#été2023 #00 | La petite fille qui m’a sauvé la vie

Il y a bien eu un livre fondateur, celui qui a ouvert la première porte. Un livre qui m’a révélé le pouvoir de la littérature. J’avais cinq ans, une cousine de quelques années mon ainée était venue à la maison. Le soir, avant de nous endormir, elle m’en avait lu le premier chapitre. Ce livre, qui narrait les aventures d’une petite fille de bonne famille, m’avait captivé. Le choc avait été immédiat, absolu. Il y avait dans cette petite fille tant de désir, d’audace, de rêves, de ténacité, de fantaisie. Tant de spontanéité. Tant d’esprit. Le monde s’était déployé. Un monde qui se souciait de moi, qui me parlait de moi. Un monde dans lequel j’avais une place. C’est à partir de ce moment-là que j’ai ressenti avec urgence le besoin d’apprendre à lire. Que j’ai ressenti la valeur ajoutée des mots écrits. Les mots écrits ouvraient les portes de mondes parallèles qui pouvaient augmenter le monde réel, m’offrir d’autres alternatives, d’autres modèles. J’avais beau avoir cinq ans, j’avais saisi que cette société n’était pas favorable aux filles. Qu’elle les assignait dans des rôles qui ne me conviendraient pas, qui ne me ressembleraient pas, dans lesquels j’étoufferais. Et j’avais soudain entrevu que la littérature pourrait m’aider à rêver autrement ma vie. Tout l’été j’avais tanné ma mère pour qu’elle me permette d’intégrer l’école primaire. Et j’avais eu gain de cause. A la rentrée, malgré mon jeune âge, j’avais eu le droit de sauter une classe. Je n’ai aucun souvenir de l’apprentissage de la lecture. Mais je me souviens du délice éprouvé à découvrir les chapitres suivants du livre que m’avait fait découvrir ma cousine. Je me souviens aussi de la façon dont cette petite fille est devenue réelle pour moi, Je me souviens de la sensation d’avoir intégré ce personnage à l’intérieur de moi, de la sentir vivre en moi, déteindre sur moi. M’accompagner partout, C’est un livre qui racontait la dureté de la vie. Et où que j’aille, il y avait cette petite fille qui grondait en moi. Qui m’aidait à tenir. A croire. Qui me donnait la force de continuer. Est-ce que la littérature peut vous sauver la vie ? Je l’ai cru, je pense, pendant longtemps.

A propos de Sybille Cornet

Je n’ai pas de page Facebook ni perso ni privée. Ni d’instagram. Et pas de site non plus autour de mon travail. Je sais que question communication c’est pas top. Je vis mieux dans l’ombre. Mais je travaille à tenter d’en sortir. Je suis autrice et metteuse en scène. Principalement de théâtre jeune public. Le théâtre jeune public est un milieu qui vit un peu en autarcie. On se connait tous et toutes. Et donc la nécessité n’est pas forcément là pour me pousser dans le dos. J’ai une pièce de théâtre publiée Le genévrier chez Lansman. J’ai un texte publié dont je suis contente, une ode aux pieds nus (La matière du monde) édité chez Post industrial animism. J’ai publié des textes poétiques dans un magazine que j’adore et qui s’appelle Soldes almanach, magazine assez branque sur les nouvelles utopies. Il y a une adaptation sonore d'un spectacle performance sur le Syndrôme de Stendhal que j'ai écrit et performé ici : https://www.dicenaire.com/radioautresauborddumonde . Pour le reste, j’ai écrit et mis en scène une bonne dizaine de spectacles, adultes et enfants. Ma compagnie s’appelle Welcome to Earth. J’ai aussi fait un peu de poésie sonore. Pour l’instant je monte un spectacle pour tous petits qui raconte une amitié entre deux arbres, un petit pin nain et un bouleau. Ça s’appellera sans doute Inséparables. J’accompagne une actrice slameuse qui monte un seule en scène autour de sa grand-mère et de l’avortement. Le titre : Bête d’orage. Je fais partie d’une commission qui octroie des aides à la création aux créateurices jeune public et je lis beaucoup de dossiers d’artistes. Aussi étonnant que ça puisse paraître, ça me passionne complètement. Lire des dossiers d’intention de spectacles m’intéresse parfois plus que de voir le spectacle lui-même. J’étudie aussi la dramaturgie (mais ne me demandez par contre pas ce que c’est ok ?). Ah oui, je suis belge et je vis à Bruxelles, ville que j’aime entre toutes.

4 commentaires à propos de “#été2023 #00 | La petite fille qui m’a sauvé la vie”

    • Merci pour votre retour. Oui les livres ont bien aidé la petite fille que j’étais. Votre message est si prompt, merci ! Une missive de bienvenue qui me fait bien plaisir.

  1. Je pourrais faire un copié-collé de votre entrée dans la lecture, j’aurais mis trois grands frères à la place de la cousine. Moi aussi j’ai tanné ma mère pour qu’elle me mette à l’école, je m’ennuyais dans sa cuisine entre les lessives,le ménage et l’énervement des corvées, dehors ce n’était pas mieux : les ardoises à payer chez les commerçants, le père trop occupé, le plus drôle de la famille à cette époque, il a soutenu ma requête… Un an d’avance, ça ne se refuse pas… La passion des livres est arrivée là, sans aucun doute… Merci pour votre témoignage écrit à la première petite personne du singulier.