autobiographies #06 | la plus longue phrase de ma vie

J’ai claqué mes derniers pesos, Victor Hugo est retourné sur son siège, Santiago continue à dégueuler ses banlieues, ses bidonvilles, ses campamentos, par instants on les dirait parqués dans des poulaillers, à d’autres moments fantômes malpropres, mais bon, moi, je me barre, j’ai déjà les chaussettes qui puent, je n’arriverai pas à dormir, il faut que je choisisse une destination ; où bien je vais jusqu’à La Serena voir ce qui, dans cette ville, attirait tant ma mère (qu’on vient de liquider), ou je m’arrête à Valparaiso, où je deviens clochard, même si les couleurs sont jolies… et de toutes façons ça ne m’éloignerait pas assez de ma famille et de la Trini, j’aimerais bien aller emmerder Victor, mais je ne sais pas s’il dort ou s’il fait semblant, il est beau le salaud, avec sa quena entre les doigts, ses mains musculeuses, sa chevelure et ses sourcils de chat sauvage, ses vêtements roots, et son sourire… moi, je ne cesse de me dire que c’est ma petite bite qui m’a perdu, quand… quoi ? j’ai mal à la gorge ; j’ai une dent folle ; j’ai mes crayons, je m’en sortirai, j’trouverai l’église, et je tirerai leur portrait à des autochtones en mal d’art à la bourse, il faut que j’y pense, pas pleine, au pire, si jamais c’est trop dur, mais non, je ne rappelle plus jamais ma pute de grand-mère (c’est Raphaël Enthoven qui m’a appris les rudiments des bonnes manières concernant les plus proches), tant pis, les flics viendront me cueillir, j’ai soif, il ne reste qu’un quart de litre d’eau, y’a pas d’bar dans c’car, m’en fout, prendrai la plus belle cuite de ma vie avec des pirates et des vraies prostituées, boire, j’ai rien à dire, j’ai rien à dire, vive boire.     

A propos de Diego Montes

Je suis né en 1973, rue Verneuil, presque en face de la résidence du père Gainsbourg et de la divine Jane Birkin. Enfance heureuse, dans les jupes de ma maman, comédienne au Théâtre du Soleil. Adolescence tourmentée, surtout par la découverte tardive de ma condition d'enfant illégitime. Je fais la rencontre de mon père à l'âge de 16 ans, et sombre dans l'alcoolisme dans l'espoir de lui ressembler. Après quantité de redoublements, j'intègre le Cours Florent, puis le Conservatoire. Quelques performances au théâtre (En attendant Godot de Beckett, L'ombre de Venceslao de Copi) puis à la télévision, je m'envole pour le Chili, où je vis une passion amoureuse avant de me voir interné dans plusieurs hôpitaux psychiatriques après qu'on m'ait diagnostiqué une schizophrénie. Retour en France après 16 ans en Amérique Latine, je cohabite pendant un an avec mon trouble beau-père, et participe à un atelier d'écriture chez Gallimard animé par Jean-Baptiste del Amo. J'ai abandonné le théâtre, mais continue à participer à des cafés-poésie, dessine et écris des poèmes et quelques nouvelles courtes (à la différence de cette bio...). J'ai aussi une jolie guitare et un ami en or.

2 commentaires à propos de “autobiographies #06 | la plus longue phrase de ma vie”

  1. Ça déroule. Victor Hugo, Santiago, Valparaiso, Enthoven et la grand-mère et d’autres. Et ça éructe. La vie.