#le voyage #05 | dans la mine de sel

Dôme : un Dôme pour une cathédrale imposante. C’est ici que Mozart a été baptisé. Sa musique imprègne l’air. On la joue partout dans les rues.

Herbe : vus sur l’herbe du parc Mirabell à Salzbourg une mère et son enfant. La maman, une Autrichienne en tenue traditionnelle, met une culotte en croûte de porc à son bébé qu’elle mange de baisers. Totalement amoureuse de son enfant, elle lui claque quelques tapes sur son postérieur fraîchement emmailloté d’une couche protectrice. Fierté de la maman qui brandit son jeune fils pour le montrer ainsi au monde, nu en haut et en croûte de porc à bretelles en bas. Pour ainsi dire dans le plus simple appareil.

Arbre : un chêne pour abriter la maman et son bébé alors qu’elle est assise sur un banc. C’est l’été, il fait chaud.

Poubelle : une poubelle dans le parc dans laquelle la maman dépose la couche de son fils. Elle a tout enlevé.

Jeu d’échecs : un jeu d’échecs géant près d’un parc. Enfants, ados et adultes se défient, entre le cavalier, la tour, le roi et la reine. Les pions se tiennent bien droit.

Librairie : entrée dans cette librairie salzbourgeoise,  la Buchhandlung Höllrigl. J’y reste une bonne demi-heure à regarder les livres et les cartes postales quand j’entends quelqu’un parler français avec un fort accent allemand. Quelqu’un qui parle fort et qui n’est pas content. Une voix connue. Je me retourne et je vois un homme corpulent avec un catogan. La silhouette est passée de nombreuses fois à la télé. C’est  un couturier qui exprime son mécontentement en français dans cette librairie. Il ne passe pas inaperçu. On est en pleine période du festival Mozart à Salzbourg.

Pont : un pont au-dessus de la Salzach. Un coin sans doute romantique pour ces deux jeunes mariés qui se font prendre en photo. La mariée se love dans les bras de son conjoint. On est en août, en 1992.

Bus : je prends le bus pour me rendre toutes les semaines d’Unterach-am-Attersee à Salzbourg  pour ma journée de repos. Je vois les montagnes de la Salzkammergutt défiler et les collines verdir dans cet écrin de fleurs. Ce sont les années 90 et l’environnement est encore préservé. Unterach-am-Attersee est resté dans son jus. Le clocher de l’église, on est presque comme dans un tableau de Gustav Klimt. C’est beau et dépaysant à la fois.

Gare : la gare routière pour repartir à Unterach-am-Attersee avec ses bus qui défilent et ses Autrichiens qui montent ou qui descendent. Très peu de touristes mais des locaux qui prennent le bus pour se rendre à Salzbourg. Est-ce exotique ?

Elle était jeune fille au pair, ein Au Pair Mädchen, cet été là en 1992. Ein Mädle, comme disait Philip, le petit garçon dont elle s’occupait avec sa petite sœur Solveig. Elle n’aimait pas trop les enfants alors elle attendait toujours sa sortie hebdomadaire avec beaucoup d’impatience. Elle avait parcouru la Salzkammergut en bus. Elle était allée plusieurs fois à Salzbourg pendant le festival Mozart mais n’avait assisté à aucun concert. Elle avait vingt ans et, voyant la petite famille germano-autrichienne dans laquelle elle était tombée, elle s’était dit qu’elle n’avait pas envie de construire une vie telle que celle-ci, avec un papa qui travaille, une maman à la maison  et deux enfants en bas âge qui demandent de l’attention et une obligation d’être responsable. Elle, c’était une femme-enfant. Elle était atteinte du syndrome de Peter Pan. Elle était la Wendy de Peter. Toujours est-il qu’une fois par semaine, elle pouvait jouer les touristes. Une fois par semaine, elle prenait le large en bus avec son lot d’Autrichiens. Était-ce exotique ou typisch ? Typique on dira. Typique et exotique à la fois. Elle avait un peu l’impression d’être au pays de Sissi avec ce Bad Ischl qu’elle avait visité. A Salzbourg, elle était au pays de Mozart, avec ces chocolats ronds où figure la tête de Wolfgang Amadeus. A Salzbourg, il y avait la cathédrale où Mozart avait été baptisé en 1756. Nous étions en 1992 et la ville transpirait Wolfgang Amadeus Mozart. Typisch sans être exotique. Le parc où une mère mettait une culotte en croûte de porc à son garçon pour la première fois, le jeu d’échecs géant,  la librairie où un célèbre couturier éructait quelque chose en français, le vieux chêne, la poubelle pleine. Il faisait chaud cet été là et la jeune fille au pair française, das Mädle comme disait Philip, die kleine Französin, vivait au rythme de Klimt et non au rythme de Mozart comme elle le pensait. A Unterach-am-Attersee, elle était dans une toile de Gustav Klimt. Elle était en villégiature, comme en repos avant de reprendre la vie estudiantine. A Unterach-am-Attersee, elle ne rencontrait presque personne. Elle était pour ainsi dire en mode pause. Elle était en pause de tout. Elle avait vingt ans et encore de nombreuses choses à connaître, les premières déceptions, les désillusions, la maladie et les erreurs de parcours. Elle voulait rester étudiante toute sa vie. Et c’est ce qu’elle était devenue : une éternelle étudiante qui avait soif d’apprendre, mais pas le métier d’épouse et de mère. Elle n’en avait pas envie. Elle se rêvait éternelle étudiante. Elle l’est encore aujourd’hui. Elle a cinquante ans, n’a plus toutes ses dents. Elle apprenait à écrire. Il y avait du chemin encore à faire, entre les toiles de Gustav Klimt et les collines du Perche et le faux plat de la Beauce. Il y avait des routes sinueuses et des chemins vicinaux qu’il fallait prendre. Des routes de campagne, entre la RN 10 et la D955. Elle est désormais un peu coincée, la touriste de l’été 1992, entre un travail et une maladie qui gagnaient du terrain.

A propos de Elise Dellas

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