La trace et l’instant

1.

Le pola. Le polaroïd. Posé sur une étagère, là. Plus utilisé depuis longtemps. Objet d’un autre temps. Carré, noir et blanc, touches de couleurs rétro, orange, années 70. Simplicité. Un œil pour capter. Une bouche pour exprimer. Une lanière. L’appareil autour du cou. Saisir l’instant.

2.

C’est l’invention de l’instantané, le rêve de l’immédiat. La lumière inscrit les traces du présent sur le papier. La joie de découvrir l’image. Le jardin de mes grands-parents. Est-ce que l’appareil inscrit les ombres aussi ? Derrière l’insouciance familiale estivale, la présence des enfants, des jeux, des grimaces. L’appareil sonde-t-il la profondeur des cœurs derrière les sourires ? Il y a ceux qui manquent. Il est possible d’acheter à nouveau du papier photo. C’est le modèle le populaire de l’époque. La mode revient. Accepter l’instant et ses imperfections. Clic clac. Pas moyen de retoucher la réalité, de la travailler, de la lisser.

3.

Je ne savais pas bien ce que je pourrai écrire là-dessus. J’avais fait mon choix et puis j’avais laissé passé quelques jours pour voir si l’envie était toujours là. Posé sur une étagère, là. Plus utilisé depuis longtemps. Objet d’un autre temps. Carré, noir et blanc, touches de couleurs rétro, orange, années 70. Simplicité. Saisir l’instant. En écrivant, je me reliais à cet objet, si proche et si lointain, comme la trace d’une autre vie. Un peu comme une vieille photo qui traîne accrochée sur le mur. Là mais qu’on ne regarde plus. En écrivant, je saisissais les quelques fragments de vie ayant traversé le temps. Le pola. Le polaroïd. Naissance d’une certaine modernité. Invention de l’instantané, le rêve de l’immédiat. Promesse de lendemains qui chantent. Un nouveau rapport au temps. La lumière inscrit les traces du présent sur le papier. La joie de découvrir l’image. Miroir de l’instant. Le jardin de mes grands-parents. L’appareil inscrit-il les ombres aussi ? Derrière l’insouciance familiale estivale, la présence des enfants, des jeux, des grimaces. L’appareil sonde-t-il la profondeur des cœurs derrière les sourires ? Il y a ceux qui manquent. Est-ce qu’on les voit sur les photos ? Leur absence est-elle palpable ? Le présent nous les a fait oublier peut-être, ce n’est qu’après en regardant les photos que l’on perçoit le manque d’eux. Il était possible d’acheter à nouveau du papier photo. C’était le modèle le populaire de l’époque. La mode revenait. Accepter l’instant et ses imperfections. Clic clac. Pas moyen de retoucher la réalité, de la retravailler, de la lisser. Qu’est-ce qui traverserait le temps ? J’avais envie de voir à nouveau sortir la photo de la bouche souriante de l’appareil. Des beaux souvenirs attendaient.

4.

Pas de photos du polaroïd, des photos de l’époque. J’avais récupéré l’objet récemment au décès de ma grand-mère. Je me souvenais de la forme rectangulaire du papier blanc, papier rigide, en haut la photo en couleur et en dessous de la place… pour écrire … laisser un souvenir, annoter l’image, la commenter, la dater, identifier des personnes, des lieux, des émotions. Cela me faisait penser aux photos qu’on publie sur les réseaux sociaux. Les photos passent sur les réseaux et trépassent. L’une est chassée par l’autre à un rythme effréné, celui des like, celui de l’envie irrépressible du prochain clic, celui de l’éphémère permanent, du présent perpétuel, d’un monde sans mémoire. Me manque l’objet à tenir en main, la sensation de sa texture, son grain, qui laisse la trace d’une époque et celle du temps qui passe, la lumière sur le papier qui danse et me relie de manière vivante à l’image, l’odeur peut-être aussi selon où la photo a été conservée… dans une boîte, sur un mur, sous un lit, dans un porte-monnaie, que sais-je ? Toutes mes photos sont dans un carton pour l’instant ou sur mon ordinateur (c’est presque pareil). Le pola posé sur l’étagère m’appelle et m’invite à faire des souvenirs du présent pour le futur. Habiter l’espace de nouvelles traces joyeuses.

5.

Le pola. Le polaroïd. Je ne savais pas bien ce que je pourrai écrire là-dessus. J’avais fait mon choix et puis j’avais laissé passer quelques jours pour voir si l’envie était toujours là. Posé sur une étagère, là. Plus utilisé depuis longtemps. Objet d’un autre temps. Carré, noir et blanc, touches de couleurs rétro, orange, années 70. Simplicité. Un œil pour capter. Je me souvenais de la forme rectangulaire du papier blanc, papier rigide, avec en haut la photo en couleur et en dessous de la place …pour écrire … laisser un souvenir, annoter l’image, la commenter, la dater, identifier des personnes, des lieux, des émotions. Je n’avais pas conservé de photos du polaroïd, des photos de l’époque. J’avais récupéré l’objet récemment au décès de ma grand-mère. En écrivant, je me reliais à cet objet si proche et si lointain, comme la trace d’une autre vie. Un peu comme une vieille photo qui traînerait accrochée sur le mur. Là mais qu’on ne regarde plus. En écrivant, je saisissais les quelques fragments de vie ayant traversé le temps. Sur les réseaux sociaux, les photos passaient et trépassaient. L’une était chassée par l’autre à un rythme effréné, celui des like, celui de l’envie irrépressible du prochain clic, celui de l’éphémère permanent, du présent perpétuel, d’un monde sans mémoire. Me manquait l’objet à tenir en main, la sensation de sa texture, son grain, trace d’une époque et trace du temps qui passe, la lumière sur le papier qui danse et me reliait de manière vivante à l’image, l’odeur aussi selon où la photo avait été conservée… dans une boîte, sur un mur, sous un lit, dans un porte-monnaie, que sais-je ? Le pola. Le polaroïd. Naissance d’une certaine modernité. Invention de l’instantané, rêve de l’immédiat. Un nouveau rapport au temps. Promesse de lendemains qui chantent. La joie de découvrir l’image. Miroir de l’instant. Le jardin de mes grands-parents. L’appareil inscrit-il les ombres aussi ? Derrière l’insouciance familiale estivale, la présence des enfants, des jeux, des grimaces. L’appareil sonde-t-il la profondeur des cœurs derrière les sourires ? Il y a ceux qui manquent. Est-ce qu’on les voit sur les photos ? Leur absence est-elle palpable ? Le présent nous les avait fait oublier peut-être, ce n’était qu’après en regardant les photos que l’on percevait le manque d’eux. Il était possible d’acheter à nouveau du papier photo. C’était le modèle le populaire de l’époque. La mode revenait. Accepter l’instant et ses imperfections. Clic clac. Pas moyen de retoucher la réalité, de la retravailler, de la lisser. Qu’est-ce qui traverserait le temps ? Notre regard sur la vie. Le choix des instants. Toutes mes photos étaient dans un carton ou sur mon ordinateur (c’était presque pareil). Le pola posé sur l’étagère m’appelait et m’invitait à faire des souvenirs du présent pour le futur. Habiter l’espace de nouvelles traces joyeuses. J’avais envie de voir à nouveau sortir la photo de la bouche souriante de l’appareil. De beaux souvenirs attendaient. Saisir les papillons, les ronds, les monts, saisir les étincelles, les demoiselles, Sarcelle, le ciel, saisir les sourires, les délires, saisir le bois, les wouah, saisir les bébés, l’été, saisir les reflets sur l’eau, Mexico, ce qui est rigolo, saisir la nuit, les bougies, la folie, les fourmis, saisir la lune, Pampelune, saisir les chants, les ans, les vivants, saisir les usines, la routine, saisir les jardins, les fins, les parfums, le plein, saisir les fleurs, les ardeurs, Honfleur, saisir le vent, les bancs, ceux qui patiemment, les éléphants, saisir l’instant.

A propos de Anne Guinot

écrit, lit, raconte, joue, rêve, danse, chante, s'étonne, se perd sur les chemins, se retrouve (pas toujours là où...), marche, apprend, écoute, apprivoise les silences, cherche.

2 commentaires à propos de “La trace et l’instant”

  1. Bonjour. J’aime beaucoup cette façon de démêler les fils en prenant son temps, pour mieux les tresser. Un brin s’en va, un autre arrive, et puis un autre et un autre… ah, mais non, c’est celui d’avant, mais pas pareil on dirait… comme pris à un autre point de sa spirale ! Manque seulement une photo du pola, ou la photo d’une photo prise avec le pola. Celle qui a permis de « saisir les étincelles » ? ou « les wouah »? Merci pour ce texte.

    • Merci Will de ce retour. Un effet miroir qui me donne des idées de retravail de ce texte. j’ai aimé ce processus d’écriture, que j’ai essayé d’apprivoiser. Je n’ai pas de photos prises avec ce polaroïd malheureusement. Peut-être une autre image…je la rajouterai si je trouve celle qui.