L’escalier

Quelques pièces en poche, je quitte l’appartement. La grosse porte de cette vieille bâtisse est difficile à ouvrir. Je la pousse dans un bruit grinçant et descends les deux petites marches. Les pavés de la rue sont grisâtres. Je me faufile le long de la façade et trouve les escaliers. Je m’y engouffre.  Plus j’entame ma descente plus l’ambiance est morose. La ruelle est étroite et se perd dans une descente infinie. Je sens l’odeur de la pisse et la noirceur qui a repeint les murs.  Il fait sombre et je ne vois plus que le bout de la ruelle, un faisceau de lumière. Les marches sont étroites mais je ne peux m’empêcher d’essayer d’en sauter deux ou trois à la fois. Avec mes sous en poche, je ne me sens pas menacée par ces grands murs qui ont l’air de se resserrer devant moi. De toute manière, toute la ville de Dole est morose, mais elle me ressemble et ça me suffit. Les cloches resonnent dans cet escalier interminable. J’aime beaucoup cette mélodie, elle semble invoquer des dieux anciens. Je cours, et saute à pied joints les trois dernières marches. Il y a le petit bar à ma droite, avec des hommes, des vieux qui regardent ma frêle silhouette. Je suis très mal à l’aise. Les regards sont persistants. Je baisse les yeux. J’étais peut-être mieux dans les limbes de l’escalier. La rue est plus large, mais ne me rassure pas. Je me rattache aux devantures de magasin. Leur couleur contraste avec celle des murs, sals et collants. Je pense déjà à autre chose, je m’amuse des pigeons qui s’envolent lorsque je les approche. Ils sont mes nouveaux compagnons de route. Je ne perçois plus rien d’autre. Je suis arrivée aux portes de la librairie tenant fermement mes sous en main, dans ma poche.