#photofictions #06 | effacer le titre voir et venir

point jeté à droite à gauche boucles hiéroglyphe lumineux index pointé non ! & paroles envoyées à la braise Eulalie menace gronde refuse bras levé au-dessus de la tête personne ne peut encore depuis deux ans affirmer avec certitude en quelle langue quel créole de quelle partie du monde contre quoi sinon le banc la nuit clope coincée entre deux doigts braise agitée en signes colériques –

ça ne dira que ça la main qui tient le harnais le chien qui avance amène l’équilibre la foulée les arrondis des clous podotactiles le démarrage du moteur au feu le volume qui augmente vient glisser dans l’oreille rattrapé par le cortège des moteurs qui le suivent les ponts de repos au rouge le nombre de pas retenu sans compter savoir quelle durée met le corps dans ses sons familiers ses joints de pavés, ses regards de chaussée gravés, ses mémoires de forme, potelets de petits trous sous les doigts devant le passage piéton, vérifier bordure de trottoir et flux sonore des  moteurs sur la gauche –

ça ne dira presque rien à l’intérieur ce qu’on pense sans fermer ce qu’on amène sans toucher ni goûter ni voir sans odeur ni bouger est-ce que c’est pas un peu triste alors pourtant ça dira presque la même chose la même bouche en recherche de goût les mouvements en quête de surface les sons rassemblés en nuage volatile les floculences parfois dans un temps long de dessication ça dira même que quelque chose a bougé ici ça dira flou –

ça dira que c’est la lumière qui a pensé pour nous cette fois-ci en zones claires en retrait dans les creux rien ne bouge plus pas si sûr une fosse aux noirs plus sombres absorbe plus rien à défaire l’ombre à cerner ou à suivre en flottant –

coupé ça ne dira pas le temps posé sur une pierre passé à toute allure ici alors que je voulais le tenir un petit peu dans la main pour montrer quoi une statue la poignée attrapée dressée sur un socle de verbe haut coupé ça ne dira pas ça ne dira plus bien fait –

PHOTOFICTIONS#6 DAIDO MORIYAMA PHOTOGRAPHIER SANS CADRE APPAREIL TENU A BOUT DE BRAS PHOTOGRAPHIER EN MOUVEMENT PAS D’ARRET MEME PROVISOIRE UNE PHOTO PLEINE DE BRUITS DE TRAVERS FLOUS BOUGES GRAINS INVENTER CINQ PHOTOGRAPHIES CINQ RECTANGLES DE TEXTE CONVOQUER MENTALEMENT

https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article5206

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

10 commentaires à propos de “#photofictions #06 | effacer le titre voir et venir”

  1. (j’adore cette façon, ce style, ce genre, cette manière de dire) (c’est vrai, même si « ça ne dira presque rien » on dirait quand même cette espèce de vapeur fumée brume qui se disloque s’évapore s’évade – quelque chose de nous cependant, vraiment) (les podotactiles les floculences dessicatives tellement urbaines hein)(vraiment bien) (et en retrait sûrement cette fosse noire, oui) (merci)

    • Merci pour ce beau retour, Piero. Je cherchais cette zone saisie au vol, sans cadre… Sans réussir à l’extraire tout à fait d’une petite voix intérieure qui disloque et envoie tout hors d’elle – comme tu le soulignes bien. Un bien bel exercice de photofiction.

    • Une fois sur zone, le ralenti amène du flou. Et on peut faire confiance à l’écriture pour ce qui est de la lenteur ! (par comparaison à l’oeil, à l’appareil photo… ) Merci pour le retour.

  2. Bonjour Nolwenn
    Je retiens « c’est la lumière qui a pensé pour nous ». Tes textes-images sont précis dans leur flou, dans leur bougé, dans leur cadre qui s’impose. Merci beaucoup pour ces images dites et arrachées au réel !

  3. Merci Fil pour ces mots de retour, Fil. C’est vrai: sans aller jusqu’à anthropomorphiser la lumière, en disant « la lumière pense » (ce serait une lourde métaphore), ici l’idée qu’on voit sans chercher d’autres qualités que photosensibles… et pourtant aucune couleur sous la main.

  4. « Coupé ça ne dira pas… » Une écriture tellement d’ailleurs ces textes. Beaucoup aimé. Effet saisissant de chercher qui énonce, qui ressent, qui dit. Merci.

    • Merci, Anne. Tentative d’imprégnation du flou dans toutes les instances de la narration ? Même pas, c’est ce « laisser et venir ». Bonnes photofictions à toi.