement dans le processus littéraire »), il est prévu de remanier différents aspects avant de le décliner à nouveau. Différentes pistes sont envisagées  : l’adapter en présentiel, retravailler certaines séances, en modifier l’ordre (partir au loin, avant de marcher lentement), rendre explicite le parallèle avec la démarche de l’écriture dès la première séance, inciter à réfléchir à son écriture en ajoutant à chaque séance un texte d’écrivain sur l’écriture en lien avec l’étape.

A propos de Léa P

De la curiosité et pas mal d’années dans la recherche scientifique. Découvre les ateliers d’écriture il y a 10 ans, anime des ateliers aux Carnets du Passage (https://carnetsdupassage.wixsite.com/carnetsdupassage). Aimerait peut-être se mettre à écrire vraiment.

4 commentaires à propos de “la fabrique | Léa P : « Partir en voyage »”

  1. L’idée de découper les ateliers comme les différentes étapes d’un voyage me plait beaucoup ! De même que la façon d’en profiter pour aborder des formes différentes (dialogue dans le débat partira ou partira pas… ) . Si j’ose, possible de demander quelques précisions ? Consignes précises pour la 1 par exemple ? longueur du texte, narrateur ou « je » ou autre, éléments particuliers à y faire figurer ? utilisation du texte d’appui avant, pendant ou après l’écriture ?
    Et prolongation avec avec un voyage en vrai ?

    En tout cas, un grand merci pour le partage ! Et pour les liens !

    • Merci beaucoup Juliette de ton intérêt et de tes commentaires. L’atelier s’est déroulé par visio en direct, et donc la contrainte était la durée d’écriture, non la longueur du texte. Pour l’introduction au cycle/séance 1 à travers un film et un poème, il s’agissait d’une prise de notes à l’écoute, puis d’une lecture sans retour des mots notés à la volée ; puis 3 minutes pour faire une liste de cartes, 20 minutes pour la première phase d’écriture d’un personnage au sujet de la carte retenue, avec une écriture au « je » ou au « il/elle » (avec possibilté d’utiliser l’incipit «il/elle rêvait de partir»), et après lecture et retours, pour la deuxième phase d’écriture 15 minutes pour les instructions de voyage, verbe à l’impératif. Dans cette séance, un seul texte (littéraire) d’appui (Handke), lu avant l’écriture. En général, les textes d’appui sont proposés avant l’écriture, mais parfois en plusieurs étapes, et en cherchant des textes diversifiés, par exemple dans la séance 2, les textes d’appui ont été de Kerouac et Baudelaire « pour le voyage » et de Maupassant et Pessoa « contre le voyage » pour que les participants se sentent libres de leur style.
      Merci de la suggestion indirecte de reprendre un tel cycle avec un voyage, dans un stage résidentiel etc. mais quand on a lancé le cycle on était en phase de confinement.

  2. Merci pour ce grand voyage, c’était passionnant et très, très généreux. J’avais deux petites questions : pourquoi la création d’une association au départ du projet d’animation ? Enfin sur le déroulé de l’atelier lui-même : je n’ai pas bien compris ce que tu entendais par le carnet de retour. Un retravail du carnet de route ? Un récit autre ?
    . (Je viens de voir que nous sommes voisines , Paris 14 ?)

  3. Merci bien de ton intérêt pour notre atelier. Nous avons distingué 3 phases pour les carnets. Le carnet « in situ », journal, avec l’utilisation en support d’extraits de carnets dont on sait qu’ils ont été remplis pendant le voyage même (carnet de route si l’on veut). Le carnet de retour est l’équivalent, mais écrit quand le voyage est achevé, des choix vont se faire, mais il s’agit toujours du voyage proprement dit dont il est question. Et la troisième étape visait à écrire un texte de fiction (potentiellement un « récit autre ») mais utilisant peu ou prou les « carnets ». La décomposition, à l’occasion d’un voyage où ce qui est réel est assez clair, des étapes d’un passage du réel à la fiction est tout à fait intéressante de façon plus générale.
    En ce qui concerne les structures pour animer, cela dépend de la situation de chacun. La création d’une association – dans le 14e, effectivement-, nous a paru adaptée à la nôtre.