Les petits plaisirs de l’hiver

J’observe la plaine. Des flocons de neige tombent en tourbillonnant. Un d’entre eux se dépose sur mon visage et fond instantanément. Un frisson me parcoure. J’apprécie cette sensation. Je lève la tête vers le ciel, entrouvre la bouche et laisse plonger pleins de petits flocons au creux de ma bouche. Je met mets à courir en essayant de manger chacun d’entre eux. Je souris. Je faisais toujours ça étant petite. Je m’arrête pour souffler. La rencontre entre le chaud et le froid produit de la fumée sortant de ma bouche. Les pieds cloués dans mes bottes, j’avance pas à pas en savourant le bruit des chaussures qui s’enfoncent dans la neige toute fraîche. Mes mains sont fourrées dans mes poches. Un bonnet est carré sur ma tête. Une écharpe bien chaude enveloppe mon cou. Mes joues sont rougies par le froid. Tout est lisse, tout est blanc : le sol, les arbres, les toits des chalets. Seul un rayon de soleil tranche le ciel grisâtre. J’aime l’hiver.

J’observe la plaine. Des flocons de neige chutent dans un tourbillon infernal. L’un d’entre eux s’écrase sur mon visage et y laisse une goutte d’eau glacée. Un frisson désagréable me parcoure. Je déteste cette sensation. Je lève la tête vers le ciel grisâtre et me prend une nuée de flocons en pleine figure. Je les recrache du mieux que je peux. Une personne passe devant moi en courant. Cette bécasse tente d’ingurgiter des flocons de neige. Les pieds cloués dans mes baskets en toile, j’avance du mieux que je peux pour regagner le chalet. La neige rentre dans mes chaussures et congèle mes pieds subitement. Je ronchonne. Je n’ai pas de gants, je sens plus mes doigts. Je n’ai pas de bonnet, mes cheveux ruissèlent de neige fondue. Je n’ai pas d’écharpe, les flocons glissent dans mon cou et me transforme en glaçon ambulant. Le froid brûle mes joues. Tout est trop lisse, tout est trop blanc. J’aime pas l’hiver.

J’aperçois la plaine. Elle ne forme qu’une vaste étendue blanche. La neige a recouvert tout ce qu’il y avait sur son passage. Je distingue quelques chalets, des traces de pas, des bonhommes de neige et des points d’eau remplacés par la glace. Je dégringole doucement, profitant pleinement du paysage qui m’entoure. Plus je descends, plus le blanc m’éblouit. Des paillettes semblent émerger de la neige, illuminée par le seul rayon de soleil qui traverse le ciel. Je surplombe tout. Deux personnes se trouvent en-dessous de moi. Une, planté comme un piquet, fagotée comme en été. Une autre, emmitouflée dans d’innombrables couches de vêtements. Je m’approche dangereusement de cette dernière. Elle coure dans tous les sens la bouche ouverte. Soudainement pris d’une angoisse profonde je me déporte loin d’elle, et m’abandonne finalement sous un sapin nouveau-né.